INFORMATION
COMMUNIQUÉ
DE PRESSE
3 mai 2024
Crédit photo : Opus en Couleurs / Editions Parole / Pauline Collus Photography / Droits Réservés
Chers amis, abonnés, auditeurs, lecteurs,
Chers libraires, disquaires, journalistes et chroniqueurs,
Chers collègues et confrères,
Très cher public,
Vous êtes malheureusement très nombreux à nous demander des nouvelles concernant la commercialisation et la disponibilité de notre dernière publication « LIBERTAD – Astor Piazzolla, l’étonnant voyage d’un homme libre », livre disque initialement publié en décembre 2020 aux éditions Parole pour fêter le centenaire de la naissance du célèbre compositeur argentin.
Aussi, après de très longs mois d’attente, enlisés dans d’insoutenables procédures administratives et juridiques, nous vous informons officiellement par ces quelques lignes qu’à compter de ce jour notre ouvrage ne sera plus commercialisé dans les circuits de vente traditionnels.
En effet, depuis quasiment deux ans, malgré les clauses légales en vigueur relatives au secteur de l’édition d’une part, et au contrat de cession préalablement signé auprès des éditions Parole d’autre part, nos relations auteurs/éditeur se sont peu à peu détériorées principalement en raison de l’inexistence d’une commercialisation suivie de notre titre, de l’absence de diffusion, du défaut de distribution de notre ouvrage et par conséquent de l'immobilisation sporadique puis permanente des stocks.
La situation ne pouvait plus perdurer. Nous vous devions cependant des explications car nombreux d’entre vous nous ont écrit pour nous spécifier qu’il était impossible de commander notre publication, ce qui était effectivement le cas. Malheureusement, nous n’avions aucun pouvoir sur une situation éditoriale devenue incontrôlable et ce, à notre insu.
Publier un tel ouvrage en hommage à Astor Piazzolla était une réelle chance, un défi gigantesque que nous avons relevé avec passion et exaltation. C’est donc à la fois extrêmement déçus mais également soulagés et apaisés, que nous venons enfin - par la rupture de notre contrat d’édition et le solde du stock restant - de reprendre le contrôle de l’intégralité de nos droits sur cette œuvre colossale pour laquelle nous nous sommes investis sans compter, fruit de nombreuses années de recherches et de travail. Bien sûr, nous pourrions ici invoquer les dieux qui s’acharnent jour après jour sur un secteur culturel toujours plus affaibli, voire à l’agonie malgré certaines apparences, fustiger un contexte social très instable tant au niveau national, européen que mondial…
Nous dirons plutôt que ce projet n’a pas éclos au meilleur moment, ce qui nous laisse quand même l’espoir d’une prochaine renaissance, celle d’un phœnix piazzollien, portant encore et toujours, plus loin et plus fort, les valeurs essentielles de l’art et de la culture. C’est en tout cas tout ce que nous souhaitons pour que l’œuvre de l’immense Astor Piazzolla puisse être toujours plus diffusée et appréciée, pour que l’histoire de cet homme hors du commun puisse être connue de tous, pour qu’Astor Piazzolla reste à jamais un exemple de ténacité, d’audace, de persévérance, d’authenticité, dans un monde où nous perdons trop souvent nos repères et où la diffusion des plus belles valeurs humaines reste un devoir car il nous appartient au minimum de garantir à nos enfants le droit de rêver un monde meilleur.
Ouvrage salué par la presse nationale et internationale pour sa forme atypique, par Radio France et FIP, ainsi que par de très nombreuses radios françaises et étrangères, Prix Coup de Cœur de la prestigieuse Académie Charles Cros en 2021, le projet LIBERTAD a par ailleurs bénéficié des auspices de la Fondation Internationale Astor Piazzolla de Buenos Aires ainsi que de la famille du compositeur pour son caractère unique et son apport historique.
Bien que plusieurs pistes soient pour l’heure à l’étude, nous restons à votre disposition et à l’écoute de toutes suggestions qui pourraient nous mener vers un nouvel éditeur enthousiaste ou vers un agent littéraire désireux de nous soutenir devant cette nouvelle page qui s’ouvre et sur laquelle tout reste à écrire, celle d’une nouvelle vie pour LIBERTAD, sous une autre forme mais toujours aussi captivante !
« Le réel quelquefois désaltère l'espérance. C'est pourquoi, contre toute attente, l'espérance survit ». René CHAR
À très bientôt.
Musicalement.
Marielle Gars
Pianiste,
Sébastien Authemayou
Bandonéoniste,
Auteurs de "LIBERTAD - Astor Piazzolla, l'étonnant voyage d'un homme libre"
Fondateurs du Duo Intermezzo
Crédit photo : Pixabay / Droits Réservés
Une fois de plus, sur un coup de tête, je décide de saisir « la plume » pour écrire ce billet d’humeur annonciateur du printemps. Les sujets sont toujours très nombreux, la période toujours aussi troublée, les mensonges, les hypocrisies et autres supercheries toujours d’actualité… Alors sans plus attendre, mieux vaut vous prévenir d’emblée… À l’image de toute série télévisée qui se respecte, vous retrouverez ici les aventures de vos protagonistes préférés… Quant à l’intrigue… Il faut quand même savoir maintenir et garder le suspense pour les prochains billets, surtout pour les 20 saisons à venir !
Rassurez-vous, pas de panique, même si vous n’avez pas lu les précédents billets toujours disponibles plus bas sur cette page, vous devriez vous y retrouver.
L’idée maîtresse est aujourd’hui d’être encore plus direct ; d’une part pour traiter les sujets sans trop de circonvolutions imposées par une politesse parfois bien envahissante, et puis, pour vous éviter aussi l’usure de votre pulpe digitale (pouces ou index) sur l’écran tactile de votre smartphone ainsi que pour économiser vos rétines…
Alors dans cette roulette de l’actualité : « Faites vos jeux ! »
Au choix :
1. Le dossier brûlant de la réforme des retraites et son 49.3 ?
2. L’effondrement des services publics, santé, culture, éducation, défense… ?
3. Les conseillers communication du gouvernement qui pédalent à côté de leurs vélos sur les pistes cyclables parisiennes d’Anne Hidalgo ?
4. Olivier Véran et ses prédictions apocalyptiques ? Les bras d'honneur d'Eric Dupond-Moretti ?
5. La culture : toujours dernière roue du carrosse ?
6. La légion d’honneur remise (en cachette) par le Président Macron à Jeff Bezos ?
7. Les opéras qui annulent leurs représentations à la chaîne pour « raisons budgétaires » et les ensembles instrumentaux menacés ?
8. Les salles de concerts vides ? Vous allez me dire, tout dépend lesquelles…
Pour l'instant, effectivement aucune difficulté n'est à signaler concernant une éventuelle baisse de la cote de popularité du rappeur marseillais Jul, toujours paisible dans ses « claquettes chaussettes ».
9. Les victoires de la musique classique ? Erato, Warner & Universal ?
10. Sofiane Pamart et l'annonce toute fraîche de sa tournée internationale en Amérique latine, mais aussi de sa programmation au Festival Jazz in Marciac 23… ?
Déjà proclamé « Roi du piano classique » … Il manque seulement un petit rien, un petit effort de ses attachés de presse, vraiment trois fois rien, pour que la mention « génie de l’improvisation » apparaisse durant les prochaines semaines : LE « nouveau » Thelonious Monk !
11. Le démantèlement annoncé de l'IRSN, Institut de Radioprotection et de Sureté Nucléraire ?
12. .........
« Rien ne va plus ! » On retient son souffle, les paris sont terminés et la roulette tourne…
Alors dans ce spectaculaire « quilombo » ambiant (version familière argentine du capharnaüm) qui semble si souvent inéluctable, DEUX FRERES FONT TOUT POUR SAUVER LA CULTURE. Cela pourrait même être un titre de bande annonce pour la prochaine superproduction hollywoodienne. Vous savez forcément de qui je veux parler. Impossible de passer à côté. Inutile de mentionner leur nom. Ils sont partout. Indices : ils ne sont pas jumeaux ; l’un est violoniste, l’autre est violoncelliste. Ils font toutes les couvertures de magazines, les journaux télévisés, les émissions de divertissement, gèrent de nombreux festivals, dirigent des orchestres, font des centaines de concerts par an... À croire que nous n'avons en France que deux musiciens compétents, version 3.0 de l'arbre qui voulait absolument cacher la forêt par tous les moyens. L’un soutient ouvertement avec altruisme et générosité les talents de demain. L’autre ? Soutient ouvertement avec altruisme et générosité les talents de demain.
Non, non, je me suis bien relu. Ce n’est pas une répétition malencontreusement passée inaperçue. L’un est très largement financé par le CIC. L’autre ? Par la Société Générale !!!! Espérons juste que tous les jeunes talents ainsi « aidés » soient bien rémunérés pour leurs prestations et à la hauteur de leur talent… Je peux vous assurer que ce n’est pas si courant… Ceux qui parmi vous connaissent bien le système dans lequel nous évoluons le savent. Espérons aussi que ces mêmes « jeunes talents » seront vraiment accompagnés comme il se doit et ne seront pas jetés en pâture dès lors qu’ils auront atteint l’âge canonique de 29 ans 11 mois 30 jours 23 heures 59 minutes et 59 secondes.
Donc Ouf ! Grâce à nos vaillants héros de la musique, tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes. Nous voici sauvés... Enfin presque !
Car tout de même, immédiatement, remis de nos émotions, surgissent quand même deux questions existentielles de la plus haute importance :
- Pourquoi ceux qui crient constamment des vérités évidentes et incontestables depuis d’innombrables années ne sont jamais écoutés et entendus ? Vous me direz là que c'était déjà le cas de Socrate né presque 500 ans avant notre ère...
- Pourquoi les plus belles âmes, les personnalités au grand cœur et aux compétences incommensurables ne sont quasiment jamais saluées à leur juste valeur ? Car pour eux, pas de légion d’honneur, ni de médailles, ni de récompenses honorifiques, ni de grandes réceptions sous les ors de la république, ni d'articles de presse…
Trois exemples parlants.
• Je vous en ai déjà parlé dans mes précédents billets. Monique Deschaussées - éminente pianiste et pédagogue dont l’envergure internationale sur le plan pianistique est comparable à celle de Nadia Boulanger pour la composition et l’écriture - est partie rejoindre les étoiles de l’art il y a tout juste un an dans un silence assourdissant. Rappelons quand même qu’elle a formé des pianistes professionnels dans plus de 40 pays… Rien que ça. Pour le premier anniversaire de sa disparition, quelques-uns de ses disciples ont quand même réussi le pari fou d’organiser un concert hommage, à Paris, en l’église Saint-Julien-le-Pauvre, le 7 mars, jour de grève et manifestations nationales… Bien sûr, aucune couverture médiatique digne de ce nom. Là n’est pas la priorité du moment - les équipes de journalistes battent le pavé - mais plus largement, là n’est PLUS DU TOUT la priorité de notre société. Et pourtant, Monique Deschaussées ne disait-elle pas : « Je pense comme les Grecs de l'Antiquité. La musique, l'art, ont une dimension métaphysique essentielle. Ils aident à former le caractère, contribuent à former de meilleurs hommes ». C’est une évidence. Toutefois, on constate sans grande difficulté que la sagesse véhiculée par les plus grands penseurs et philosophes antiques n’a pas encore « infusé » dans tous les esprits. Une chose est sûre, on ne peut pas dire que c’est par manque de temps... En plusieurs millénaires, cela laisse quand même un peu de latitude pour infiltrer les consciences !
