À PROPOS DE L’ALBUM
Musiciens : Sébastien Authemayou (bandonéon), Marielle Gars (piano)
Après deux enregistrements récompensés “Choix de FranceMusique”, Balada para un loco - hommage à Astor Piazzolla et Bach & Piazzolla - Tête-à-tête, le Duo Intermezzo présente son nouveau projet discographique Invitación (parution le 6 octobre 2017 chez Klarthe Records / Harmonia Mundi). Dans cette fresque lumineuse et polychrome, les musiques dʼAmérique latine sʼentrelacent et se répondent pour créer un véritable arc-en-ciel musical.
Liées à jamais par leur histoire, les musiques latines recèlent une richesse singulière. Avec Invitación, Marielle Gars et Sébastien Authemayou nous offrent un portrait flamboyant de la culture latine, entre œuvres phares et merveilles inconnues.
Quatre pays et dix compositeurs sont à l’honneur dans ce nouvel enregistrement du Duo Intermezzo :
- Hermeto Pascoal, Heitor Villa-Lobos, Antonio Carlos Jobim et Cesar Camargo Mariano pour le Brésil ;
- Manuel Ponce pour le Mexique ;
- Ignacio Cervantes et Ernesto Lecuona pour Cuba ;
- Osvaldo Tarantino, Saùl Cosentino et Astor Piazzolla pour l’Argentine.
Nées d’un foisonnant métissage artistique afro-européen, ces musiques sont les ambassadrices d’un langage dépassant leurs simples frontières géographiques. Elles mêlent des esthétiques diverses (bossa nova, tango, choro, baião et danses cubaines), où l’improvisation occupe une place prépondérante. Entraînantes, elles nous transportent sous le soleil de Cuba, vers les plages du Mexique, jusque dans les bas-fonds de Buenos Aires et les ruelles de La Havane.
Les œuvres choisies sont rythmées, chaloupées. Et même lorsque le tempo exige une certaine lenteur riche en émotion, incitant à la méditation et la mélancolie, le soleil latin brille toujours pour nous laisser apprécier une évidente douceur de vivre.
En ces temps tourmentés, Invitación résonne comme un appel à la joie, à la paix et à la fraternité.
A écouter sans modération !
Arrangements / transcriptions : Duo Intermezzo
Notes livret : María Susana Azzi, anthropologue culturelle et ancienne membre
de la Fondation Piazzolla de Buenos Aires ; Elodie Barreau
Photos : Sébastien Luig, Stephan Karg et Jean-Baptiste Millot
Logo duo intermezzo : Elodie Barreau
Traduction version anglaise : Pauline Collus
Label manager : Julien Chabod (+33 670 16 22 48)
Enregistré en Février 2017 au Studio Oreilles Délicates de Sonnay (38)
Prise de son, mixage et mastering : Frédéric Finand
2017 - KLARTHE RECORDS - www.klarthe.com
Distribution : PIAS / Harmonia Mundi
Avec Invitacion, vous élargissez une nouvelle fois le répertoire de votre duo. Le programme que vous avez concocté est comme un prisme de l’âme latine. En quoi cette région du monde vous passionne-t-elle tant ?
Sébastien Authemayou : C’est en Amérique du sud que nous trouvons nos principales sources d’inspiration musicale. Les couleurs, les harmonies et les rythmes latins nous permettent d’arranger et adapter pour nos deux instruments des œuvres d’un répertoire vaste, très riche et qui offre au bandonéon de considérables possibilités d’évolutions vers de nouvelles sonorités.
Quels sont les éléments qui vous ont guidés dans vos choix et permis d’élaborer ce nouveau programme?
