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| TEMPS DE LECTURE – 5 minutes si vous voyez une pipe ci-dessus... ou plus... si vous pensez qu'il s'agit plutôt d'un ptérosaure Hatzegopteryx !
Le crayon est taillé. Les neurones affûtés.
Le LA est donné.
À vos marques, prêts… lisez !
Un sujet ? Un contre sujet ? Plutôt Majeur ? Mineur ? 3 dièses à la clé ? 3 bémols ?
Après avoir déjà abordé de très nombreuses thématiques dans mes précédents textes, je ne pensais même plus à l’écriture d’un dixième opus ! Quand tout à coup… SOL SOL SOL MI…
Le destin frappe à ma porte dans une ébouriffante Symphonie n°5 en ut mineur dont seul l’illustre Beethoven possédait le secret. Ce sera donc 3 bémols pour cette fois.
Et oui, même si l’on apprécierait que SAPIENS face enfin preuve de plus de sagesse au regard de ses milliers d’années d’expériences, c’est sur un plateau, qu’il nous offre invariablement d’inépuisables sources d’inspiration, avec un talent non dissimulé et une créativité qui tend vers + l’infini !
3… 2… 1…
Mr et Mme Pocalypche ont une fille ???
Alors ? Une idée ? Pas simple !
S… ?
Sh… ?
Shei… ?
… Sheila ?
Oui, Sheila Pocalypche…
Dans le flux d’une actualité quotidienne toujours plus inquiétante - quoique parfois absurde et même ubuesque - les médias mainstream ont omis de relayer une pépite à paillette, sans doute en raison d’une mise à jour haletante des serveurs de ChatGPT filtrant en permanence le vrai du faux sous la très haute surveillance d’Oncle Sam & consorts !
ALORS PLEIN FEU POUR LE FLASH INFO...
Anny Yvonne Jeanne Gisèle Chancel dite Sheila, emblématique ambassadrice de la période yéyé, vient d’être programmée cet été comme tête d’affiche… d’un festival de jazz… dont la direction artistique est assurée par le Président de l’Académie Nationale du jazz en personne…
Vous vous doutez donc que l’affaire est devenue virale en un temps record… Je vous vois sourire…
Et non, il ne s’agit malheureusement pas d’un poisson d’avril en retard sur le train des farces et autres gags du 1er du mois !
Un deuxième café pour se remettre ? Pour ouvrir le deuxième œil ? La deuxième oreille ?
Une autre devinette ?
MR et Mme Bérézina ont une fille ? Facile…
Symptomatique d’une société qui perd la boussole, ce que nous pourrions désormais nommer « le cas Sheila » irrite au plus haut point - et à juste titre - les fervents défenseurs du jazz… mais pas seulement…
Bien sûr, pour prévenir toute mauvaise interprétation, il n’est pas ici question d’une attaque visant personnellement une chanteuse ou un programmateur mais d’une analyse de la globalité d’un système qui se porte vraiment très mal… De plus en plus mal d’ailleurs. Nous le savions déjà depuis longtemps mais la température du secteur culturel semble s’élever inéluctablement vers les sommets de l’ébullition sans que nous puissions la faire chuter en sanctionnant durablement les éléments déclencheurs d’un bain bouillonnant pouvant déborder à tout moment…
Néanmoins, voici quelques pistes en forme de trois interrogations, même si la liste pourrait être bien plus longue… Alors quid du pire ?
1. Qu’un agent artistique, tourneur ou producteur réussisse à vendre un concert « yéyé » à un programmateur ou directeur artistique « spécialisé jazz » qui accepte le deal pour une supposée pluie d’euros sonnants et trébuchants, le tout en argumentant sans pâlir sur les talents méconnus d’une chanteuse devenue célèbre en 1963 grâce à son succès « L’école est finie » ?
2. Qu’un programmateur de jazz invite une chanteuse yé yeaahhhhhh pour remplir la jauge de son festival de têtes blanches nostalgiques, s’assurant ainsi un hypothétique braquage artistico-financier qui lui permettra - peut-être - de prétendre au maintien des subventions allouées à sa manifestation…
Et même si ces enveloppes budgétaires sont toutefois susceptibles de ne pas être renouvelées en raison de positionnements politiques de plus en plus obscurs et souvent anti-culturels (cf. billet #9) ?
3. Que le public se déplace en masse sur ce type d’événement, aveuglé par les néons clignotants et acidulés d’une communication laissant croire à un superbe et incontournable festival de jazz qui finalement n’en est pas un ?
La réponse se situe sans doute dans une savante fusion des trois énigmes.
Mais le chaudron culturel bout à gros bouillons...
Parce qu’en réfléchissant sérieusement quelques secondes, qui pourrait imaginer un instant Sheila dans un scat endiablé digne des divines Ella Fitzgerald, Billie Holiday ou Sarah Vaughan ?
Mais attention, que les amateurs de jazz se consolent comme ils peuvent, leur esthétique de prédilection n’est pas la seule affectée par le nouveau variant du virus Cupide25 lui-même mutant du Squale-Business24+… Tous les styles et courants sont contaminés.
Il paraît même qu’à ce stade, l’OMS désigne le phénomène sous le nom de pandémie !
« Souvenirs… souvenirs »… Sapristi, me voilà atteint d’une yéyémania tardive...
Certains n’ont pas attendu ces nouveaux variants pour remplir les gradins des plus grands festivals en laissant infuser depuis très longtemps dans les consciences qu’ils étaient de très grands défenseurs du répertoire classique, alors qu’ils passent le plus clair de leur temps à batifoler d’air célèbres en mélodies légères dans l’unique but de rester agrippés en haut des classements streaming comme des coléoptères curculio glandium sur un vénérable chêne tricentenaire.