• Même constat pour Albert Hamann, bandonéoniste de génie, multi-instrumentiste, compositeur, arrangeur, disparu prématurément il y a 20 ans : pour l’heure, personne ne parle de son héritage musical. Pourtant, il a pu collaborer ou rencontrer tout au long de sa vie artistique riche et foisonnante de nombreux musiciens et artistes prestigieux comme Astor Piazzolla et tant d’autres. Un seul concert semble être là aussi organisé pour honorer sa mémoire dans le cadre de la prochaine édition du Festival des Nuits de Nacre à Tulle (19).
• Enfin, connaissez-vous Shin’ichi Suzuki, né en 1898, décédé en 1998 quelques mois avant d’être centenaire ? Le 26 janvier dernier marquait les 25 ans de sa disparition. À l’exception d’un article paru sur le site internet Asia Nikkei traduit par Courrier International, on ne peut pas dire que le père de la méthode Suzuki, grand maître du violon, considéré et respecté dans le monde entier comme un pédagogue visionnaire ait lui non plus été salué à la hauteur de ce qu’il a donné toute sa vie pour l’art et pour la musique. Son rêve le plus cher : défendre une éducation universelle et égalitaire. Il souhaitait « que chaque enfant puisse se développer dans la musique ou tout autre domaine afin de vivre une vie plus riche, ce qui déboucherait sur une société meilleure ». Là encore, tout cela est évident mais démontre une fois de plus ce que la classe politique s’entête à ne pas voir : l’importance capitale de l’art dans nos vies, d'une part dans un soutien affiché aux plus nobles démarches de créations artistiques et d'ouverture d'esprit bien sûr ; mais d'autre part, dans l’enrichissement plus large et global de nos sociétés, dans leur épanouissement, et dans la recherche d’un équilibre social retrouvé, moins d’anxiété et plus de respect…
Bon sang ! Mais pourquoi sommes-nous toujours séduits par ceux qui aboient le plus ?
D'ailleurs à ce titre et à l’occasion du 102ème anniversaire de la naissance d'Astor Piazzolla célébré le 11 mars, une mise au point qui me tient particulièrement à cœur s'impose. Pourquoi ?
Si vous avez lu notre livre « LIBERTAD, l’étonnant voyage d’un homme libre » (Éditions Parole) co-écrit avec Marielle Gars, vous savez que le compositeur argentin s'est battu toute sa vie pour imposer son oeuvre subissant de nombreuses menaces de la part de ses détracteurs, y compris des menaces de mort. Aujourd'hui, malgré une très large reconnaissance mondiale, il ne faut absolument pas croire que tout est gravé dans le marbre et que son talent est compris et respecté de tous, et ce, malgré un travail conséquent de communication et de médiation effectué ces dernières années par la Fondation Astor Piazzolla de Buenos Aires. En effet, dans certains milieux bien-pensants, sa musique est tour à tour qualifiée de « légère », de « superficielle », de trop « populaire », de « musique d’ambiance ou d’ascenseur » … Et oui, un véritable scandale, mais c’est bien ainsi que certains esprits soi-disant éduqués et cultivés, s'auto-proclamant parfois même « brillants », n’hésitent pas à parler de l’un des plus grands compositeurs du XXème siècle. Parait-il que l’on disait la même chose de la musique du génialissime Bill Evans… Alors !
Et dans le même temps, ces mêmes musicologues, compositeurs, critiques, chefs d'orchestre ou savants des temps modernes n’hésitent pas non plus, à la moindre occasion, de donner ou soutenir des programmes « hommage » au maître argentin car l'avantage de son œuvre est qu'elle reste quand même « accessible » au « grand public »… L'art de savoir retourner sa veste en toute circonstance... S’agit-il alors de jalousie, de manque d’ouverture, de méconnaissance du sujet, d’hypocrisie ou bien de tout cela à la fois ? Donc contrairement à ce que la légende urbaine tend à nous faire croire, défendre cette musique n’est finalement pas toujours de tout repos.
Les conséquences des critiques acerbes mentionnées plus haut ? Tout d’abord, de nombreux ensembles – la plupart montés de toutes pièces par des musiciens et leurs agences parisiennes avides de succès, de visibilité et d'argent pensant faire le « buzz » à l’occasion du centenaire de la naissance du maestro en 2021 - interprètent cette musique en la galvaudant… Ce n’est pas parce qu’elle est très bien écrite et très lisible qu’elle en reste simple à interpréter… Gustav Malher ne disait-il pas : « tout est écrit dans une partition sauf l’essentiel… » ? Et c’est bien malheureusement sur cet « ESSENTIEL » que beaucoup font l’impasse : « Jouons vite et fort et cela fera bien l’affaire »...
Deuxième effet : les programmateurs en ont à présent assez de cette musique de « sauvage » et ne veulent plus programmer « du Piazzolla » car victimes d’une soi-disant overdose en 2021… Dans ce cas, pourquoi proposer chaque année avec persistance une nouvelle version de la Flûte enchantée, de Carmen, de Casse-Noisette… ? Pourquoi la musique d’Astor Piazzolla ne serait-elle pas logée à la même enseigne ? Pourquoi faudrait-il attendre plusieurs années avant de la faire entendre à nouveau ? Pourquoi un récital Piazzolla poserait-il plus de difficultés qu’un récital Chopin ?
D'un autre côté, pas de jaloux : Mozart, Debussy, Ravel, Brahms et tous les autres peuvent aussi faire les frais d’interprétations douteuses. Encore une fois, il ne suffit pas de savoir lire la musique pour en saisir le sens profond… Certains donnent même toute leur vie – ou du moins une grande partie - au service d’un seul compositeur pour essayer de saisir toutes les subtilités de son art. Citons juste pour rapide exemple Glenn Gould, Gustav Leonhardt, Scott Ross, Marie-Claire Alain, André Isoir, ou Nikolaus Harnoncourt pour la musique de Bach. Ainsi, à notre modeste niveau, nous essayons de saisir depuis près de 20 ans avec notre duo Intermezzo les multiples saveurs de la musique de Piazzolla afin de les retranscrire le plus justement possible dans les arrangements personnels que nous défendons humblement dans le plus grand respect des oeuvres originales.
Piazzolla a été soutenu par les plus grands jazzmen : de Dizzy Gillespie à Stan Getz, en passant par Chick Corea, Paquito D’Rivera, Gary Burton, Al Di Meola, Martial Solal, Gerry Mulligan… Sa musique a été ou est interprétée par de prestigieux musiciens classiques et chefs d’orchestre : le Kronos Quartet, Martha Argerich, Daniel Barenboim, Mstislav Rostropovitch, Yo-Yo Ma, Gidon Kremer, Leo Brouwer, Myung-Whun Chung, Lalo Schifrin… Sans doute tous sourds à en croire les détracteurs toujours virulents de Piazzolla !
Alors arrêtons de croire n’importe quoi, ouvrons les oreilles et contentons-nous d’en comprendre le message. Le travail de diffusion entamé par Piazzolla pour défendre son oeuvre est donc bien loin d’être terminé… Nous voilà plongés au coeur même des notions pédagogiques les plus élémentaires : expliquer, expliquer, expliquer… Sensibiliser toujours et encore… Transmettre, faire passer...
C'est aussi le but de ces quelques lignes.
Dans notre monde complètement fou, on nous pousse à croire l’incroyable tout en remettant en cause des faits scientifiques irréfutables. Selon une étude récente, 9% des Français sont toujours persuadés que la terre est plate. D’un autre côté, on a aussi tendance à « faire dire » n’importe quoi à la science. Ou plutôt, on abrite derrière le mot « science » des faits qui ne sont pas du tout scientifiquement avérés mais cela permet de diffuser la « bonne parole », une parole médiatique bien huilée sensée être valorisée de l'autre côté de l'écran par l'étiquette « approuvée par la science ». Il s’agit de leurres. Pas besoin d’embarquer à bord d'une incroyable machine à remonter le temps pour trouver des exemples dans un passé très proche… On le sait. Tout n’est donc qu’un éternel recommencement. Manque de curiosité, de renseignements, de lectures, d’enquêtes minutieuses… C'est aussi pour ces raisons que certains dénigrent la musique de Piazzolla !
NON, Astor Piazzolla n’a pas uniquement composé le célébrissime Libertango, il n’a pas toute sa vie joué vite et fort, il n’a pas non plus rendu sourd son auditoire… Ça c’est le portrait que dressent ceux qui n’ont pu entendre qu’une seule partie des « interprétations » ou « relectures » de son œuvre… Et qui n’ont sans doute pas non plus pris la peine d’écouter quelques enregistrements mythiques du maître.
En fait, à écrire ces lignes, la même constante ressort systématiquement de mes différentes chroniques : nous sommes sans cesse pollués et anéantis par un manque criant de curiosité et d'esprit critique. Alors des voix s’élèvent ces derniers jours pour décrire les dérives de notre secteur, parmi lesquelles on retrouve celles de chefs réputés, de musiciens ou artistes plutôt soutenus médiatiquement.
ENFIN !!!!
Mais pourquoi ne sont-ils pas intervenus plus tôt ? Les problèmes cités ne datent pas d'hier...
Sans doute étaient-ils enfermés dans leur confortable tour d'ivoire ? Préféraient-ils ne rien voir ? Alors si même une prise de conscience de l'état désastreux de notre filière culturelle commence à atteindre les plus hautes sphères, c’est que « rien ne va plus » pour eux… Alors imaginez pour les autres !
Une solution ? Après des années à crier des vérités que personne ne veut entendre ou croire, est-il finalement nécessaire de continuer ? Faut-il s’isoler comme certains philosophes antiques le préconisaient en attendant que « l’orage passe » pour laisser les derniers vautours de la culture grignoter tous les restes ? La question se pose très sérieusement car cette mascarade peut encore durer quelque temps. Les éclairs et l'orage sont violents. Dieu sait que les vautours sont nombreux, qu'ils rôdent un peu partout - pas seulement dans les prestigieux lieux de la capitale - et qu'ils sont surtout incroyablement affamés, attirés par les dernières miettes d'un « gâteau culturel » plus que consommé. Alors faut-il attendre qu'ils n’aient plus rien à se mettre sous la dent pour que résonnent enfin les voix de la sagesse et du bon sens ? Mais que se passerait-il si tout au bout de la chaîne alimentaire les vautours venaient à disparaître eux aussi ?
Alors comme l’anaphore semble être un jeu littéraire très à la mode en ce moment :
• Il devient urgent de nous ressaisir,
• Il devient urgent d’ouvrir nos yeux et nos oreilles,
• Il devient urgent de nous attacher à redonner de l’importance aux plus belles valeurs qui ont fait la grandeur de nos sociétés et aussi de notre espèce « animale »,
• Il devient urgent de nous concentrer sur l’essentiel,
• Il devient urgent d’être sincère,
• Il devient urgent d’être juste et respectueux,
• Il devient urgent de rêver un monde meilleur !