Marielle Gars : Tout d’abord, nous avons découvert Cristal de César Camargo Mariano lors d’un concert de Yo Yo Ma au Festival de Pâques d’Aix-en-Provence en 2014 (œuvre enregistrée dans son album Obligado brazil qui a obtenu un Grammy Awards en 2003). L’idée d’arranger Bebê d’Hermeto Pascoal s’était déjà imposée de même que celle de jouer quelques pages de Saùl Cosentino avec lequel nous avons le plaisir d’échanger régulièrement. Il apprécie notre lecture de l’œuvre de Piazzolla et souhaitait que l’on puisse un jour enregistrer ses pièces. Ensuite, nous avons pensé à l’immense Jobim dont nous apprécions la musique depuis très longtemps, puis suivirent VillaLobos, Lecuona, Cervantes et Ponce. Enfin, il nous semblait évident qu’Astor Piazzolla soit représenté dans le programme de ce nouveau disque tant nous sommes attachés à ce compositeur. Nous nous sommes donc dirigés vers des compositions caractéristiques et représentatives de son écriture, de sa pensée musicale, de son lyrisme et de sa liberté : Café 1930 et Biyuya.
De quelle manière travaillez-vous ?
Sébastien Authemayou : Pour réaliser mes arrangements, je me base sur les partitions originales mais aussi sur de très nombreux enregistrements, témoignages vidéo de concerts, biographies, lectures et études. Dans un premier temps, je travaille beaucoup au piano, pour la recherche harmonique et la composition globale. Ensuite, j’écris une première version pour nos premiers essais avec Marielle puis j’écris la version définitive après quelques corrections. J’aime beaucoup ce travail, c’est pour moi comme un jeu de construction qui me rappelle ceux de mon enfance ! Il est très intéressant de proposer une nouvelle lecture d’une œuvre, un nouveau regard, une orientation originale, tout en respectant bien entendu l’idée première du compositeur. Marielle étudie ma proposition et me fait part de ses remarques, toujours justes et objectives. Son avis, son analyse et ses connaissances de la musique me sont précieuses et me permettent d’être plus performant. Son rôle est primordial au sein de notre duo.
Vous apportez ainsi chacun vos compétences et votre sensibilité…
Sébastien Authemayou : J’ai, pour ma part, beaucoup travaillé l’improvisation. Quant à Marielle, elle détient une très solide formation classique et a fourni un travail colossal pour nos programmes. En fait, le monde latin et le jazz ne sont pas si loin de Chopin, Beethoven, Mozart, Schubert ! Grâce à eux, et avec une solide technique, Marielle possède une grande liberté d’interprétation et propose un regard à la fois très réaliste et personnel de l’âme latine.
Qu’est-ce qui, précisément, vous rend l’un comme l’autre si proche de ces musiques ?
Sébastien Authemayou : Nous aimons les harmonies, les mélodies, la liberté profonde qui émanent de ces musiques de même que les contrastes qu’elles véhiculent entre invitation à la danse et introspection méditative, réel clair-obscur musical. Marielle a étudié de nombreux compositeurs tels que Granados, Mompou, Ginastera, Guastavino ou Debussy, quant à lui très inspiré par l’Espagne. Cela nous a été précieux. Il nous fallait ensuite ressentir le “swing” latin car il n’y a aucun point commun entre la musique latine et la musique populaire française qui est beaucoup moins élaborée d’un point de vue harmonique et compositionnel. Pour autant, la musique populaire et folklorique française reste avant tout liée à la danse et au patrimoine ancestral. Heureusement, certaines régions maintiennent aujourd’hui de solides et belles traditions (polyphonies corses, chants basques, musique bretonne, folklore auvergnat ou provençal...).
Parlons de vos inspirations musicales: quelles sont celles qui vous ont particulièrement inflencées lors de l’élaboration de ce projet ?