Dans ce cas, pourquoi ne pas inviter Jul dans le rôle-titre de Don Giovanni de Mozart à la Scala de Milan ? Aya Nakamura dans celui de la Reine de la Nuit dans une Flûte enchantée version 25.4 au Festival de Bayreuth, André Rieu dans les diaboliques et titanesques Caprices de Paganini au Concertgebouw d’Amsterdam, Sofiane Pamart dans le concerto n°2 de Rachmaninov accompagné par le prestigieux orchestre Philharmonique de Berlin ou encore David Guetta en maître de cérémonie des célébrations pascales et pour l’occasion nommé titulaire du Grand Orgue de Notre-Dame de Paris ?
Chacun a le DROIT de pouvoir écouter ce qu’il souhaite, ce qu’il affectionne. C’est certain.
Les goûts et les couleurs, cela ne se discute pas et le problème n’est absolument pas là.
Il convient donc de ne pas se tromper d’analyse, de cible ou d’angle de vue.
En revanche, les programmateurs, les agents, les tourneurs, les artistes ont le DEVOIR de ne pas tromper leurs publics en usurpant le contenu de leurs propositions artistiques à grand renfort de marketing façon « poker menteur » dont il est de plus en plus difficile de dégager une lueur de vérité.
Il n’y a plus de règles du jeu, plus de respect. Les dés sont sans cesse pipés... ou ptérosaurisés !
Les étiquettes décollées, arrachées, déplacées… L’exemple que nous donne à voir la sphère politique est tellement révélateur de cet état d’esprit, plus proche d’un jeu « mensonge et trahison » que d’un abstract du monde idéal…
C’était déjà le sens de ma réflexion lorsque j’évoquais avec malice la création d’un Nutriscore de l’art (cf. billet #7) ou que je me questionnais avec humour sur la différence entre le bon et le mauvais artiste (cf. billet #6). La sincérité et l’authenticité devraient systématiquement l’emporter et ce, quel que soit le type de projet. Personnellement, il me serait absolument impossible d’accepter de participer à l’élaboration d’une proposition artistique qui ne correspond ni à mes compétences, ni à mes capacités d’évolution, ni aux valeurs que je porte et que j’essaie de transmettre.
Et que l’on ne me parle pas non plus d’un supposé conflit entre élitisme et légèreté. Là n’est pas le sujet non plus : un festival classique devrait programmer des projets classiques, un festival de jazz du jazz, un festival pop ou variété de la pop ou des musiques de variétés, un festival électro de l’électro, un festival d’humour de l’humour, un festival de rap du rap, un festival de chanson à textes des chansons avec un peu de vocabulaire, etc… même si des projets transversaux et pluridisciplinaires peuvent évidemment émerger et seront toujours les bienvenus car la création n’a pas de frontières établies et fort heureusement.
C’est aussi grâce à de nombreux métissages que certains joyaux de l’art ont été imaginés pour notre plus grand bonheur.
Mais le mélange des genres devrait normalement pouvoir être censuré lorsque l’emballage ne correspond plus du tout - ni de près ni de loin - au contenu du paquet, tout cela pour assouvir une soif inconsidérée d’argent et de pouvoir. Car ce modus operandi nous plonge toujours plus au sein d’une société surréaliste dont les principes commerciaux pourraient être résumés par le célèbre tableau de René Magritte « Ceci n’est pas une pipe » !
On finit alors par se perdre… Et comme le disait ma grand-mère, on s’égare tellement dans ce corridor de la consommation de masse que « même une vache n’y retrouverait pas son veau ».
Fin de citation.
Un exemple de pure fiction pour conclure ? Quoique...
Si mon artisan boulanger présente sur son étalage un saint-honoré qui ressemble à un millefeuille, je vais dans un premier temps rire et me dire qu’il a dû inverser les étiquettes…
Puis, me rendant très vite compte qu’au regard fusillant du pâtissier l’affaire est beaucoup plus sérieuse, je penche alors pour une autre option. Il s’agit peut-être d’un saint-honoré revisité, d’un acte artistique fort. Je ne dois donc pas posséder la bonne grille de lecture...
Puis non, l’artisan est formel ! Sacrebleu, j’ai bien devant mes yeux un véritable saint-honoré.
La mine déconfite, je ressors de la boutique en prenant directement un rendez-vous d’urgence auprès du centre ophtalmologique le plus proche expliquant avoir vu un saint-honoré qui ressemblait à s’y méprendre à un millefeuille…
Au bout du fil, malgré une liste d’attente de plusieurs années, l’assistante médicale alarmée me donne un rendez-vous pour la semaine suivante avant de finalement décider de l’avancer au lendemain lorsque je poursuis la conversation en lui disant que « chez le boucher, on m’a vendu une côte de bœuf qui ressemblait à une tranche de jambon à l’os… chez le caviste un grand cru dans une bouteille en plastique à capsule… chez le fromager, un brie crémeux aux truffes aux allures de Babybel… »
Il va falloir faire un bilan complet.
Alors peut-être que pour m’aider dans cette laborieuse tâche, pour me guider dans ce capharnaüm ambiant, dois-je tout de même écouter d’une oreille les précieux conseils de Sheila, qui avec sagesse, nous recommandait déjà en 1971 de suivre des yeux l’étoile du berger « comme les Rois Mages, en Galilée… » !