Faisons-le au moins pour nos enfants.
Sébastien Authemayou
Bandonéoniste,
Compositeur, arrangeur,
Membre de la SACEM
Professeur d'Enseignement Artistique
****
Note : pour en savoir plus, vous trouverez ci-dessous les sources principales d'après lesquelles cet article a été réalisé :
LETTRE À ASTOR PIAZZOLLA
https://www.youtube.com/watch?v=y3-0gCWl7cw
LE FIGARO
LA LETTRE DU MUSICIEN
https://lalettredumusicien.fr/article/plus-que-jamais-ce-monde-a-besoin-de-musique-7768
BABELIO
https://www.babelio.com/livres/Lagrange-Regard-Sur-le-Spectacle-Vivant-Francais/938298
FRANCE INFO
LE MONDE
RELIKTO
LE POINT
NATIONAL GEOGRAPHIC
https://www.nationalgeographic.fr/sciences/un-francais-sur-10-pense-que-la-terre-est-plate
COURRIER INTERNATIONAL
ASIA NIKKEI
https://asia.nikkei.com/Life-Arts/Arts/How-Suzuki-Method-conquered-the-music-world
LE PARISIEN
SOCIETE GENERALE
https://www.societegenerale.com/fr/un-ete-en-france
MARIE CLAIRE
https://www.marieclaire.fr/,francoise-sagan-en-10-citations,817773.asp
DIAPASON
JAZZ IN MARCIAC
https://jazzinmarciac.com/concert/sofiane-pamart
LE NOUVEL OBS
Crédit photo : Pixabay / Droits Réservés
(Bip)… Nouvelle année (Ding)... Meilleurs vœux (Dong)…
Santé, joie, bonheur, amour, partage, bienveillance, justice, paix (Tûuut)…
Et humour (Tidit)… « L’humour ne se résigne pas, il défie » (Bip).
Et si en plus c’est Sigmund Freud qui le dit (Ding). Alors ! (Dong)
Dans le marasme ambiant, l’humour est sans doute notre seul salut, « la forme la plus saine de la lucidité » comme l’exprimait déjà Jacques Brel avec tant de clairvoyance.
Alors au moment d’écrire ces quelques lignes, difficile de trouver le bon ton, le bon angle d’approche pour une nouvelle fois vous faire partager dans cette lettre ouverte quelques cris du cœur et réflexions autour de notre secteur culturel mais pas seulement. Mais tout d’abord, venons-en aux faits, et recevez mes plus sincères et chaleureux vœux pour cette nouvelle année 2023, qu’elle vous apporte l’épanouissement, la sérénité et le bien-être que vous souhaitez, qu’elle soit enrichissante et qu’elle vous livre aussi tout le bonheur, l’amour, la tendresse et la joie que vous méritez. Voilà au moins quelques ingrédients que nous ne pourrons pas trouver sur la fameuse plateforme de vente en ligne de Jeff Bezos et qui nous permettront assurément de renouer avec ce que l’homme possède de plus précieux : sa sociabilité, qualité incontournable et essentielle à la réalisation des plus beaux projets, des plus beaux chefs-d’œuvres ou inventions de l’humanité, des plus beaux exploits artistiques et même sportifs, et ce depuis les prémices de la vie sur notre chère planète bleue… Le partage, le collectif, les échanges (à bâtons rompus ou non, virulents ou contrôlés) …
Évidemment que tout cela est ESSENTIEL !
Quelle tristesse d’avoir assisté en ce XXIème siècle à un tel débat, à une telle opposition entre ce qui est INDISPENSABLE et ce qui ne l’est pas, entre ce qui est OBLIGATOIRE et ce qui ne l’est pas… Nul doute qu’indépendamment des dommages psychiques individuellement subits, notre société gardera de graves séquelles de cette période trouble que nous traversons malheureusement toujours depuis 2020, à moins qu’une prise de conscience globale et collective accrue ne permette d’engager la « résilience » de notre système… Et là, c’est le neuropsychiatre Boris Cyrulnik qui le dit ! Mais pour cela, il nous faudrait quand même compter sur l’aide de la sphère politique car ne dit-on pas que l’exemple vient d’en haut ? Mais le moment ne semble pas vraiment opportun, et pour couronner le tout, l’équipe nationale de football vient de s’incliner en finale de la coupe du monde dans la terrible épreuve des tirs au but... Alors là c’est la goutte d’eau qui fait déborder la tasse... Et les fruits d’une éventuelle victoire ne pourront finalement même pas être utilisés à des fins stratégiques malgré une descente présidentielle remarquée sur la pelouse du Lusail Stadium de Doha !
OUI : nous nous enrichissons constamment les uns les autres, nous avançons ensemble pour créer à notre modeste échelle le monde de demain. Nous devons apprendre sans cesse, rester curieux et inventifs, non sur des bases chancelantes ou archaïques trop souvent véhiculées par un système à bout de souffle, non sans arguments, non sur des croyances ancestrales infondées qui se transmettent de générations en générations comme de vieilles reliques auxquelles nous ne devons absolument pas toucher, mais sur des préceptes logiques, scientifiques, réfléchis, raisonnés, étayés, dans un savant équilibre entre analyse sérieuse de notre histoire et de notre passé - dont nous oublions trop souvent de tirer les enseignements - et l’avenir que nous souhaitons offrir à nos enfants.
Le tout avec philosophie et pédagogie, psychologie et spiritualité, art et créativité !
En bref, difficile de dire mieux qu’Albert Einstein : « apprendre d’hier, vivre pour aujourd’hui et espérer pour demain » !
# Résolution n°1 : trouver le bonheur dans une botte de foin !
Dans sa correspondance avec l'Abbé Trublet du 20 avril 1761, Voltaire écrit : « je me suis mis à être un peu gai, parce qu'on m'a dit que cela est bon pour la santé ». À bien y réfléchir, il doit avoir raison car il est primordial de nous concentrer sur le beau, l’authentique, le sincère, le précieux, les petits bonheurs du quotidien que trop souvent nous laissons filer à scruter les écrans de nos smartphones pollués par les acteurs d’un monde factice qui nous poussent à croire en une idée erronée du bonheur ou de la réussite.
Il faut prendre en photo son plat du jour (un fast food fera l’affaire ou même une soupe), le partager sur les réseaux (tous les réseaux même ceux qui n’existent pas encore), faire un film en claquettes chaussettes (les initiés de la cité phocéenne sauront) pour faire le buzz sur la toile, gagner des « followers » et convaincre les programmateurs de croire en la nouvelle étoile montante, propulsée sous les projecteurs à grands coups de communiqués de presse dithyrambiques (aux milliers de superlatifs tous plus « stratosphériques » les uns que les autres), repris ensuite en chœur et sans vérification par une partie de la presse qui n’a bien sûr pas toujours le temps de faire des enquêtes minutieuses sur les nouveaux génies qui émergent ici ou là, produits commerciaux des maisons de disques au bout du rouleau (on parlera ici de rouleau compresseur)… Quand même certains artistes, agences ou labels en viennent à acheter des « streams » pour faire monter les côtes de popularité sur internet… et pour obtenir une « reconnaissance » des algorithmes des moteurs de recherches, c’est que le mur n’est pas bien loin. Tout cela donne alors quand même l’impression de participer à une partie de roulette au casino, sans règles du jeu et avec dés pipés. Mais quel est le but de toute cette mascarade ?
C’est certain, nous avons perdu le sens des valeurs. Il suffit de s’autoproclamer « génie » du piano, du violon, de la trompette, du bandonéon ou de la flûte à coulisse pour que les portes des salles s’ouvrent, que les chaînes de TV fassent des captations et que le musée Grévin réfléchisse sérieusement à la fabrication de nouveaux sosies de cire « actualisés »… Tout le monde a le droit de faire de la musique sans pour autant prétendre rivaliser avec des génies incontestables ou personnalités incontournables que sont par exemple les Martha Argerich, Yo-Yo Ma et autres Christian Tetzlaff, Jeanine Jansen, Chucho Valdès, Keith Jarrett, Wynton Marsalis ou en leurs temps les Mozart, Beethoven, Chopin, Brahms…
Non, comme l’a laissé entendre la ministre de la culture Rima Abdul Malak il y a quelque temps, toutes les musiques ne se valent pas. Chacun peut trouver son bonheur, ça oui (et heureusement), tout le monde est différent, unique, c’est un fait ; mais il est inconcevable de comparer Bach à Booba, Ravel à Jul, et encore moins Clara Schumann ou Barbara à Aya Nakamura…
Sofiane Pamart n’est donc ni le nouvel Alfred Cortot, ni le nouveau Glenn Gould, ni le nouveau Radu Lupu. Maître Gims n’est ni le nouveau Jacques Brel, ni le nouveau Brassens, ni le nouveau Nougaro. Dans le même ordre d’idée les « boys bands » des années 1990 et 2000 n’avaient rien de comparable aux Beatles ou aux Rolling Stones. Au delà de toute considération partisane, Donald Trump ou Boris Johnson ne se situent pas non plus sur la même échelle que Roosevelt ou Churchill. Je ne me risquerais pas ici à trouver une comparaison avec le Général de Gaulle qui avait refusé en son temps son salaire et sa retraite de Président, qui payait personnellement les frais inhérents à l’occupation de ses appartements privés présidentiels et qui invitait systématiquement sa famille sur son budget personnel ne voulant pas faire supporter au contribuable le financement de sa vie privée. Ce fut le seul Président de la cinquième république à procéder ainsi.
De la même façon, il est impossible de comparer un fast food à un restaurant étoilé au guide Michelin (un sandwich aussi bon soit-il ne remplacera jamais un menu bistronomique ou gastronomique), ou encore un agriculteur respectueux de l’environnement avec une multinationale qui fait pousser ses légumes en toutes saisons dans de l’eau et des engrais ou produit de la viande en élevage intensif. Toutes les salades sont différentes même si elles se ressemblent. Tous les pains au chocolat (ou chocolatine selon l’aire géographique choisie) se ressemblent mais n’ont pas tous le même goût en raison des ingrédients avec lesquels ils sont préparés. À partir de là, tout est permis : le « fabriqué en France » est remplacé par « assemblé en France » ou seulement « pensé en France » ; le « fait maison » est remplacé par « réchauffé sur place dans notre micro-ondes dernière génération »… L’art de la communication, ou comment le moindre musicien se filmant dans un hall de gare pour son compte Instagram passe pour le nouveau virtuose. L’homme oublie vite son histoire, d’où il vient et où il va.
La faute à qui ? Aux supposés génies ? Au public qui les écoute ? À la presse qui n’a pas pu fouiller plus loin que le communiqué de presse élaboré par une maison de disque peu scrupuleuse en quête du peu de pouvoir qu’il lui reste, grignotant les dernières miettes d’un marché devenu obsolète… ??? L’industrie musicale serait-elle le baromètre de notre société ?
