À PROPOS DE L’ALBUM
Musicien : Sébastien Authemayou (bandonéon)
11 JUILLET 2024
Journée nationale du bandonéon en Argentine célébrée chaque année depuis 2005 en hommage à Anibal "Pichuco" Troilo né le 11 juillet 1914 à Buenos Aires.
Par les temps si troubles que nous traversons depuis déjà quelques années, et après de longs mois de réflexions, de questionnements, d’introspection, de doutes, je ne peux toujours pas me résoudre à accepter, sans agir, les bras croisés, la déliquescence de notre société et particulièrement celle de notre secteur culturel qui chaque jour nous propose son lot de « produits marketings » dans lesquels il est trop souvent difficile d’en extraire un réel sens artistique, une profondeur philosophique ou d’en comprendre le contenu poétique.
Ce projet discographique « SOLO » s’inscrit alors dans une démarche d’ouverture, de proposition de diffusion d’une image singulière du bandonéon, authentique, curieuse et personnelle, sans frontières comme nous aimons tant le faire avec notre duo Intermezzo, loin des poncifs, idées reçues et images largement véhiculées ces derniers temps à l’échelle nationale ou internationale, nous abreuvant à souhait d’une vision musicale toujours plus déstructurée et burlesque sous prétexte de modernité et de nouveauté.
Dans un monde culturel devenu manifestement superficiel, il me parait donc essentiel de poursuivre mes recherches artistiques autour du bandonéon - instrument si charnel et envoûtant - et surtout de vous faire partager en toute intimité le fruit de mes différents travaux de composition, arrangement ou transcription, et ce, à contre courant des moeurs du moment trop souvent portées par un mercantilisme aveugle, poussant toujours plus les acteurs culturels vers un arrivisme « bling bling tape à l’œil » afin d’accéder à une supposée reconnaissance télévisuelle, graal et porte d’entrée d’une spirale de la « gloire » majoritairement malsaine et éphémère. Il me semble que là n’est ni l’essentiel ni le cœur d’une démarche artistique philosophiquement sérieuse, intègre et respectueuse. Car à moins d’être une star des plateformes de streaming aux millions de vues en proposant un « tangorap » ou un « poptango », vous imaginez bien qu’un disque de bandonéon solo n’a aucune chance d’être sélectionné pour participer à la cérémonie d’ouverture des jeux olympiques de Paris 2024… ou même de voir un bandonéoniste brandir la flamme ou allumer l’emblématique vasque à Marseille, Paris ou ailleurs.
Mais « la vie, ce n'est pas d'attendre que l'orage passe, c'est d'apprendre à danser sous la pluie […] alors ce n'est pas parce que les choses sont difficiles que nous n'osons pas, c'est parce que nous n'osons pas qu'elles sont difficiles ». Sénèque
Il fallait donc oser cette mise à nu, ce défi technique, musical et artistique car peu de bandonéonistes se confrontent à de tels projets, en solitaire. Il est en effet bien plus confortable de pouvoir compter sur sa pianiste préférée ou sur un ensemble instrumental conséquent, gage d’une fondation rythmique et harmonique solide permettant de s’exprimer en toute liberté.
Les introspections mentionnées plus haut sont sans nul doute à l’origine de ce disque, lequel m’aura permis de franchir un nouveau cap dans le rapport à mon instrument et dans la recherche permanente de liberté artistique, inhérente à son fonctionnement et à son histoire, mais si difficile à canaliser lorsque nous jouons seul.
Le programme musical gravé ici est alors construit comme un hommage au bandonéon et à quelques-uns de ses plus emblématiques ambassadeurs, virtuoses de ce « fueye » parti d’Allemagne pour conquérir l’Argentine à la fin de la seconde moitié du XIXème siècle et devenant à lui seul le porte-parole culturel de tout un pays et de son genre musical incontournable : le tango ! D’ailleurs, la légende raconte que le bandonéon serait arrivé en Argentine vers 1870 dans la valise d’un marin irlandais qui l’aurait échangé au port de Buenos Aires contre une bouteille de whisky… Le choix du thème traditionnel irlandais « Danny boy » pour conclure ce programme s’est alors imposé comme une évidence en clin d’œil à cette légende bien entendu jamais vérifiée mais qui ajoute un soupçon de féérie et de malice à l’histoire déjà bien épique de cette petite « boîte à émotions ».
Alors oui, le bandonéon et le tango sont évidemment indissociables, liés à jamais dans une totale fusion. C’est indiscutable. Mais n’oublions pas que ce petit orgue portatif aux multiples vertus polyphoniques a fait ses débuts comme instrument liturgique de substitution dans les églises ou cortèges de l’Allemagne du milieu du XIXème siècle. Ses possibilités sont donc riches et très variées, raisons pour lesquelles Jean-Sébastien Bach, Domenico Zipoli, Bill Evans, Harold Arlen ou encore Duke Ellington font partie de ce périple musical aux côtés d’Albert Hamann, Astor Piazzolla ou encore du fabuleux compositeur Saúl Cosentino qui m’a fait l’honneur et l'amitié de m’autoriser à arranger deux de ses œuvres pour le bandonéon seul, ce qui n’avait jamais été réalisé jusqu’alors.