Sébastien Authemayou
Bandonéoniste,
Compositeur, arrangeur,
Membre de la SACEM
Professeur d'Enseignement Artistique
****
Note : pour en savoir plus, vous trouverez ci-dessous les sources principales d'après lesquelles cet article a été réalisé :
MUSEUM TV
https://www.museumtv.art/artnews/articles/rene-magritte-ceci-nest-pas-une-pipe/
RADIO FRANCE
SUD-OUEST
ACADEMIE NATIONALE DU JAZZ
https://www.academiedujazz.com/index.php/les-membre-du-bureau/
LE JOURNAL DE L’ILE DE RÉ
L’ECOLE EST FINIE PAR SHEILA
https://www.youtube.com/watch?v=HUylpu7sk1Y
SOUVENIRS SOUVENIRS PAR JOHNNY HALLIDAY
https://www.youtube.com/watch?v=GdH30r1IZzs
CURCULIO GLANDIUM ou CHARANCON DU CHÊNE
https://inpn.mnhn.fr/espece/cd_nom/15679
LES ROIS MAGES PAR SHEILA
https://www.youtube.com/watch?v=4pymGINX9AE
Droits réservés - Pixabay
| TEMPS DE LECTURE – Selon l’humeur, la température ambiante, la force du vent, le temps de cuisson de votre plat en sauce préféré ou votre envie de passer vos nerfs sur votre tout nouveau sac de frappe électromagnétique « made in China » conçu par EM**, vendu sur A(x)AZO(x) et connecté en Bluetooth aux meilleurs réseaux internationaux d’information reconnus d’utilité publique (BFM, CNEWS, TRUMPTV...)
** Pour EM, cochez là ou les cases de votre choix.
[ ] Enrico Macias
[ ] Elon Musk
[ ] Emmanuel Macron
[ ] Edouard Manet
[ ] Eddie Murphy
Avertissement N°1 : Dans l’unique but de trumper les nouvelles mises à jour des algorithmes et I.A. des GAFAM prônant la main sur le cœur à grands coups de tirades virales et sournoises la défense absolue de la liberté d’expression, cette liste est volontairement exclusivement masculine.
Mille excuses par avance mesdames mais il fallait absolument que je trouve une stratégie pour que mes billets ne soient pas bloqués par l’oncle Sam à l’indomptable crête et au teint fleur d’oranger…
Et comme EM (réponse 2) en veut déjà assez à Wikipédia pour sa vraisemblable propension à inciter les populations à réfléchir… Inutile d’étaler un peu plus la confiture sur la tartine…
Vous comprendrez plus tard.
Avertissement N°2 : Malgré un ton qui pourrait au premier abord être perçu comme excessif ou exagéré par les plus sensibles à l’exception du cours mondial en bourse de l’ampoule à économie d’énergie - cotation en stupéfiante hausse que vous découvrirez en conclusion - toutes les informations ici détaillées sont minutieusement vérifiées avant d’être partagées puis listées en fin de billet où vous trouverez tous les liens…
Il n’y a plus qu’à cliquer pour en savoir plus sur notre univers impitoyable et l’actualité vraiment trumpillonante des derniers jours ! De quoi passer quelques heures à muscler vos zygomatiques ou vos biceps… À vous de choisir !
Alors ne tournons plus autour du pot au risque de provoquer un nouveau gisement gazier qui pourrait bien en quelques secondes attirer les convoitises des plus assoiffés d’or et de platine…
Pas de circonvolutions, commençons directement par une question : « On décide quoi pour demain ? » … Cette interrogation ne vous dit peut-être plus grand-chose… Mais il s’agissait du titre de mon premier billet publié en juin 2020, contribution à une réflexion collective pour laquelle plusieurs professionnels apportaient leurs regards sur la société : psychiatres, chercheurs, médecins, professeurs des universités, physiciens, sociologues, philosophes, hauts fonctionnaires et musicien, sans S car j’étais le seul convié à cet exercice.
Et pour éviter de divaguer dans un discours de politique générale, esquisse de celui qui nous sera sans doute offert dans quelques mois par un ex-nouveau-futur-ancien premier ministre de retour d’un séjour ERASMUS en soixante-dixième année d’initiation aux politiques publiques appliquées, je vous renvoie – pour ceux qui le souhaitent - à mon billet N°1 ici-même !
Il y avait déjà l’ambiance à l’époque !
Mais revenons à nos moutons de Panurge.
2020… La culture était non-essentielle, nous étions masqués, vaccinés, confinés, lyophilisés, calfeutrés, testés, déculturés, cloisonnés… Nous mangions debout, buvions assis. Nous nous déplacions en pas chassés, devions réfléchir en faisant le poirier tout en écoutant de nombreux et passionnants experts sur les chaînes d’information en continu jusqu’à l’overdose… Nous parlions à nos semblables au travers de plexiglas et autres boucliers anti-postillons, crachats et gouttelettes « pangolinées ».
Nous partions faire nos courses en faisant la roue à une main, masqués, munis d’une attestation auto paraphée attestant sur l’honneur que nous avions bien le droit de sortir pour acheter nos victuailles à moins de deux kilomètres… « Oui M. l’agent, j’ai signé mon attestation de sortie m’autorisant dans la prochaine heure à me réapprovisionner en alcool et en cigarettes ». Car oui, les théâtres étaient fermés mais les buralistes ouverts car essentiels à notre épanouissement et surtout aux finances du royaume.
Les salles de concerts étaient donc condamnées à diffuser des concerts gratuits en streaming, les librairies étaient ouvertes les jours pairs et fermées les jours impairs ou peut-être l’inverse.
Les rayons culturels des grandes surfaces étaient bâchés et opacifiés pour en interdire l’accès et donc prohiber l’achat de tout produit permettant d’activer nos neurones. Les artistes étaient assignés à résidence pour repenser, réinventer leur métier, éventuellement invités à traverser la rue à cloche pied (pied droit les semaines A et gauche les semaines B) pour trouver un nouvel emploi…
Heureusement, nous pouvions déjà compter sur l’altruisme et la bravoure de nos cordes frottées nationales « sauvant » la culture en interprétant quelques tubes bien choisis du répertoire, au péril de leur vie, dans les rayons de supermarchés soigneusement sélectionnés par les chargés de communication des instances gouvernementales !
