Besoin de parler ? Besoin de partager ? Besoin d'échanger sur l'état des lieux d'un secteur culturel déjà mis à mal par la pandémie et dont les crises géopolitiques et sociétales que nous vivons en ce moment ne font qu'affaiblir chaque jour un peu plus son essentialité ? Besoin de communiquer sur la réalité du terrain ?
Il y a sans doute un peu de tout cela dans le désir d'écrire quelques réflexions, idées, questionnements, mots (ou maux) qui occupent nos esprits de musiciens, artistes, enseignants, pédagogues et fervents défenseurs d'une idée artistique pourtant semble-t-il partagée par beaucoup, celle d'un art considéré comme pilier absolument fondamental de nos sociétés.
Car malgré la surmédiatisation de certains artistes laissant penser à une reprise des activités culturelles et à un engouement artistique retrouvé, les voyants sont plutôt au rouge qu'au vert. Tout dépend bien entendu aussi de ce que l'on nomme culture et art.
Cette année encore, la fréquentation des festivals reste très chaotique, très hétérogène sur le territoire, en moyenne plutôt très en baisse, exception faite de certains événements « mastodontes » dont les budgets alloués à la communication sont tellement stratosphériques qu'ils affichent évidemment « complet » (heureusement), ce qui ne gage pas en revanche toujours d'une correcte rémunération pour les artistes qui s'y produisent…
Alors à la phrase désormais entendue quotidiennement « vous devez être contents, les concerts reprennent », il faut souvent faire preuve de persévérance, de foi et de beaucoup de pédagogie pour y répondre. En fait, cela dépend où et surtout de qui nous parlons. Car nous assistons toujours et encore à l'uniformisation d'une pensée culturelle massive et normée qui ne laisse malheureusement pas la place à tous les courants artistiques. C'est la culture du « buzz », de l'image provocante, du paraître, du vernis, des paillettes, de la photo ou des paroles qui choquent, de la couverture de disque qui interpelle, du titre « bancable »... Pour résumer très simplement, le contenant était déjà depuis longtemps devenu plus important que son contenu, mais à présent, aussi vendeur soit l'emballage, sa coquille est souvent vidée de sa substantifique moelle.
Par ailleurs, l'accès aux principales scènes nationales est aujourd'hui réservé à une très petite minorité d'artistes triés sur le volet. Seuls les projets « vus à la TV » paraissent dignes d'être soutenus et programmés, avec des budgets souvent tellement démesurés qu'ils permettraient à eux seuls de faire vivre plusieurs centaines d'artistes ou d'organiser des dizaines de concerts avec la même enveloppe budgétaire. Les sommes allant jusqu'à six chiffres pour des artistes ayant participé à un radio crochet TV alors que les autres se battent dans le même temps pour récolter dans le meilleur des cas un minimum syndical à trois chiffres, et encore - ne vous méprenez pas - plus proche de 100 que de 999.
En ce qui concerne les programmations de plus petite taille, l'équation est quasiment insoluble pour elles, entre baisse des dotations - certaines salles fonctionnant essentiellement sur des fonds propres, sans subventions ni aides - surcoûts liés aux différentes contraintes économiques actuelles, difficultés de report des concerts annulés à plusieurs reprises pendant les deux dernières années, propositions surabondantes de projets rendant leur sélection de plus en plus complexe à effectuer...
Et l'on peut ajouter aussi à ce cocktail déjà explosif, un public qui peine à se déplacer car les confinements successifs ont mis à mal nos habitudes, ouvrant la voie royale à une culture digitale, à distance, depuis chez soi, sans contraintes ou presque, et très souvent gratuite.
Le monde ne tourne vraiment plus très rond...
Toutefois, tentons quand même de nous rassurer : il subsiste encore bien évidemment des exceptions à tout cela, de belles rencontres, de beaux projets enthousiasmants, des collaborations riches et passionnantes... C'est alors que l'on se rend encore plus compte que rien ne vaut l'échange in situ, rien ne vaut le lien méticuleusement tissé entre artistes et public, cette sincérité inestimable, ce lien social indispensable à nos vies.
Sortons tous azimuts : concerts, musées, expositions, salons littéraires, théâtres, cirques, opéras, ballets, spectacles, bibliothèques, médiathèques, librairies, regardons autour de nous, émerveillons-nous des plus belles architectures et monuments de notre patrimoine...
Évadons-nous, découvrons, apprenons, échangeons, transmettons, éduquons les esprits critiques de demain, sensibilisons-les, imaginons ensemble, et surtout, tâchons de rester vifs, curieux et créatifs pour réussir le défi de redonner à l'ART la place qu'il mérite.
Picasso ne disait-il pas « l'art lave notre âme de la poussière du quotidien ».
Et ce n'est pas rien.
Sébastien Authemayou
Bandonéoniste,
Compositeur, arrangeur,
Membre de la SACEM
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Note : pour en savoir plus, vous trouverez ci-dessous une liste non exhaustive de liens et articles consacrés à l’état des lieux du secteur culturel français, analyses venant étayer le point de vue partagé dans mon article. Certains articles répertoriés dans cette note ont été rédigés il y a déjà quelques mois, d’autres sont plus récents, certains proviennent de sources gouvernementales, d’autres d’associations qui partagent leurs expertises et analyses du terrain, certains accessibles directement depuis différents sites de presse ou journaux.
Le Petit Carnet des Éditions Parole
ARTIS Bourgogne Franche Comté
https://www.artis-bfc.fr/vos-ressources/les-impacts-de-la-crise-sanitaire-sur-le-secteur-culturel
ARTCENA
LE FIGARO
LE MONDE
La Gazette des Communes
https://www.lagazettedescommunes.com/688248/scenarios-noirs-pour-la-culture-jusquen-2021-2022/
Conseil d’Analyse Économique
https://www.cae-eco.fr/staticfiles/pdf/CAE070_Culture.pdf
L’ADN
L’Avant-Garde
https://www.lavantgarde.fr/entre-bilan-et-remise-en-question-le-secteur-culturel-en-difficulte/
Ministère de la Culture
Association Intercommunalités de France
https://www.adcf.org/contenu-article?num_article=6481&num_thematique=3
Libération
Banque des Territoires
Atelier Parisien d’Urbanisme