Les spécialistes autoproclamés inondent les plateaux TV et les ondes radios, l’information est brouillée (Bip)... Et quel que soit le sujet, politique, société, international, environnement, écologie, santé, éducation, culture… la vérité doit être sans cesse cherchée comme une aiguille dans une botte de foin. La botte est énorme et l’aiguille minuscule. Finalement les sophistes qui régnaient du temps de Socrate pour « détourner » les esprits ne sont pas si loin, le célèbre philosophe s’est d’ailleurs retrouvé bien seul dans sa quête de justice 400 ans avant J.-C. (pas Jacques Chirac !), 2373 ans avant C.H. (Cyril Hanouna) et un peu plus avant « Les anges de la télé-réalité ». Les temps changent mais l’homme n’évolue pas. Alors doit-on finalement s’évertuer à convaincre, à ouvrir les yeux à celui qui ne le souhaite pas ? Pourtant il s’agit là des fondements même de la pédagogie. La célèbre pianiste et pédagogue Monique Deschaussées qui nous a quittés il y a presque un an dans un silence assourdissant – et ce malgré la reconnaissance internationale de ses inestimables compétences, de son savoir hors du commun, de ses précieux écrits et de ses innombrables années de recherches - s’est elle aussi attelée à cette lourde tâche durant toute sa vie. Celle de faire gravir l’Everest de l’art pianistique à ses disciples. Mais comme elle le disait, il faut aller chercher les prétendants à l’ascension des plus hauts sommets au « camp de base » pour les amener le plus haut possible. C’est cela la pédagogie. Tous ne pourront pas atteindre la cime, mais la condition sine qua non pour y arriver est déjà d’avoir envie d’y parvenir, en toute humilité, avec sincérité et honnêteté.
C’est alors cette sincérité, celle du Maître, celle de son élève, qui rend unique et précieuse une personne dans ce monde qui déborde de fausses apparences. La pédagogie ne s’apprend pas disait-elle. Et c’est une certitude. L’art de diriger ou de gouverner ne s’apprend pas non plus, même dans les plus grandes écoles...
Mais au fait, qui sont les sophistes ? Ceux contre qui Socrate luttait pour imposer justice et vérité…
Selon le Larousse, le sophiste est « un rhéteur grec (professeur d’art oratoire durant l’antiquité), qui vendait son enseignement philosophique (chose scandaleuse à l'époque), enseignement qui consistait à jouer sur les mots et à manipuler les raisonnements de telle sorte que la persuasion soit obtenue par l'effet charismatique de celui qui sait manier la parole et non par la mise en évidence de la vérité ». Le Robert définit quant à lui le sophisme comme « un argument, un raisonnement faux malgré une apparence de vérité ». Tiens donc… Là encore, les époques changent mais l’homme se distinguerait-il des autres espèces animales par une certaine constance ?
Les sophistes étaient-ils les « influenceurs » d’hier, les manipulateurs des esprits dans une époque où… les tablettes existaient déjà (non connectées au réseau des dieux c’est une évidence, mais en cire et en bois, avec un stylet…) ? Bien sûr, impossible toutefois de compter sur ce dispositif -2.0 pour prendre en photo son meilleur profil lors de la dernière orgie partagée en bonne compagnie !
On se rend compte alors que si l’on décide de porter, partager et défendre les plus belles valeurs, il est très difficile de se faire entendre, il faut se battre, argumenter sans cesse, et l’on se retrouve très souvent isolé, noyé dans une hypocrisie généralisée où le paraître fait légion et où les directives de nos gouvernants ne permettent quasiment jamais de traiter les différentes problématiques sociétales en profondeur. Tout n’est que superficialité. Mais rien de très nouveau finalement même si cela nous exaspère et nous semble anormal. D’ailleurs, où se situe la normalité ? Vaste débat. Est-il normal de devoir s’abaisser à de viles pratiques pour espérer se produire et partager son art avec autrui ? Est-il normal d’être obligé de réfléchir à des campagnes de communication en petites tenues pour espérer se vendre ? Dans ce cas, demandons aussi aux commerçants, aux artisans et à toutes les professions de faire un effort ! Si tout le monde se dénudait pour vendre ou rendre service, au moins cela rétablirait une certaine équité, nous reviendrions alors à de basiques et primitives considérations, bien que là encore, nous ne soyons pas tous logés à la même enseigne ! Certains trouveraient bien le moyen d’utiliser à outrance, encore et toujours, de nombreux superlatifs pour prouver ou du moins convaincre de leur supériorité, non dans les faits et sur du contenu, mais sur des dotations naturelles plus ou moins séduisantes et objectives...
# Résolution n°2 : le lâcher prise !
Sénèque l’écrit en l’an 62 après J-C : « Les stoïciens les plus puristes sont habités par deux régimes de croyance et d’action ; tantôt ils théorisent et supervisent l’action politique idéale, mais lorsqu’il s’agit de se confronter à la décevante médiocrité de la ciuitas, ils se découragent et font marche arrière. »
Tout est dit. Et il ajoute : « Nous sommes à la dérive, nous saisissons un objet à la suite d’un autre ; nous délaissons ce que nous avons recherché, nous recherchons ce que nous avons délaissé : en nous se succèdent alternativement le désir et le repentir. Car nous sommes complètement dépendants du jugement d’autrui, et le meilleur, à l’évidence, c’est ce que cherche et encense le public, non ce qu’on doit encenser et ce qu’on doit chercher. Nous n’estimons pas une route bonne ou mauvaise en elle-même, mais par l’abondance des traces de pas, dont aucune n’appartient à des gens qui revenaient en arrière. » Déroutant non ? Rappelons encore qu’il s’agit de textes écrits il y a environ 1960 ans !
Les incohérences existaient déjà, celles du monde politique, des décideurs, celles imposées par une pensée dominante déconnectée de la réalité. Incroyable mais pourtant vrai.
Le temps passe mais l’homme ne change pas.
On nous demande d’acheter des voitures électriques et « en même temps » la plupart de nos centrales sont à l’arrêt pour « travaux ou maintenance »… Nous vivons avec l’angoisse de coupures d’électricité alors même que la part des voitures électriques dans le parc automobile français n’est que de 1% en octobre 2022… Quelle serait la situation si ce même parc était pourvu à 100% de véhicules électriques ?
On nous promet plus de respirateurs artificiels en 2020 pour gérer la crise COVID… et « en même temps »… les services hospitaliers restent saturés, sous-équipés, le personnel est au bord de la rupture… On nous promet la transparence pour les vaccins et « en même temps » le plus haut sommet de la pyramide diplomatique européenne est mis en cause dans de sombres affaires de corruptions avec le principal laboratoire fournisseur de vaccins… On nous promet un soutien à la culture et « en même temps » seuls quelques privilégiés se goinfrent pendant que les autres espèrent pouvoir remonter sur scène ou sont contraints, pour exister ou pour tenter de résister, de jouer pour une poignée d'euros… On nous promet une amélioration du système éducatif et « en même temps » la France figure toujours parmi les plus mauvais élèves des classements PISA, le ministre de l’éducation venant même d’annoncer il y a quelques jours des mesures de soutien pour les élèves de 6ème au regard des résultats préoccupants en mathématique et en français lors des dernières évaluations nationales…. On nous promet l’irréprochabilité de nos institutions et « en même temps »… On fait appel à McKinsey & Company, cabinet de conseil privé, pour sauver notre économie moyennant des sommes colossales... alors même que nous disposons de très nombreux hauts fonctionnaires censés être rompus à la gestion de crise(s) et capables de résoudre les plus insolubles équations de notre administration grâce à leur expertise acquise dans nos plus prestigieuses grandes écoles...
On nous promet du dialogue et de la concertation à l’assemblée nationale et « en même temps »… 49.3 49.3 49.3 49.3… On nous indique que personne n’aurait pu prédire la crise climatique, la crise sanitaire… alors que de nombreux scientifiques, chercheurs, ingénieurs, climatologues et journalistes alertent depuis des décennies comme Haroun Tazieff ou plus récemment Jean-Marc Jancovici… On nous promet de prendre en charge la situation des plus précaires et « en même temps » les « Restaurants du Cœur » et autres associations caritatives n’ont jamais été tant sollicités… Et que dire des stades climatisés au Qatar ou des prochains Jeux Asiatiques d’hiver 2029 organisés dans le désert en Arabie Saoudite ???
Et il en est de même pour l’art et la culture… Les différents rapports du regretté Didier Lockwood sur l’enseignement de la musique qui malgré leur pertinence restent encore dans quelques tiroirs bien gardés de la rue de Valois…
Si tous les musiciens célèbres ou assimilés se prêtent actuellement au jeu d'interpréter des programmes « saucissons » à moitié dénudés pour « faire le buzz », on ne fait alors qu’alimenter la situation de virtualité dans laquelle nous nous trouvons. Les mêmes devraient défendre la Musique, l’art et ses plus belles valeurs, ils en ont le pouvoir, ils ont « l’oreille » des médias, mais au-delà de ça, l’appel du porte-monnaie est tellement grand que, peu importe, mieux vaut jouer une adaptation symphonique de Frère Jacques plutôt que de défendre les plus belles pages de la musique. Et si en plus, la plupart des festivals 2024 français étaient annulés en raison de l’organisation des Jeux Olympiques à Paris…
La crise COVID et le terrible conflit en Ukraine ont bon(s) dos. Tout cela ne date pas d’hier.
L’exemple vient d’en haut !
La politique doit d’urgence retrouver son essence première afin de servir avec noblesse et justesse, le tout dans l’intérêt général et le plus grand respect des missions de service public qui lui sont conférées. Selon le Larousse, « Platon, dans les deux dialogues où il se préoccupe de l'essence de la politique, la République et le Politique, présente une conception de la politique où la cité juste est une totalité organisée, soumise à l'autorité d'un roi philosophe, détenteur du pouvoir parce qu'il est détenteur du savoir. Mais Aristote reproche à cette théorie de trop privilégier l'unité de la cité et d'oublier que celle-ci doit être une multiplicité, de la même façon qu'il faut plusieurs notes, et non une seule, pour écrire de la musique ». Le Robert présente un homme politique comme « celui qui sait gouverner autrui ».
Il y aurait bien sûr matière à écrire beaucoup plus sur le sujet tant il peut être clivant et surtout immensément complexe. Toujours est-il que lorsque depuis de nombreuses années, d’éminents spécialistes qui ne sont malheureusement quasiment jamais appelés à s’exprimer en public dénoncent certaines dérives ou prévoient même avec une anticipation déconcertante les travers dans lesquels la société est en train de plonger, personne ne les entend, personne ne les écoute...
Alors pour obtenir un changement de paradigme et ainsi déclencher une évolution positive de nos sociétés dans un cercle enfin vertueux, des choix politiques doivent être réalisés et assumés, quels que soient les domaines ou les secteurs concernés. Les orientations sociétales peuvent être influencées par les désirs d’un peuple, c’est évident, mais c’est au politique que revient le choix final en laissant de côté les considérations personnelles pour se concentrer sur une démarche collective de cohésion et non sur la satisfaction individuelle de petits pouvoirs. Pour le moment, on peut seulement se consoler d’une prise de conscience collective mais les orientations choisies ne sont que trop rarement à la hauteur des enjeux et des défis à relever.