Mais quel courage, quelle exemplarité digne des plus grands chevaliers de la Légion d’honneur !
En seulement assez de temps pour permettre à quelques paparazzis assermentés d’officialiser l’instant historique, Bach, la Méditation de Thaïs de Jules Massenet et la Mélodie d’Orphée de Gluck étaient ainsi ponctuellement autorisés à côtoyer ketchups, mayonnaises, Nutella, Coca Cola et autres produits industrialisés reconnus quant à eux excellents pour notre santé !
Et puis, il y avait bien sûr la chaîne télévisée éphémère CultureBox pour nous faire rêver et nous montrer les derniers produits à la mode, les pianos bien laqués, les stradivarius bien lustrés, les cheveux bien gominés et les costumes bien amidonnés… Quelle chance de sentir cet élan de réflexion et de sincérité pour construire une société de demain forte, respectueuse, altruiste, responsable, curieuse, heureuse et ambitieuse…
Mais ça, c’était avant !
Avant quoi ? Et bien avant le monde d’après ! Celui d’aujourd’hui, celui de 2025 qui ne ressemble vraiment en rien à celui d’avant. J’espère que cela ne vous a pas échappé tout de même.
AUCUNE COMPARAISON N’EST POSSIBLE ! En effet, depuis, en éminent sage et philosophe, de brainstormings en consultations citoyennes, SAPIENS a incontestablement réfléchi et s’est dit que pour construire le monde d’après sur les ruines de celui d’avant sans qu’il n’y ressemble trop…
Le plus rapide et le plus efficace était sans doute in fine simplement d’en changer le nom…
Après tout… On réemballe le même produit dans un autre paquet…
C’est vieux comme le monde et cela fonctionne plutôt bien. Merci Panurge !
Alors attention… [ ROULEMENT DE TAMBOUR N°1 ]
Mesdames, Mesdemoiselles - je ne sais plus si ce mot est toujours autorisé par la Pat’patrouille - et Messieurs, David Copperfield et son assistante Marie Gertrude Cunégonde du Cervelet-Anesthésié vous emmènent dans « le monde d’après » … Illusion parfaite. Numéro magistral.
Un coup de baguette et le tour est joué…
Bienvenue à tous dans notre NOUVEAU MONNNNNNNNNDEEEE !
Désormais, tout est différent. Absolument tout… Attention, restez concentrés et vifs…
Dans notre grande kermesse à ciel ouvert, nous voici sur le stand 2025 du chamboule-tout de la culture et de l’art. Nous ne sommes plus là pour rigoler. Ici les réflexions sont sérieuses et abouties pour construire un monde de demain empathique et bienveillant pour nos enfants.
CINQ… QUATRE… TROIS… DEUX… UN, LANCEZZZZZZZZZ :
• Le Projet de Loi de Finance 2025 de la France prévoit une baisse de crédits de 210 millions d’euros pour le ministère de la Culture. Cela commence bien… Curieux... La culture serait-elle toujours « non essentielle » ? On nous aurait menti ?
• Absolument « consciente » de l’urgence de proposer un acte fort pour que la culture reste la plus accessible possible, et pour donner du travail aux artistes délaissés des scènes nationales et autres réseaux cadenassés, notre indestructible et insubmersible locataire de la rue de Valois, résistant à toutes les tornades politiques des derniers mois, nous promet que…
[ ROULEMENT DE TAMBOUR N°2 ] « cet été toute une saison d’actions exceptionnelles dans les campings » sera mise en place ! Nous voilà rassurés.
ENNNNNNNNNNNN…FIN un peu de considération pour la musique et les arts vivants, les élections de Miss & Mister Camping entreront désormais dans la 6ème dimension avec des soirées Mousses-Orgski, Piazzolla 4 fromages, FreesBeethoven, Chopin aux raisins ou Bach à glaces 3 boules… On nous promet même des parties de ChamBoulez-Tout… Même dans mes rêves les plus fous, je n’aurais pu imaginer meilleure symbiose avec le titre de ce billet…
100ème anniversaire de la naissance de notre Pierrot national oblige...
Tout cela financé « au chapeau » bien sûr, c’est-à-dire en comptant sur la générosité des campeurs, car question budget, peu de chance que le ministère alloue illico presto des financements aux campings français pour réaliser des actions culturelles massives avec prise en charge de la sonorisation, de la location de piano et de scènes, paiement des salaires des musiciens…
Mais quelle idée de génie… Quasiment de quoi remettre en cause la théorie de la relativité !
Sans oublier les autres formes d’art qui semblent très difficiles à exploiter au milieu des tentes, barbecues, sardines et bungalows… à l’exception peut-être de la danse et du théâtre ?
En effet, la danse pourrait bien participer au réchauffement climatique des Macumba Night et autres boîtes de nuit… Quant au théâtre… Nos politiques sont tellement inspirants que le moindre match d’improvisation sur un sujet de société entre un Lillois et un Marseillais pourrait très vite remporter un vif succès lors de la soirée hebdomadaire d’accueil des nouveaux arrivants.
Mais après les rayons de supermarchés durant la pandémie de Covid-19 et la réouverture en grande pompe de Notre Dame de Paris devant des invités méticuleusement choisis pour la taille de leurs portefeuilles, attendons quand même que nos tsars de la musique nous montrent la marche à suivre. Comme le disait La Fontaine dans sa fable Le Lion et le Rat « Patience et longueur de temps font plus que force ni que rage ».