L’esprit de Buenos Aires s’impose bien sûr en filigrane avec « el tigre » Arolas, « el gordo » Troilo pour lequel « el gato » Piazzolla dédie sa Suite Troileana et dont le thème Bandonéon constitue le premier mouvement. Cet « espiritu » de Buenos Aires, c’est également l’improvisation, la libre création et expression artistique qui agrémente certains des titres de ce disque en hommage aux maestros Leopoldo Federico, Juan José Mosalini, Rubén Juárez ou encore Albert Hamann auprès duquel j’ai eu la chance d’étudier le bandonéon il y a déjà plus de 25 ans.
La liste aurait pu être bien plus longue tant les virtuoses ne manquent pas - Pedro Laurenz, Pedro Maffia, Osvaldo Fresedo, Julio Oscar Pane, Roberto Di Filippo... - mais j’ai préféré favoriser l’éclectisme en élargissant le champ des possibles à des compositeurs inattendus, d’époques et d’esthétiques variées. Enfin, passionné par l’argentine et sa culture, il était également important pour moi de rendre hommage à ce pays avec une composition personnelle dédiée à son célèbre « tren de las nubes », train des nuages inauguré en 1924 au départ de la gare de Salta relie quasiment la frontière avec le Chili. Son arrivée à 4220 mètres d’altitude à proximité du spectaculaire viaduc de la Polvorilla et à une dizaine de kilomètres de San Antonio de los Cobres en fait l’un des circuits ferroviaires les plus hauts du monde sur un parcours où les paysages et autres panoramas sont tous plus époustouflants de beauté les uns que les autres, de quoi nous dépayser, même à distance !
Persuadé qu’il est plus que nécessaire de poursuivre la diffusion de propositions artistiques et culturelles sincères, c’est en tout cas en ce sens que j’ai mis tout mon cœur dans ce projet et vous souhaite une excellente découverte de ce répertoire avec autant d’amour et de joie que j’ai eu à l’enregistrer. « Je pense comme les Grecs de l'Antiquité. La musique, l'art, ont une dimension métaphysique essentielle. Ils aident à former le caractère, contribuent à former de meilleurs hommes ».
Monique Deschaussées, pianiste concertiste et pédagogue internationale.
Musicalement.
Sébastien Authemayou
MERCIS ! Pour la réalisation de cette aventure solitaire, j’adresse tous mes plus sincères remerciements à ma famille, particulièrement à mon épouse et à ma fille, pour leur soutien sans faille, leur écoute et leur amour.
Merci également à Ben pour sa précieuse amitié, ainsi que pour m’avoir permis de mener ce projet à bien sur le plan technique tout en m’initiant au squash ! Et je peux affirmer que les deux points jaunes ont été salvateurs sur bien des plans... C'est incontestable et inestimable alors 10 000 000 de mercis ;-)
A Daniel Campos pour nos échanges toujours riches et passionnants, por la amistad sincera y la conexión con Monique.
A Stéphane Albertini SGS Multimédia pour son soutien autant insolite, inattendu que considérable.
A Débora Zannis pour l’accord, l’harmonisation et les réglages de mon bandonéon, qui même après plusieurs mois de jeu est toujours resté stable et docile !
Merci à Claude pour ses retours et ses encouragements.
Mille mercis à Saúl Cosentino, Roberto Aussel et Chantal Stigliani pour leur confiance, leur amitié, leurs conseils, leurs regards et leurs oreilles en or.
A Frédéric Finand, qui sans vraiment le savoir, m'a tant appris, car observer un maître est bien évidemment très enrichissant et toujours très inspirant !
A ma grand-mère Marcelle dite « Guiguite » dont l’étoile nous illumine depuis le 6 avril dernier.
Et à mon poisson pilote à moustache - modèle dont l’éclatante royauté illumine la pochette de cet album - qui a une nouvelle fois assuré avec brio la direction artistique de ce disque contre quelques promenades, caresses, discussions animées, croquettes et autres gourmandises !
Même effectué en « SOLO », ce projet porte en lui chacun de vous.
Compositions originales, transcriptions
et arrangements pour bandonéon solo
Arrangements et transcriptions : Sébastien Authemayou
sauf pistes 1,2,5,8,9,10.
Enregistrement réalisé
en septembre - octobre 2023 et mars - juin 2024
Graphisme pochette : M&G Art Design & Opus en Couleurs
Photographie couverture : Pauline Collus Photography
2024 - OEC Records | Opus en Couleurs Productions
Distribution : TUNECORE / BELIEVE DIGITAL