Sébastien Authemayou : Elles sont diverses. Nous aimons particulièrement Bebo Valdès, Chucho Valdès, Rubén González, Compay Segundo, Buena Vista Social Club mais aussi le jazz latin et la musique brésilienne : Michel Camilo, Tomatito, Arturo Sandoval, Paquito D’Rivera, Al di Meola, les frères Assad... et Joao Gilberto, Gal Costa, Baden Powell, Romero Lubambo. J’ai développé un comportement compulsif pour l’achat et l’écoute de nombreux disques de toutes les musiques : jazz, musique du monde, rythmes latins, musique classique... Ce bagage musical me permet – outre la possibilité d’accéder à de nouveaux répertoires – de m’appuyer sur de très nombreuses écoutes et sur une base de données conséquente pour la réalisation et la création de mes arrangements.
A l’écoute d’Invitacion, on ressent un éclectisme musical plus marqué que sur vos précédents albums. Est-ce un choix délibéré et pour quelle raison ?
Marielle Gars : Il nous tenait à cœur de réaliser un projet artistique très ouvert pour rassembler aussi bien les passionnés de jazz que ceux de musique classique, de musique latine, de tango… C’est l’idée même de la musique de Piazzolla et de son incroyable pouvoir fédérateur. Exception faite des œuvres de Piazzolla, Jobim, Villa-Lobos et Pascoal, celles de Ponce, Lecuona, Cosentino, Camargo Mariano et Cervantes sont, en France, connues de façon plus confientielle. Malgré tout, je pense que la musique latine séduit beaucoup les Français et les Européens car elle leur permet de s’évader et de voyager loin de toutes les difficultés sociales, culturelles et politiques que nous connaissons aujourd’hui.
A l’exception des pièces de Piazzolla et de certaines de Cosentino, c’est la première fois que l’ensemble des pièces enregistrées dans ce disque sont arrangées pour le bandonéon. Pourquoi vouloir amener cet instrument vers de nouvelles sonorités?
Sébastien Authemayou : A mon sens, même si le bandonéon est profondément lié à la musique populaire et urbaine d’Argentine, il peut aussi voyager vers de nouveaux horizons musicaux. Je pense d’ailleurs que c’est tout simplement primordial et nécessaire pour son évolution. Comme l’a dit Piazzolla – et j’applique sa remarque au bandonéon – “une musique qui n’évolue pas est une musique qui meurt peu à peu”. Bien évidemment, j’ai réalisé les arrangements avec l’accord et l’autorisation des compositeurs.
Comment caractériseriez-vous la musique latine ?
Marielle Gars : La musique latine est très riche, remplie de rythmes et de mélodies qui expriment un répertoire émotionnel varié, provenant de l’incroyable melting pot socio-culturel de cette région du globe. Il y a dans cette musique quelque chose de très enivrant pour nous Européens et une importance capitale du langage corporel dans la compréhension de l’interprétation. C’est paradoxal: nous sommes à la fois très éloignés de ces compositeurs d’un point de vue culturel et géographique, et en même temps, nous sommes très sensibles à leurs langages musicaux. Avoir joué et écouté la musique de Piazzolla pendant tant d’années nous aurait-il aidé à mieux comprendre l’âme latine dont nous nous sentons si proches...?
Qu’aimeriez-vous que l’on retienne de cet album ?
Sébastien Authemayou : Il est toujours très enrichissant pour moi de réaliser sans cesse de nouveaux arrangements, en particulier pour nos deux instruments. Il m’a fallu presque un an pour arranger l’ensemble du programme qui figure sur cet album. J’espère avoir réussi le pari d’orienter notre travail vers une vision ouverte et sans frontière de la musique, un regard moins classique et plus axé vers le jazz, l’improvisation et les musiques du monde.
María Susana AZZI est anthropologue culturelle, ancienne membre de la Fondation Piazzolla de Buenos Aires. Elle est, entre autres, l’auteur de Astor Piazzolla - sa vie et sa musique (avant-propos de Yo Yo Ma), ouvrage paru en 2012 aux éditions El Ateneo Buenos Aires, puis réédité et enrichi en 2018. Réédition numérique en version anglaise chez Astor & Lenox (février 2017).