• Après avoir attiré les projecteurs sur les 73% de coupes budgétaires qu’elle vient de tronçonner dans l’enveloppe culturelle régionale, Christelle Morançais, Présidente de la région Pays de la Loire nous fait l’éloge de la « toute puissance » du « génial » Elon Musk… Après l’idée exceptionnelle de Rachida Dati et ses opérations « PASS CAMPINGS 2025 » qui remplacent le « PASS CULTURE » récemment raboté à l’aveuglette, deuxième coup dur pour l’ego d’Einstein qui se fait coiffer au poteau par le patron de Twitter. Pauvre Albert.
• « J’ai dit oui ! » le tout nouveau one man show de notre ancien (peut-être futur) garde des sceaux Eric Dupond-Moretti… Une planche reste une planche et a priori celles des scènes et des tribunaux se valent et permettent une savante synergie… Le niveau monte.
Attention restez calmes et attentifs, sans quoi vous pourriez bien vous recevoir un malencontreux retour de votre sac de frappe connecté !
• Le chœur permanent de l’Opéra de Toulon vient d’apprendre son licenciement pour raisons économiques alors qu’une enveloppe de près de 40 millions d’euros est attribuée à la réhabilitation de son bâtiment qui pourrait donc bien se retrouver comme une coquille vide sans cœur ! Mieux, les sièges rouges du vénérable bâtiment ont été proposés quelques heures à la vente sur le site internet du Bon Coin avant que l’annonce ne soit finalement retirée… Mais coup de théâtre... ACTE 2... Le 5 février 2025, un communiqué de presse officiel de l'institution varoise laisse entrevoir sur les réseaux sociaux un possible rétropédalage, "une suspension de la décision de licenciement en attente de..."
Ah ça y est… je vous avais pourtant prévenu… vous avez désormais une belle bosse sur le front…
Vite quelques granules d’Arnica Montana avant de continuer. Même si elles ne sont plus remboursées, toxiques et inefficaces, on doit encore en trouver sur le marché noir. Sinon, essayez alors le nouveau Doliprane américain ou l’anti-douleur polonais Zubrowka, qui parait-il est très efficace !
• Comme le vin sans alcool, la bière sans bière et le beurre sans beurre, les saisons culturelles ou festivals s’approchent à présent dangereusement de leurs versions à 0%, toujours plus « light », moins d’invités, budgets négatifs… Les festivals tombent les uns après les autres…
Et les artistes aussi ! Le monde de la culture et de l’art passe une nouvelle fois en mode résistance et survie… Là aussi le niveau monte…
La liste est malheureusement bien trop longue et se rallonge chaque jour de manière exponentielle. Mais à l’image d’un alcoolique qui vous dirait « un p’tit dernier pour la route », voici quand même une dernière boîte du chamboule-tout à faire tomber pour gagner la partie d’une société de « crétins numériques » sans culture… Peut-être la plus caricaturale et symptomatique en même temps !
Mais avant ce dernier tir, rendons quand même à son auteur cette expression si parlante.
Il s’agit de Michel Desmurget, chercheur INSERM CNRS, docteur en neuroscience qui a publié différents ouvrages sur la question comme TV Lobotomie - la vérité scientifique sur les effets de la télévision ou Faites-les lire ! Pour en finir avec le crétin digital. Je pose ça là.
Alors ce dernier tir ?
• Kléber Mesquina, le Président socialiste du Conseil Départemental de l’Hérault vient d’annoncer la suppression de 100% de son budget culture pour 2025… Dans ce cas, ce n’est même plus une coupe à la hache ou à la tronçonneuse mais littéralement une dissolution dans un bain d’acide…
« TOUT CE QUI DÉGRADE LA CULTURE RACCOURCIT LES CHEMINS QUI MÈNENT À LA SERVITUDE » disait Albert Camus. Prix Nobel de Littérature, il devait quand même avoir réfléchi à la question car il n’a jamais été ministre et n’a donc pas pu être conseillé par notre ministre de l’Éducation Nationale en fonction qui affirme à la télévision, devant la France entière, que l’on n’attend pas d’un ministre qu’il maîtrise ses sujets… CQFD
Et ce monde d’après celui d’avant ?
Avant de passer à notre atelier « remue-méninges » tant attendu, j’oubliais quand même un détail qui ne vous aura pas échappé… La vente de la banane scotchée la plus chère au monde… Adjugée le 20 novembre 2024 chez Sotheby’s New York pour la modique somme de 6.2 millions de dollars…
Il semblerait que Françoise Sagan ait dit… « la culture c’est comme la confiture, moins on en a, plus on l’étale… » ! Et là, question étalage, nous sommes plutôt bien… L’argent coule à flot… Il y aurait de quoi financer quelques actions culturelles et pédagogiques pour les plus jeunes… Hannah Arendt confiait : « L’éducation est le point où se décide si nous aimons assez le monde pour assumer la responsabilité (…). C'est également avec l'éducation que nous décidons si nous aimons assez nos enfants pour ne pas les (…) abandonner à eux-mêmes, (…) mais les préparer d'avance à la tâche de renouveler un monde commun. Le contraire de notre société où la banalité de la violence s'étend de jour en jour » !