Il est clair que dans un tel contexte, il convient donc de trouver un savant équilibre entre le lâcher prise (indispensable à la recherche d’un certain bien-être psychique vital) et la poursuite de luttes pour imposer des revendications louables, justifiées et par ailleurs primordiales à l’évolution vertueuse de nos sociétés.
« On ne suit pas toujours ses aïeux ni son père : le peu de soin, le temps, tout fait qu’on dégénère ; Faute de cultiver la nature et ses dons, Ô combien de Césars deviendront Laridons ! » Jean de La Fontaine.
# Résolution n°3 : vers toujours plus de curiosité, d’analyse(s) et de réflexion(s)...
Tout d’abord, vu l’ampleur des dysfonctionnements constatés, il convient de choisir ses batailles.
À l’évidence, il serait incontournable de nous rassembler pour lutter ensemble, faire entendre une autre musique (sans mauvais jeu de mots) mais les sirènes médiatiques illuminant de nouveaux génies qui n’ont souvent du génie que le nom, ne nous le permettent visiblement pas. Elles nous divisent toujours et encore, nous laissant croire que la vérité artistique est proportionnelle à la fréquence d’apparition dans les tabloïds et autres émissions TV. Ainsi nous perdons le sens des choses, celui des valeurs, celui des réflexions profondes, et je ne parle même pas là de spiritualité, tant cette notion semble être le cadet des soucis de notre civilisation. Et pourtant, le physique est intimement lié au psychique, le mécanique au cérébral, le corps à l’esprit. Ne dit-on pas que l’estomac est notre deuxième cerveau ?
Il convient donc comme le disent si bien les philosophes antiques d’essayer de renouer avec une recherche de l’unification de l’être humain, celle du corps et de l'esprit. Aujourd’hui l’esprit n’est plus là. Il est devenu secondaire et surtout très souvent déconnecté de son enveloppe charnelle ce qui pousse l’homme à prendre des décisions, à faire des choix ou à véhiculer des idées qui ne sont absolument pas à la hauteur des attentes du moment. Esprit ? Esprit !? Esprit es-tu là ?
Il faut alors espérer que cette société du paraitre qui tend à faire passer quelque chose de banal pour exceptionnel refasse surface et où la sincérité reprenne le dessus qu’elle soit culturelle, artistique, politique, écologique, éducative ou sanitaire…
Ce n’est qu’une goutte d’eau dans un océan bien tourmenté mais espérons que beaucoup de gouttes d’eau se rejoignent pour permettre à nos enfants de vivre dans un monde plus sain.
Dans son livre La musique et la vie (Edition Buchet Chastel), Monique Deschaussées cite le célèbre pianiste et pédagogue Edwin Ficher en préambule : « l’art reflète la Vie sur un plan supérieur… Ainsi l’Art et la Vie ne sont pas choses séparées mais unies… » C’est sur cette base - à laquelle je persiste de croire - que nous devons fonder la société de demain. L’art nous rend curieux, sensible, créatif, riche, sain, solide. Il nous apporte du rêve, de l’espoir, nous questionne, nous ouvre les yeux, nous illumine, nous rassemble, nous rend plus fort… L’art pariétal préhistorique prouve - s’il en était toujours besoin - le lien étroit qui unit la vie et l'art. Ce dernier a permis à l’homme de réaliser des exploits ou prouesses que personne ne conteste aujourd’hui, les pyramides d’Égypte, le Colisée de Rome, le Taj Mahal, la cité jordanienne de Pétra ou encore le Machu Picchu, le Louvre, le Château de Versailles, la Sagrada Familia pour n’en donner qu’un infime aperçu…
Tout cela est ART, CULTURE, et patrimoine UNIVERSEL !
L’art a permis l’éclosion d’authentiques et reconnus génies dans tous les domaines – les véritables : Antonio Gaudi, Léonard de Vinci, Ludwig Van Beethoven, Pablo Picasso, Paul Cézanne, Auguste Rodin, Robert Doisneau, Le Corbusier, Victor Hugo, Louis Aragon, William Shakespeare, Marie-Claude Pietragalla, Simone de Beauvoir, Camille Claudel, Simone Signoret, Françoise Sagan, Jacqueline du Pré et tant d’autres… Notre époque permet-elle l’émergence de telles personnalités ? Au regard du constat évoqué plus haut, on peut en douter ou du moins rester perplexe tant le talent, le travail et les valeurs ne sont plus soutenus et valorisés. Il nous appartient donc de prouver le contraire en nous concentrant sur la jeunesse, et donc, en éduquant, conseillant, guidant sur les chemins de la connaissance et du savoir dans un esprit de bienveillance, avec philosophie et pédagogie. Nous devons nous inonder des plus belles ondes positives, tenter les plus belles idées et suivre les plus belles initiatives.
Que répondre à une enfant de 8 ans qui vous dit : « mais s’il n’y avait plus de frontières, les hommes ne se feraient plus la guerre ? »... C’est sûr, le monde pourrait être tellement plus beau avec plus de sincérité et beaucoup moins de mauvaise foi. Pour autant, les hommes ne se battaient-ils déjà pas pour inventer toujours plus de frontières lorsqu'il n'y en avait pas !?
Il faut donc partir en quête du beau dans cette société qui perd la boussole. Alors, on peut inviter la population à accepter une 60ème dose de vaccin à grand renfort de communiqués mais est-ce que l’hôpital sera en meilleure forme pour autant ? Pas certain... La situation a-t-elle réellement évolué depuis plus de deux années de pandémie ? On peut couper le wifi, manger à la bougie, dormir avec des bouillottes, envoyer des messages par pigeons voyageurs, se déplacer en ballon dirigeable ou en cerf-volant 3.0… mais dans ce cas arrêtons de gaspiller le textile, le papier, les emballages ; arrêtons de surproduire, de jeter pour acheter toujours plus, réparons, réutilisons, réinventons, réfléchissons à des solutions pérennes, pour une société juste, équilibrée et respectueuse ! Mais l’exemple vient d’en haut ! (Ding)
Au fait, Issac Newton formule en 1687 sa loi de gravitation universelle, assis sous un pommier et recevant un fruit sur sa tête ! Mais finalement, malgré la découverte de cette loi de la gravité, il semble que nous prenions malheureusement toujours les plus importants sujets à la légère ! Alors gardons à l’esprit, comme le précisait Albert Camus, que « la musique est l’expression parfaite d’un monde idéal qui s’exprimerait à nous par le moyen de l’harmonie ». (Dong)
Sébastien Authemayou
Bandonéoniste,
Compositeur, arrangeur,
Membre de la SACEM
Professeur d'Enseignement Artistique
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Note : pour en savoir plus, vous trouverez ci-dessous les sources principales d'après lesquelles cet article a été réalisé :
FRANCE INFO
LES ECHOS
FRANCE INTER
Jean-Marc JANCOVICI et Christophe BLAIN
• « Le monde sans fin » (Dargaud)
• https://youtu.be/FMGb4Wb0gO0?list=UUNovJemYKcdKt7PDdptJZfQ
Yuval Noah HARARI, David VANDERMEULEN, Daniel CASANAVE
• « Sapiens, la naissance de l’humanité » et « Les piliers de la civilisation » (Albin Michel)
• https://www.ynharari.com/fr/
Monique DESCHAUSSÉES
• « La musique et la vie » (Buchet/Chastel)
• « Musique et spiritualité » (Dervy)
PLATON
« Apologie de Socrate », « Criton » et « Euthyphron » (Librio)
SENEQUE
• « De la vie heureuse », « De la tranquillité de l’âme » (Librio)
• « Le temps à soi » (Rivages poche petite bibliothèque)
Boris CYRULNIK
Boris CYRULNIK et Edgard MORIN
• « Dialogue sur notre nature humaine » (Marabout)
• https://www.philomag.com/articles/boris-cyrulnik-edgar-morin-dialogue-sur-notre-nature-humaine
LE FIGARO
CAPITAL
CHARLES DE GAULLE
• https://www.up-tex.fr/salaire-retraite-presidents/
• https://enseigner.charles-de-gaulle.org/memoires-de-guerre-du-general-de-gaulle/
• https://hitek.fr/bonasavoir/general-gaulle-retraite_147
• http://palimpsestes.fr/textes_divers/g/degaulle/memoires2.pdf
DIVERS LAROUSSE ET DICTIONNAIRES
• https://dictionnaire.orthodidacte.com/article/etymologie-politique
• http://kotsanas.com/fr/exh.php?exhibit=1202003
• Jean de La Fontaine, Fables de La Fontaine, L'Éducation, texte établi par Jean-Pierre Collinet, Fables, contes et nouvelles, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 1991, p. 335
• https://dictionnaire.lerobert.com/definition/sophisme
• https://dictionnaire.lerobert.com/definition/politique
LE MONDE
LA DEPECHE
LE POINT
BANQUE DES TERRITOIRES
MINISTERE DE LA CULTURE
https://www.culture.gouv.fr/Media/Missions/Rapport-Lockwood.pdf
COURRIER INTERNATIONAL
https://www.courrierinternational.com/magazine/2019/69-hors-serie
GALLICA BNF
https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k9613538n/f20.item.texteImage
INA
• https://www.instagram.com/reel/Cm9hDMBooIq/?igshid=MDJmNzVkMjYD
• https://www.youtube.com/watch?v=tPjHLRYZiHM
Crédit photo : Pixabay / Droits Réservés
Besoin de parler ? Besoin de partager ? Besoin d'échanger sur l'état des lieux d'un secteur culturel déjà mis à mal par la pandémie et dont les crises géopolitiques et sociétales que nous vivons en ce moment ne font qu'affaiblir chaque jour un peu plus son essentialité ? Besoin de communiquer sur la réalité du terrain ?
Il y a sans doute un peu de tout cela dans le désir d'écrire quelques réflexions, idées, questionnements, mots (ou maux) qui occupent nos esprits de musiciens, artistes, enseignants, pédagogues et fervents défenseurs d'une idée artistique pourtant semble-t-il partagée par beaucoup, celle d'un art considéré comme pilier absolument fondamental de nos sociétés.
Car malgré la surmédiatisation de certains artistes laissant penser à une reprise des activités culturelles et à un engouement artistique retrouvé, les voyants sont plutôt au rouge qu'au vert. Tout dépend bien entendu aussi de ce que l'on nomme culture et art.
Cette année encore, la fréquentation des festivals reste très chaotique, très hétérogène sur le territoire, en moyenne plutôt très en baisse, exception faite de certains événements « mastodontes » dont les budgets alloués à la communication sont tellement stratosphériques qu'ils affichent évidemment « complet » (heureusement), ce qui ne gage pas en revanche toujours d'une correcte rémunération pour les artistes qui s'y produisent…
Alors à la phrase désormais entendue quotidiennement « vous devez être contents, les concerts reprennent », il faut souvent faire preuve de persévérance, de foi et de beaucoup de pédagogie pour y répondre. En fait, cela dépend où et surtout de qui nous parlons. Car nous assistons toujours et encore à l'uniformisation d'une pensée culturelle massive et normée qui ne laisse malheureusement pas la place à tous les courants artistiques. C'est la culture du « buzz », de l'image provocante, du paraître, du vernis, des paillettes, de la photo ou des paroles qui choquent, de la couverture de disque qui interpelle, du titre « bancable »... Pour résumer très simplement, le contenant était déjà depuis longtemps devenu plus important que son contenu, mais à présent, aussi vendeur soit l'emballage, sa coquille est souvent vidée de sa substantifique moelle.