Je m’en vais donc sur le champ scotcher un chou farci d’Auvergne au mur du Musée d’Arts Modernes du coin… Sait-on jamais ! D’ailleurs en parlant des Auvergnats, il faut quand même reconnaître que dans la tourmente ambiante, les idées y vont bon train… Il n’y a pas de pétrole dans le Cantal – pour l’instant - mais assurément de très bonnes idées. Car pour restaurer la Cathédrale de Saint-Flour (Cantal 15), et en l’absence de financements publics suffisants, l’abbé Philippe Boyer insuffle l’idée d’allier patrimoine et gastronomie en proposant l’affinage de jambon de pays IGP dans le clocher de l’édifice. Le 13 janvier dernier l’étonnant projet faisait même le tour du monde et la une du New York Times… Mais… Car il y a un « MAIS » de taille… Le dossier est actuellement dans les mains de la préfecture, des architectes des bâtiments de France et même sur le bureau de Madame la Ministre de la culture qui doivent tous trancher – non pas les jambons – mais la viabilité administrative et sécuritaire du projet…
Il ne faut tout de même « découenner » avec les jambons de Dieu !
Alors, vous voyez bien quand même que nous vivons dans un monde qui ne ressemble en rien à celui connu il y a 5 ans ou même avant… Il faudrait vraiment être de mauvaise foi pour affirmer le contraire… La culture est désormais ESSENTIELLE. Pardon ? Comment ? Vous trouvez qu’il lui ressemble comme deux gouttes d’eau ? Peut-être même pire ? Ah bon ? Zut, SAPIENS n’aurait finalement rien fait…
Et vous me dites aussi que nous nous habituons en plus à « consommer » la culture et l’art quasiment gratuitement et à domicile…
Bon. Pour tenter de faire avancer le schmilblick, remontons encore le temps quelques instants pour vérifier sur pièces sonnantes et trébuchantes… C’était comment encore avant ?
1987. Interrogé sur sa philosophie culturelle, l’ancien PDG de TF1 Patrick Le Lay nous explique ce qu’il a mis en place dès son arrivée à la tête de la chaîne nouvellement privatisée : « Il y a beaucoup de façons de parler de la télévision. Mais dans une perspective ”business”, soyons réaliste : à la base, le métier de TF1, c’est d’aider Coca-Cola, par exemple, à vendre son produit (...).
Or pour qu’un message publicitaire soit perçu, il faut que le cerveau du téléspectateur soit disponible. Nos émissions ont pour vocation de le rendre disponible : c’est-à-dire de le divertir, de le détendre pour le préparer entre deux messages. Ce que nous vendons à Coca-Cola, c’est du temps de cerveau humain disponible (...).
Rien n’est plus difficile que d’obtenir cette disponibilité. C’est là que se trouve le changement permanent. Il faut chercher en permanence les programmes qui marchent, suivre les modes, surfer sur les tendances, dans un contexte où l’information s’accélère, se multiplie et se banalise. »
Hum hum.
En 1935, le poète et compositeur argentin Enrique Santos Discepolo écrit dans son tango Cambalache (traduire par Bric-à-brac) : « Que le monde ait été et sera une saloperie, ça, je le sais bien… En 506 et en l’an 2000 aussi… Et qu’il y a toujours eu des voleurs, des machiavels et des escrocs, des gens heureux et des aigris, du vrai et du toc… Que le 20ème siècle soit un étalage de méchanceté insolente, il n’y a personne pour le nier. Nous vivons vautrés dans la mélasse, et tous roulés dans le même bourbier. Aujourd’hui, cela revient au même d’être loyal ou traître, ignorant, savant ou voleur, généreux ou fripouille ! Tout est pareil ! Rien ne l’emporte ! C’est la même chose, un âne ou un grand professeur… Si l’un vit dans l’imposture et l’autre vole par ambition, c’est pareil qu’il soit curé, matelassier, roi d’opérette, forte tête ou hors-la-loi ! … »
Hum hum hum.
Toujours en 1935, dans ses Chroniques de ma vie, Stravinsky écrit : « La propagation de la musique par des moyens mécaniques, comme le disque, et sa diffusion par la radio, ces formidables conquêtes de la science, qui ont toutes les chances de s'élargir encore davantage, méritent quant à leur importance et à leurs effets dans le domaine de la musique un examen des plus attentifs. Evidemment, la possibilité pour les auteurs et les exécutants d'atteindre les grandes masses, et la facilité pour celles-ci de prendre connaissance des œuvres musicales constituent un avantage indiscutable. Mais il ne faut pas se dissimuler que cet avantage présente en même temps un grand danger. Autrefois un Jean-Sébastien Bach était obligé de faire dix lieues à pied pour aller dans une ville entendre Buxtehude dans ses œuvres. Aujourd'hui l'habitant de n'importe quel pays n'a qu'à tourner un bouton ou faire marcher un disque pour obtenir l'audition d'une pièce de son choix.
Eh bien ! C'est précisément dans cette facilité inouïe, dans cette absence de tout effort que siège le vice de ce soi-disant progrès. Car dans la musique, plus que dans tout autre branche de l'art, la compréhension n'est donnée qu'à ceux qui y apportent un effort actif. La réception passive ne suffit pas. Écouter certaines combinaisons de sons et s'y habituer automatiquement n'implique pas nécessairement le fait de les entendre et de les saisir, car on peut écouter sans entendre, comme on peut regarder sans voir. L'absence d'un effort actif de leur part et leur goût qu'ils prennent à cette facilité rendent les gens paresseux. Ainsi les facultés actives, sans la participation desquelles on ne saurait assimiler la musique, s’atrophient peu à peu chez l'auditeur à force de ne plus être exercées. Cette paralysie progressive entraîne des conséquences extrêmement graves. Sursaturés de sons, blasés sur leurs combinaisons les plus variées, les gens tombent dans une sorte d'abrutissement qui leur enlève toute capacité de discernement et les rend indifférents à la qualité même des morceaux qu'on leur sert. Il est plus que probable qu'une pareille suralimentation désordonnée leur fera bientôt perdre l'appétit et le goût de la musique. Certes, il y aura toujours des exceptions, des personnes qui, dans le tas, sauront choisir ce qui leur plaît. Mais en ce qui concerne les masses, on a toutes les raisons de craindre que, au lieu de développer en elles l'amour et la compréhension de la musique, les moyens modernes ne les amènent qu’à des résultats exactement contraires, c'est-à-dire à l’indifférence ainsi qu’à l'impuissance de s'y reconnaître, de s’y orienter et d'éprouver une réaction de quelque valeur. »
Hum hum hum hummmmm.
SAPIENS ne serait-il pas plus sot qu’il n’y paraît ? C’est vrai finalement, dans le monde des mammifères, quel animal digne de ce nom élirait pour chef de meute son plus grand prédateur ou dans un moindre mal le plus imprévisible d’entre eux ?
Encore plus tôt, avant le monde d’avant celui d’avant… Etienne de La Boétie, dans son Discours de la servitude volontaire nous livre en 1576 une analyse au vitriol… Et oui déjà… et quasiment 450 ans plus tard, ses propos résonnent pourtant avec toujours autant de force.
« Il y a trois sortes de tyrans. Les uns règnent par l’élection du peuple, les autres par la force des armes, les derniers par succession de race. Ceux qui ont acquis le pouvoir par le droit de la guerre s’y comportent — on le sait et le dit fort justement comme en pays conquis. Ceux qui naissent rois, en général, ne sont guère meilleurs. Nés et nourris au sein de la tyrannie, ils sucent avec le lait le naturel du tyran et ils regardent les peuples qui leur sont soumis comme leurs serfs héréditaires. Quant à celui qui tient son pouvoir du peuple, il semble qu’il devrait être plus supportable ; il le serait, je crois, si dès qu’il se voit élevé au-dessus de tous les autres, flatté par je ne sais quoi qu’on appelle grandeur, il décidait de n’en plus bouger. Or dès que ceux-ci ont adopté cette opinion, il est étrange de voir combien ils surpassent en toutes sortes de vices, et même en cruautés, tous les autres tyrans. Ils ne trouvent pas meilleur moyen pour assurer leur nouvelle tyrannie que de renforcer la servitude et d’écarter si bien les idées de liberté de l’esprit de leurs sujets que, pour récent qu’en soit le souvenir, il s’efface bientôt de leur mémoire […] La nature de l’homme est d’être libre et de vouloir l’être, mais il prend facilement un autre pli lorsque l’éducation le lui donne. Disons donc que, si toutes choses deviennent naturelles à l’homme lorsqu’il s’y habitue, seul reste dans sa nature celui qui ne désire que les choses simples et non altérées. Ainsi la première raison de la servitude volontaire, c’est l’habitude […]
Il s’en trouve toujours certains, mieux nés que les autres, qui sentent le poids du joug et ne peuvent se retenir de le secouer, qui ne s’apprivoisent jamais à la sujétion et qui, comme Ulysse cherchait par terre et par mer à revoir la fumée de sa maison, n’ont garde d’oublier leurs droits naturels, leurs origines, leur état premier, et s’empressent de les revendiquer en toute occasion. Ceux-là, ayant l’entendement net et l’esprit clairvoyant, ne se contentent pas, comme les ignorants, de voir ce qui est à leurs pieds sans regarder ni derrière ni devant. Ils se remémorent les choses passées pour juger le présent et prévoir l’avenir. Ce sont eux qui, ayant d’eux-mêmes la tête-bien faite, l’ont encore affinée par l’étude et le savoir. Ceux-là, quand la liberté serait entièrement perdue et bannie de ce monde, l’imaginent et la sentent en leur esprit, et la savourent. Et la servitude les dégoûte, pour si bien qu’on l’accoutre.
[…] Il est certain qu’avec la liberté on perd aussitôt la vaillance. Les gens soumis n’ont ni ardeur ni pugnacité au combat. Ils y vont comme ligotés et tout engourdis, s’acquittant avec peine d’une obligation. Ils ne sentent pas bouillir dans leur cœur l’ardeur de la liberté qui fait mépriser le péril et donne envie de gagner, par une belle mort auprès de ses compagnons, l’honneur et la gloire. Chez les hommes libres au contraire, c’est à l’envi, à qui mieux mieux, chacun pour tous et chacun pour soi : ils savent qu’ils recueilleront une part égale au mal de la défaite ou au bien de la victoire. Mais les gens soumis, dépourvus de courage et de vivacité, ont le cœur bas et mou et sont incapables de toute grande action. Les tyrans le savent bien. Aussi font-ils tout leur possible pour mieux les avachir.
[…] Est-ce là vivre heureux ? Est-ce même vivre ? Quelle condition est plus misérable que celle de vivre ainsi, n’ayant rien à soi et tenant d’un autre son aise, sa liberté, son corps et sa vie ? »
Hum hum hum hummmmm hummmmmmmmmmm.
Avant de conclure et d’ouvrir le débat vers quelques propositions ou idées, sans avoir la mémoire trop courte et sans forcément invoquer les ombres des plus terribles heures de la seconde guerre mondiale et de tous les autres conflits passés ou actuels, voici quelques pistes de lectures attestant des répercussions tyranniques indigestes de certains régimes sur les arts et plus largement leurs conséquences désastreuses et indélébiles sur l’ensemble de la société …
La rivière et son secret de la pianiste concertiste chinoise Zhu Ziao-Mei qui nous raconte à cœur ouvert son long cheminement depuis les terribles camps de « rééducation » de Mao jusqu’à son exil à travers le monde… Évidemment bouleversant et édifiant. Ou encore la captivante, poignante et si touchante autobiographie Fugue pour violon seul du génialissime violoniste et virtuose Tedi Papavrami. Dans un style très élégant et ciselé, il nous expose en véritable orfèvre les travers, subtilités et contraintes souvent trop méconnues du grand public quant à l’exigence absolue d’un travail artistique de haut niveau, tout en nous invitant à le suivre dans sa singulière épopée, sa fuite du terrible régime du dictateur albanais Enver Hoxha, l’un des régimes les plus répressifs qu’ait connus l’Europe au XXème siècle… et ses camps de redressement…
Alors qu’imaginer pour le monde d’après celui de maintenant ?