Par ailleurs, l'accès aux principales scènes nationales est aujourd'hui réservé à une très petite minorité d'artistes triés sur le volet. Seuls les projets « vus à la TV » paraissent dignes d'être soutenus et programmés, avec des budgets souvent tellement démesurés qu'ils permettraient à eux seuls de faire vivre plusieurs centaines d'artistes ou d'organiser des dizaines de concerts avec la même enveloppe budgétaire. Les sommes allant jusqu'à six chiffres pour des artistes ayant participé à un radio crochet TV alors que les autres se battent dans le même temps pour récolter dans le meilleur des cas un minimum syndical à trois chiffres, et encore - ne vous méprenez pas - plus proche de 100 que de 999.
En ce qui concerne les programmations de plus petite taille, l'équation est quasiment insoluble pour elles, entre baisse des dotations - certaines salles fonctionnant essentiellement sur des fonds propres, sans subventions ni aides - surcoûts liés aux différentes contraintes économiques actuelles, difficultés de report des concerts annulés à plusieurs reprises pendant les deux dernières années, propositions surabondantes de projets rendant leur sélection de plus en plus complexe à effectuer...
Et l'on peut ajouter aussi à ce cocktail déjà explosif, un public qui peine à se déplacer car les confinements successifs ont mis à mal nos habitudes, ouvrant la voie royale à une culture digitale, à distance, depuis chez soi, sans contraintes ou presque, et très souvent gratuite.
Le monde ne tourne vraiment plus très rond...
Toutefois, tentons quand même de nous rassurer : il subsiste encore bien évidemment des exceptions à tout cela, de belles rencontres, de beaux projets enthousiasmants, des collaborations riches et passionnantes... C'est alors que l'on se rend encore plus compte que rien ne vaut l'échange in situ, rien ne vaut le lien méticuleusement tissé entre artistes et public, cette sincérité inestimable, ce lien social indispensable à nos vies.
Sortons tous azimuts : concerts, musées, expositions, salons littéraires, théâtres, cirques, opéras, ballets, spectacles, bibliothèques, médiathèques, librairies, regardons autour de nous, émerveillons-nous des plus belles architectures et monuments de notre patrimoine...
Évadons-nous, découvrons, apprenons, échangeons, transmettons, éduquons les esprits critiques de demain, sensibilisons-les, imaginons ensemble, et surtout, tâchons de rester vifs, curieux et créatifs pour réussir le défi de redonner à l'ART la place qu'il mérite.
Picasso ne disait-il pas « l'art lave notre âme de la poussière du quotidien ».
Et ce n'est pas rien.
Sébastien Authemayou
Bandonéoniste,
Compositeur, arrangeur,
Membre de la SACEM,
Professeur d'Enseignement Artistique
Alors n'hésitez pas à nous faire partager vos points de vue, vos regards, vos analyses via le formulaire de contact de ce site !
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Note : pour en savoir plus, vous trouverez ci-dessous une liste non exhaustive de liens et articles consacrés à l’état des lieux du secteur culturel français, analyses venant étayer le point de vue partagé dans mon article. Certains articles répertoriés dans cette note ont été rédigés il y a déjà quelques mois, d’autres sont plus récents, certains proviennent de sources gouvernementales, d’autres d’associations qui partagent leurs expertises et analyses du terrain, certains accessibles directement depuis différents sites de presse ou journaux.
Le Petit Carnet des Éditions Parole
ARTIS Bourgogne Franche Comté
https://www.artis-bfc.fr/vos-ressources/les-impacts-de-la-crise-sanitaire-sur-le-secteur-culturel
ARTCENA
LE FIGARO
LE MONDE
La Gazette des Communes
https://www.lagazettedescommunes.com/688248/scenarios-noirs-pour-la-culture-jusquen-2021-2022/
Conseil d’Analyse Économique
https://www.cae-eco.fr/staticfiles/pdf/CAE070_Culture.pdf
L’ADN
L’Avant-Garde
https://www.lavantgarde.fr/entre-bilan-et-remise-en-question-le-secteur-culturel-en-difficulte/
Ministère de la Culture
Association Intercommunalités de France
https://www.adcf.org/contenu-article?num_article=6481&num_thematique=3
Libération
Banque des Territoires
Atelier Parisien d’Urbanisme
Crédit photo : Pixabay / Droits Réservés
Comme une bouteille à la mer, voici quelques mots pour faire suite à l’article que j’avais signé il y a plus de dix-huit mois pour le petit carnet hors série "On décide quoi pour demain ?" des Éditions Parole…
Aujourd’hui, la massification culturelle fait légion. Nous assistons pour l’heure au développement toujours plus exponentiel d’une « fast culture » qu’il est possible de consommer à des prix toujours plus dérisoires, depuis son canapé, et que l’on choisit de mettre au rebut aussi vite qu’un éclair. De nombreuses campagnes publicitaires ciblent depuis des années la « malbouffe » mais il pourrait en être de même pour de nombreux domaines et en particulier celui de la culture. Aujourd’hui, l’effort, le travail minutieux, les recherches poussées et étayées ne sont pas récompensés. Seule l’immédiateté compte, peu importe la qualité du contenu pourvu que l’emballage soit beau, bien présenté et vendeur… un monde qui verse toujours plus dans l’illusion et le paraître, dans la forme et non le fond.
On fait croire ou on soutient l’idée depuis trop longtemps que se cultiver, être curieux, apprendre ne sont que des efforts à fournir. Mais il en va de la construction mentale de chacun de nous, de notre épanouissement personnel mais aussi du developpement de notre relation à l’autre et donc de la stabilité du « vivre ensemble ».
Le célèbre neuropsychiatre Boris Cyrulnik assimile la période que nous traversons tous à une catastrophe et précise : « il y aura forcément, à l’issue de cette période, un conflit entre ceux qui voudront en revenir à l’ancien mode de vie - car ils en étaient les gagnants - et ceux qui voudront en changer. » Différents chemins vont pour autant s’offrir à nous à l’issue de cette pandémie. Comme il le dit avec beaucoup de justesse, si le monde d’après ressemble à s’y méprendre au monde d’avant, les enjeux majeurs de nos sociétés ne pourront absolument pas être appréhendés. On voit d’ailleurs malheureusement déjà, que différents réseaux - occultes ou non - s’affairent pour maintenir le plus possible les bases de fonctionnement « du monde d’avant », privilégiant « la sécurité immédiate d’un entre soi » à une réflexion d’ouverture philosophique et sociétale. C’est le monde du « sauve qui peut », celui du « chacun sa route », modèle qui existe déjà depuis de nombreuses années mais qui semble-t-il trouve son paroxysme dans la crise que nous vivons.
Les gouvernements, dirigeants ne devraient pas traiter les problèmes au jour le jour mais devraient faire preuve d’une capacité d’anticipation accrue pour prévenir les crises, à la manière d’un médecin qui ne va pas seulement chercher à « soigner » un patient lorsqu’il est en détresse mais qui va aussi tout mettre en œuvre pour que ce même patient ne développe pas de pathologies plus graves. Comme le dit également Boris Cyrulnik, d’après ses nombreuses recherches, nous savons par exemple maintenant que les fonds investis dans la petite enfance permettent aux plus jeunes en difficultés psychologiques, sociales ou familiales de ne pas développer de troubles irréversibles qui seraient par la suite beaucoup plus coûteux à traiter. On pourrait appliquer ce raisonnement à tellement de domaines et en conséquence assainir notre modèle économique et social. S’appuyant sur des recherches précises et sur des comptes rendus d’imagerie médicale, Boris Cyrulnik nous alerte aussi sur les atrophies réelles et vérifiées de certaines zones du cortex cérébral provoquées par le manque d’interactions sociales, par l’isolement, par le manque de repères rassurants et constructifs, et une fermeture au monde qui nous entoure, à ses richesses.
Nos sociétés semblent alors s’enliser par manque d’anticipation, peut-être aussi par un déni structurel : le virus ne devait-il pas rester en Chine initialement ? l’hypothèse probable d’une pandémie n’est-elle finalement pas annoncée depuis longtemps en raison de notre mode de vie ? Notre civilisation se construit ainsi dans une immédiateté chronique qui entraine forcément des directives incompréhensibles et inadaptées, toujours basées sur des calculs financiers à court terme et non sur un modèle de société durable, serein et apaisé : crise hospitalière, crise éducative, crise culturelle, crise sociale…
Il faut donc absolument retrouver la raison, la foi en la réflexion, en l’esprit critique, car à l’inverse de simples machines, nous sommes quand même dotés de capacités intellectuelles qui nous ont permis de développer, pérenniser et faire fructifier de nombreuses richesses au fil des siècles. Sachons donc être à la hauteur de nos illustres ancêtres, de tous continents, de toutes confessions, de toutes couleurs, pour laisser à nos enfants une civilisation où apprendre et réfléchir ne sont pas des gros mots.
Les mots d’Albert Einstein résonnent alors toujours avec force et bon sens : « On ne résout pas les problèmes avec les modes de pensée qui les ont engendrés. »
Sébastien Authemayou
Bandonéoniste,
Compositeur, arrangeur,
Membre de la SACEM,
Professeur d'Enseignement Artistique
Crédit photo : Editions Parole / Droits Réservés
On décide quoi pour demain ?
Éducation, pédagogie, curiosité, l'indispensable trio pour une société heureuse, créative et ambitieuse.
Regarder la « vérité sous la grande lumière du soleil ».
C'est une évidence. L'épreuve collective que nous traversons nous oblige à repenser les fondements de la société dans laquelle nous évoluons, nous rappelant d'ailleurs à chaque instant que nous sommes tous de petits êtres fragiles, acteurs et responsables d'un écosystème que nous nous devons de protéger, pour nous-mêmes mais surtout pour les générations futures. Réchauffement climatique, pandémie, crises économiques, pollutions diverses, désorganisations systémiques sont autant d'indicateurs qui doivent absolument nous alarmer et nous faire réagir, quel que soit notre domaine d'intervention, nos compétences, notre spécialité, notre pays ou notre continent. Nous le constatons chaque jour. Comme me l'évoquait récemment l'acteur, chanteur et écrivain Guy Marchand dans un entretien téléphonique : « Pourquoi sommes-nous sur terre ? » sinon pour y vivre notre passage dans les meilleures conditions en essayant de développer collectivement un cercle vertueux. Et pour cela, pourquoi ne pas sortir de nos ornières pour regarder d'un peu plus près la nature ? Notre nature. Notre bien collectif. Intéressons-nous juste un instant aux abeilles. Elles se coordonnent et fonctionnent sur la base d'une société qui échange ses compétences et ses services. Et c’est parce qu’elles sont capables de communiquer entre elles que les abeilles parviennent à vivre en véritables sociétés organisées. Là réside donc l'élément peut-être à l'origine de tous les dysfonctionnements que nous traversons aujourd'hui dans nos sociétés : la communication. Et en élargissant un peu plus loin la réflexion, il s'agit d'ouvrir nos yeux pour accepter de discerner un mal-être beaucoup plus général, structurel et profond : celui qui affecte simultanément la pédagogie, l'éducation et bien sûr la culture.
Certaines pratiques sont aujourd'hui insoutenables. Notre société est littéralement asphyxiée par un manque cruel de créativité, de réflexion, et la perte de nombreuses valeurs qui pourtant sont fondatrices d'un épanouissement personnel et collectif : l'écoute, le partage, le dialogue, la persévérance, la bienveillance, le don de soi, l'honnêteté, la rigueur, la reconnaissance, l'éducation à la satisfaction que procure l'effort accompli et la récompense qui en découle... Grâce à elles, chacun peut trouver sa place, progresser, à son rythme, en valorisant ses aptitudes et en transformant d'éventuels échecs en force créatrice. C'est la base de la pédagogie. Il doit en être de même pour une société, pour que celle-ci soit productive, heureuse, dynamique et efficace. C'est alors que deux regards s'affrontent. Dans son ouvrage Rousseau Juge de Jean-Jacques, Jean-Jacques Rousseau disait : « La nature a fait l'homme heureux et bon, mais [...] la société le déprave et le rend misérable ». Préférons alors la vision d'Émile Zola qui en 1871 écrivait : « Une société n'est forte que lorsqu'elle met la vérité sous la grande lumière du soleil ».
Une fracture culturelle incontestable.
Dans notre milieu de l'art, de la culture et plus précisément de la musique, le marketing a comme dans de nombreux autres domaines fait des ravages. Le vrai, le beau, le poétique, le créatif disparaissent toujours un peu plus au bénéfice du standardisé, du formaté, d'un certain "prêt-à-écouter" qui inonde nos vies. Les diverses plateformes en ligne proposent une quantité infinie de musique quasiment gratuite, nous laissant croire que parce que nous avons accès à tout, nous serons plus heureux car nous saurons tout sur tout. Mais la connaissance vient avec la patience. Ce n'est pas parce que l'on a accès à toutes les intégrales de la musique de Bach ou de Mozart que l'on comprend forcément leur discours. Comme beaucoup de choses, la culture se mérite. Un minimum d'effort doit être consenti pour obtenir un résultat probant. Il faut arrêter de croire que parce que l’on a accès à tout, on intègre toutes ces informations et on les digère. Il faut que notre cerveau puisse ordonner, classer, ranger pour mieux mémoriser, et ce, tel que nous le faisons pour l’apprentissage d’une nouvelle œuvre musicale par exemple. Pour cela il faut prendre le temps d'analyser, prendre le temps de comparer, de se questionner. Autrement, la superficialité prend le pas sur l'authentique : course au “j'aime” sur les différents réseaux sociaux pour une “reconnaissance digitale”, diffusions de fichiers musicaux ultra compressés dépouillés de la plus grande partie du spectre sonore pouvant procurer chez celui qui l'écoute toute une palette émotionnelle, mauvaise adaptation de l'industrie du disque au virage digital favorisant toujours plus la domination d'une poignée de multinationales aseptisées aux règles dictées par les lois de la mondialisation et du marketing...
Aujourd'hui, un artiste, pour qu'il puisse survivre, a les mêmes contraintes qu'un chef d'une petite entreprise. Le travail artistique ne représente réellement que quinze à vingt pour cent maximum des nombreuses heures passées à démarcher, communiquer, se faire connaître, administrer sa structure, et trouver des solutions pour exister sur la toile grâce à des mécanismes toujours plus artisanaux et inventifs, parfois pervers et contre-productifs.
L'industrie du disque refuse-t-elle de voir la vérité en face ?
Par ailleurs, il est triste de constater que l'industrie du disque ne réussit pas sa mutation. Les anciennes règles du jeu continuent à vouloir être appliquées dans un nouveau modèle qui ne peut absolument pas prétendre fonctionner sur les mêmes bases. Aujourd'hui, l'écrasante majorité des artistes présents sur les différentes plateformes ne sont quasiment pas rémunérés de leur travail. Pourtant, si autant de musique est disponible en ligne pour des abonnements mensuels très modérés, c'est bien grâce aux artistes et au fruit de leur labeur. Mais nous le savons. Dans leur domaine, les producteurs locaux et les agriculteurs produisent aussi à des prix qui ne leur permettent plus de survivre alors que dans le même temps, l'industrie agroalimentaire s'enrichit de manière exponentielle. La mondialisation de l'économie affole constamment tous les indicateurs. Les prix ne veulent quasiment plus rien dire. Rendez-vous compte : pour produire un disque - et je parle d'une petite production - il faut en moyenne prévoir un budget entre 15 000 et 20 000€ pour couvrir les frais incompressibles permettant de donner vie au projet. Pourtant, à l'issue des concerts, les ventes sont de moins en moins importantes car les albums sont disponibles sur les plateformes de streaming et l'intérêt d'acheter un disque en devient de plus en plus réduit. Les lecteurs de disques ne se fabriquent presque plus, les voitures n'en sont plus équipées. Le disque est toutefois indispensable pour des besoins de démarchages et de promotion. Il se transforme alors en une carte de visite dont la rentabilité est tellement dissuasive qu'elle tue l'œuf dans sa coquille. Alors pourquoi ne pas utiliser les nombreux atouts du numérique, mais avec intelligence et équité, en repensant les modèles économiques et les répartitions avec beaucoup plus de justesse ? Il existe aujourd'hui des ingénieurs suffisamment qualifiés, brillants et compétents pour proposer aux plateformes une meilleure répartition des droits perçus. C'est une simple question de choix, de stratégie, d'orientation et de volonté. L'appel est donc lancé. Il est insoutenable de laisser le maillon le plus créatif de la chaîne aux abois. Il faut le soutenir et l'encourager.
Les valeurs intrinsèques des arts me semblent donc profondément incompatibles avec la course contre la montre imposée par nos sociétés depuis des années. Il en découle alors un appauvrissement qualitatif indéniable. Un retour aux sources est indispensable pour que nous puissions redevenir maîtres de notre réalité. Et à ce titre, la télé-réalité porte bien mal son nom. Au-delà du divertissement et de l'évasion qu'elle peut sans doute procurer, ne nous fait-elle par perdre pied avec le chemin de nos vies ? Là encore, il s'agit d'un puissant leurre que nous avons créé de toute pièce. Ne pouvons-nous pas nous évader autant en écoutant une symphonie, un concerto, en lisant un livre, un poème, une pièce de théâtre, en regardant un chef d'œuvre du cinéma, un tableau, une photo, une sculpture, une magnifique architecture ? L'art ne doit-il pas permettre de révéler ce que l'homme a de meilleur ?
On avance souvent le prix de l'accès à la culture. Cet argument est-il vraiment recevable dans notre pays ? Est-il nécessaire de comparer ici le prix d'un concert dans une saison culturelle municipale, l'inscription dans une bibliothèque ou une école de musique avec un abonnement à une saison de Ligue 1 de football ou à des concerts des stars de la musique pop ou de variété ? On avance aussi le coût de la culture. Sur le plan économique, c'est tout d'abord une hérésie car le PIB de l'ensemble du secteur culturel crée autant de richesse que la filière agroalimentaire et sept fois plus que l'industrie automobile. Le débat n'est pas là car nous voyons bien qu'avec la crise sanitaire que nous traversons, les secteurs où l'investissement économique national doit être effectué sans compter pour le bien-être des générations futures sont ceux qui ont été délaissés depuis plusieurs années : la santé, la recherche, les sciences, mais aussi l'éducation et la culture. Notre pays bénéficie à ce jour d'un tissu culturel important et magistralement insufflé par André Malraux alors nommé par Charles de Gaulle, Ministre d'État chargé des Affaires culturelles. Rendez-vous compte ! Ministre d'État ! Mais nous étions en 1959 et Malraux définissait sa mission de la sorte : « rendre accessibles les œuvres capitales de l’humanité, et d’abord de la France, au plus grand nombre possible de Français, d'assurer la plus vaste audience à notre patrimoine culturel et de favoriser la création de l'art et de l'esprit qui l'enrichissent ». Un peu plus tôt, lorsqu'on lui proposa de réduire le budget de la culture pour aider l'effort de guerre, Winston Churchill n'a-t-il pas répondu : « Mais alors, pourquoi nous battons-nous ? ».
Alors que s'est-il passé ?
Après tous ces questionnements et ces constats, arrive ainsi le moment où l'on a l'impression de se retrouver face à une montagne infranchissable. Pourquoi avons-nous autant perdu les repères et les piliers fondamentaux qui font la richesse de l'humanité ?
Finalement, l'accès à la culture n'a jamais été aussi aisé. On se connecte à la toile et en deux ou trois clics on peut visiter un musée, écouter un concert, regarder un film, visiter une exposition, lire un livre... Mais c'est un leurre... Je crois que les mots du Docteur José Antonio Abreu, pianiste, éducateur, économiste vénézuélien, fondateur du dispositif El Sistema, prix Nobel alternatif en 2002, trouvent aujourd'hui toutes leurs résonances : « Souvent, dans les pays plus avancés, l’excès d’abondance peut produire une sorte d’ennui, de lassitude. La vie perd son sens, son intérêt. (…) La surabondance peut souvent être aussi terrible que la plus extrême pauvreté. (…) Pour moi, la racine du problème social réside dans l’exclusion. Dans le monde, on voit partout que l’explosion de tel ou tel problème social est dû à telle ou telle forme d’exclusion. Alors il faut lutter pour inclure le plus de gens possible, tous, si on peut dans ce magnifique univers : celui de la musique, de l’orchestre, du chant et de l’art. » Et il rajoute : « La musique sublime et développe l'esprit humain ». Comme je l'écrivais plus haut, la surconsommation n'est donc pas synonyme de l'appropriation culturelle. Il faut changer les modes opératoires, les canaux de réflexions, pour que la curiosité sincère retrouve une place centrale dans nos vies. C'est à mon sens l'un des principaux déclencheurs d'un prochain changement. Happés par un déferlement d'informations qui nous empêchent de réfléchir, nous avons perdu la curiosité. La lenteur, la beauté, la poésie ne vont pas avec l’acharnement compulsif de certains à publier toujours plus de vidéos quotidiennement sur internet. À force, les gens n’apprécient plus. Il y a overdose d'informations et cela devient une nouvelle fois contre-productif.
Nous ne sommes pas plus heureux pour cela et nous ne rêvons plus. Alors comme l'écrivait Jacques Brel dans ses vœux du 1er janvier 1968, « Souhaitons-nous des rêves à n'en plus finir et l'envie furieuse d'en réaliser quelques-uns ». « Je vous souhaite d’aimer ce qu’il faut aimer et d’oublier ce qu’il faut oublier. Je vous souhaite des passions, je vous souhaite des silences. Je vous souhaite des chants d’oiseaux au réveil et des rires d’enfants. Je vous souhaite de respecter les différences des autres, parce que le mérite et la valeur de chacun sont souvent à découvrir. Je vous souhaite de résister à l’enlisement, à l’indifférence et aux vertus négatives de notre époque. Je vous souhaite enfin de ne jamais renoncer à la recherche, à l’aventure, à la vie, à l’amour, car la vie est une magnifique aventure et nul de raisonnable ne doit y renoncer sans livrer une rude bataille. Je vous souhaite surtout d’être vous, fier de l’être et heureux, car le bonheur est notre destin véritable ».
Vers quoi souhaitons-nous réellement aller ?
Brel nous indique en quelques lignes que le rêve, la curiosité, la créativité, l'émerveillement, les passions, sont à l'origine du bonheur. Ces notions doivent absolument être centrales. C'est là que la notion de pédagogie prend tout son sens. D'ailleurs, est-elle vraiment éloignée de ce que l'on appelle aujourd'hui vulgairement la “communication” ? Sur certains points, les deux termes trouvent bien sûr de nombreuses similitudes. Pour transmettre un art, il faut communiquer et donc savoir s'exprimer pour faire passer un message. Évidemment, il faut bien avouer que tout cela ne s'apprend pas seulement dans des livres mais se pratique sur le terrain. La pédagogie n'est pas une discipline statique, figée et non évolutive. Bien au contraire. Elle doit constamment se réinventer pour s'adapter au mieux au profil de chacun, dans le but, comme le soulignait Einstein, de donner une « personnalité harmonieuse » aux apprenants. L'autre principe fondateur de la pédagogie dans notre domaine musical - mais il est applicable à bien d'autres - c'est la triangularité de la relation : il y a généralement un parent, un enfant et un professeur. Les trois acteurs doivent communiquer et s'investir à parts égales pour que le résultat de cette collaboration sincère soit le plus efficace possible et adapté à l'élève. Il faut donc que le professeur ait vraiment envie de transmettre, que l'enfant ait vraiment envie d'apprendre et que le parent ait vraiment envie de l'accompagner. C'est la seule condition à la mise en place d'une dynamique positive et à la création d'un cercle vertueux qui à lui seul peut soulever des montagnes. Churchill ne disait-il pas très justement : « On vit de ce que l'on obtient. On construit sa vie sur ce que l'on donne ».
Si nous nous replaçons dans le contexte de la crise sanitaire que nous traversons, nous nous rendons bien compte qu'il y a eu de nombreux dysfonctionnements passés dans la relation triangulaire entre l'État, les services hospitaliers et les patients. Ces dysfonctionnements sont à peu de choses similaires dans d'autres secteurs comme l'éducation nationale ou la culture. Nous devons en tant qu'artistes et pédagogues déployer tous les efforts possibles pour transmettre notre art avec la plus grande passion et sincérité, ainsi l'élève se sentira reconnu, encouragé, soutenu et le parent capable de grimper la montagne avec nous. Et pour cela, quoi de mieux qu'une pédagogie collective ? Apprendre la musique dans un ensemble instrumental, un petit orchestre, une petite formation ? C'était le pari du Dr José Antonio Abreu au Venezuela et on peut dire qu'il a été remporté haut la main. L'élève se sent alors considéré au cœur même d'un projet commun porteur de satisfaction auprès des parents, du public et des institutions. La boucle est bouclée.
Chaque acteur d'un dispositif doit donc prendre sa part. L'État doit absolument mesurer tout l'enjeu et l'importance d'un investissement culturel mais au-delà pédagogique et éducatif afin d'insuffler une dynamique créative chez les prochaines générations. Le monde politique est aujourd'hui beaucoup trop morcelé par un calendrier électoral toujours plus complexe qui ne permet pas d'obtenir une visibilité à moyen et long terme. Mais avant ces contraintes temporelles et organisationnelles, il s'agit surtout d'une question de volonté. D'un choix. Le monde de la culture est très inventif. C'est vrai. Mais ce n'est pas le seul. Il peut se réinventer, trouver des solutions pour changer, avancer, évoluer. Mais cela ne sera envisageable que dans cette fameuse relation triangulaire entre l'État, le milieu culturel artistique éducatif et les usagers. Pour réussir les mutations inévitables de notre société, il faut assurément être beaucoup plus volontariste. Il faut être beaucoup plus volontariste et je ne résiste pas à citer une nouvelle fois Churchill, homme d'État respecté mais également Prix Nobel de littérature : « Plus vous saurez regarder loin dans le passé, plus vous verrez loin dans le futur ».
Que pouvons-nous faire ?
Bien sûr certains dispositifs existent déjà mais ne sont pas suffisamment généralisés. Nous devons éduquer, passionner, faire rêver le public ou nos élèves. Il faut donc allumer en eux le plus d'étincelles possibles. Les salles de concerts manquent cruellement de jeunes générations car tout le système les pousse à croire que la musique classique ou bien plus largement tout ce qui n'est pas diffusé à la télévision à heure de grande écoute n'est pas fait pour eux. C'est faux. Il faut d'urgence que les responsables de saisons culturelles, les directeurs de théâtre subventionnés multiplient leurs interventions auprès des plus jeunes en les sensibilisant à la culture. Les jauges des plus grandes salles de spectacles ne sont pas toujours pleines. Avec l'expérience de gestion, un théâtre ou une salle de spectacle peut approximativement savoir combien de places vont rester inoccupées quelques jours avant les représentations. Il faut quelles soient redistribuées dans les écoles, collèges, lycées, à tour de rôle et selon les contraintes logistiques territoriales. C'est faisable et cela ne coûte presque rien. Tout au plus quelques échanges et réunions. Je parle ici de situations vécues et bien sûr des théâtres subventionnés qui perçoivent des financements publics. Une fois que le concert est programmé et que le budget prévisionnel est validé, si l'on se rend compte que le remplissage de la salle n'est pas à la hauteur de ce qui était escompté, plutôt que de faire jouer un artiste devant une salle à moitié pleine... Il y a urgence à sensibiliser d'autres publics. Je parle ici de situations vécues en tant que spectateur dans les plus grandes institutions. Il en va de même pour celles vécues en tant que musicien. Il nous arrive très souvent d'entendre que « toute la communication a été faite » mais que le public tarde à se manifester. Là encore, quelles solutions ? C'est malheureusement très souvent synonyme d'un angle d'approche perfectible, d'une mauvaise anticipation des calendriers mais surtout de cette fameuse relation triangulaire. Dans tous les lieux où nous nous sommes produits, lorsque la salle est pleine à craquer, c'est que le programmateur a su depuis des années établir une relation de confiance avec son public, en le fidélisant grâce à ses choix, ses audaces, et la curiosité avec laquelle il confectionne sa programmation. Le travail de l'artiste peut alors être valorisé et... la boucle est bouclée !
Une nouvelle fois, la passion du programmateur, l'engagement des artistes et la curiosité du public permettent alors de donner tous les ingrédients d'un moment culturel épanoui, positif et fructueux. Bien sûr la période que nous traversons ne permet pas encore de déployer ces dispositifs mais il faut pouvoir les anticiper pour qu'ils soient efficaces le moment venu. L'homme a su au fil des siècles se réinventer parce qu'il a formé et transmis aux jeunes générations ses compétences et son savoir. Nous allons donc réussir nous aussi. Mais une fois la prise de conscience faite, il faut se retrousser les manches et agir. C'est d'ailleurs tout le sens de l'incroyable et magnifique dynamique proposée par les Éditions Parole durant le confinement.
Du côté pédagogique, les conservatoires ou institutions de l'enseignement musical en France doivent absolument se réinventer pour optimiser leur réseau et pérenniser leurs actions. Une réflexion en ce sens a déjà été engagée par la Direction Générale de la Création Artistique et de nombreux débats ont eu lieu ou sont en cours. Nos établissements doivent pouvoir former l'élite artistique de demain tout en sensibilisant le plus grand nombre à l'Art. Là encore, ce n'est pas forcément un problème de tarification mais surtout un problème de communication, de choix et de positionnement. Les actions engagées auprès du public ne sont pas toujours visibles ou comprises, les programmes ou pédagogies utilisées pas systématiquement optimisées notamment auprès des plus jeunes. Il faut encore une fois tout mettre en œuvre pour amener les jeunes artistes musiciens en herbe à vivre une expérience positive et épanouissante de la musique par l'imprégnation, l'écoute, le partage. Aujourd'hui, nous avons trop tendance à fonctionner à l'envers sur le plan éducatif. Les données théoriques arrivent bien trop tôt chez les plus jeunes ne leur laissant pas le temps de s'immerger, de goûter, de déguster. Obnubilés par les objectifs à atteindre, les moyens pour y arriver ne sont pas toujours les bons faute de temps, faute de communication aussi. La pédagogie doit favoriser la découverte positive et l'expérience constructive. Les données théoriques doivent arriver dans un second temps. C'est une évidence. On parle souvent de la musique comme d'un langage universel. Lorsqu'un enfant apprend à parler, il le fait par mimétisme, parce qu'il écoute le chant de la langue maternelle. Il ne le fait pas parce qu'il connaît les règles grammaticales du passé du subjonctif. Cela ne lui sert à rien. Il en va de même pour l'initiation aux mathématiques, à la géométrie. Les japonais l'ont très bien compris, et depuis très longtemps avec leur méthode Suzuki. Pour l'apprentissage de la lecture, c'est la même chose. Un enfant aura envie de lire si la lecture a été valorisée par son entourage et non parce que l'on va lui dire “il faut que tu lises ce livre”. Mais dans tous les cas, il ne lira qu'après avoir appris à parler et non en même temps... C'est tout l'enjeu qui attend la refonte d'une pédagogie musicale toujours plus performante et adaptée aux enjeux de notre société. Il faut passionner, intéresser, rendre curieux.
Le déluge de données théoriques est là encore contre-productif mais pour vaincre cela, le système dans son ensemble doit être repensé, les cours réorganisés et les modalités aménagées. C'est l'une des seules conditions pour que l'enfant ait ensuite envie de découvrir de nouvelles choses : la curiosité. Et la boucle est bouclée !
Vers la musique du bonheur.
Le défi face auquel nous nous trouvons n'a peut-être que rarement été aussi grand, aussi vertigineux, mais ô combien essentiel et urgent. Ainsi, toutes les bonnes volontés doivent absolument être encouragées, soutenues et valorisées pour que dans un élan collectif nous puissions tous ensemble ressortir plus forts de la période que nous traversons.
« Il n'y a point de bonheur sans courage, ni de vertu sans combat » écrivait Jean-Jacques Rousseau. Essayons ensemble d'entrer dans un tourbillon positif qui fourmille d'idées et qui nous permettra assurément d'enclencher la musique du bonheur.
Sébastien Authemayou
Bandonéoniste,
Compositeur, arrangeur,
Membre de la SACEM,
Professeur d'Enseignement Artistique
Article disponible sur le Petit Carnet Hors Série des Éditions Parole