« L’irréflexion (témérité insouciante, confusion sans espoir ou répétition complaisante de « vérités » devenues banales et vides) me parait une des principales caractéristiques de notre temps. Ce que je propose est donc très simple : rien de plus que penser ce que nous faisons. […] Le pouvoir jaillit parmi les hommes quand ils agissent ensemble » nous dit Hannah Arendt. En ajoutant « LA MORT DE L'EMPATHIE HUMAINE EST L'UN DES PREMIERS SIGNES ET LE PLUS RÉVÉLATEUR D'UNE
CULTURE SUR LE POINT DE SOMBRER DANS LA BARBARIE. »
Il faudrait donc réfléchir ! Tiens donc !?!
Si l’on garde encore majoritairement l’espoir collectif que la démocratie reste la meilleure solution de gestion d’une société, il faut qu’elle retrouve d’urgence son sens premier et qu’elle soit de fait administrée par des représentants du peuple vraiment concernés et conscients de la mission humaniste qu’ils portent, de la confiance et la lourde responsabilité qui leur est confiée… Et ce, dans l’intérêt de leur pays, du peuple, de la santé de la société et non d’un petit groupe de privilégiés. Inutile là encore d’étaler le peu de confiture restant, j’ai déjà abordé ces sujets dans d’autres billets.
Mais à mon sens, le nœud du problème est connu et identifié, le pépin coincé dans les dents, l’épine dans le pied ou le bouchon de cérumen qui empêche le fonctionnement démocratique d’une société. Cela fait déjà bien des années que nos hommes politiques font semblant de redresser le pays à coup de phrases sibyllines pour garder leur trône et au passage satisfaire leur ego démesuré de sauveur du peuple. Sauveurs qu’ils ne sont absolument pas au regard de l’état catastrophique factuel de notre pays mais plus largement de celui de notre planète… Le phénomène est désormais mondial.
Il suffit, par exemple, de parcourir l’hebdomadaire Courrier International pour obtenir un instantané de la situation planétaire qui n’est absolument pas reluisante ! Un tsunami de démagogie, de populisme, d’hypocrisie… Des ministres démissionnaires qui restent finalement dans tous les gouvernements qui se succèdent… Pendant que d’autres, partis se refaire une santé au vert malgré des bilans catastrophiques à leurs actifs, reviennent sans vergogne le couteau entre les dents après avoir juré droit dans les yeux des français que la politique n’était plus faite pour eux…
En cause donc ?
Peut-être le niveau élevé de corruption d’un système capitaliste d’arrangements qui finit par mettre à mal la démocratie sous prétexte que le seul salut serait de surconsommer encore et toujours pour accroître le dividende des multinationales… Dans une autre époque, interrogé au journal télévisé, le général de Gaulle précisait : « la France c’est tout à la fois, c’est tous les français. Ce n’est pas la gauche la France. Ce n’est pas la droite la France. Prétendre faire la France avec une fraction, c’est une erreur grave. Mais prétendre représenter la France au nom d’une fraction, cela est une erreur nationale impardonnable. Vous me dites « à droite on dit que vous faites une politique de gauche au dehors ». À gauche vous le savez bien on dit : « de Gaulle, il est là pour la droite, pour les monopoles », pour je ne sais quoi… Le fait que les partisans de droite et les partisans de gauche déclarent que j’appartiens à l’autre côté prouve précisément ce que je vous dis. C’est à dire que maintenant comme toujours, je ne suis pas d’un côté, je ne suis pas de l’autre, je suis pour la France. »
Les cinq derniers mots de cet entretien sont capitaux : « je suis pour la France » …
Alors que notre sphère politique passe son temps à se tirailler pour se dire plus gaulliste que le Roi, force est de constater que la base même de la philosophie Gaullienne n’a jamais été comprise car annihilée par de basses stratégies cupides. Il ne reste plus qu’à réouvrir nos plus précieux ouvrages d’Histoire en espérant qu’ils puissent avoir l’effet d’une lampe magique sur certains esprits plus qu’embrumés !
Puisque le sujet du moment est d’assainir les finances de l’État en baissant les dépenses publiques, avant de supprimer toute forme d’art et de culture vaporisant de sédatif haineux les capacités cérébrales de tout un peuple, toute une civilisation… il serait bon d’envisager quelques pistes plus sérieuses et surtout de montrer l’exemple…
En quelques mots, les méninges s’agitent, on secoue, on remue, on retourne… TA-DAM : surveillance et réglementation drastique, effective et réelle des flux financiers pour éviter l’évasion fiscale ? Suppression des paradis fiscaux ? Quid des montages financiers des grandes fortunes, de ceux des multinationales, de la fuite des cerveaux vers d’autres pays auprès desquels ils bénéficient d’un peu plus de reconnaissance bien que le phénomène semble aussi s’époumoner…
On secoue à nouveau un peu plus fort le cortex : contrôle draconien des marchés et achats publics pour éviter aux administrations d’acheter une ampoule 8000€ alors qu’elle ne coûte que 3.50€ dans notre supermarché préféré (la voici la seule information un soupçon surcotée de ce billet) ...
On éviterait alors sans conteste la marge généralement sidérante entre coût réel et prix de vente aux institutions… comme le nouveau siège de la Présidence du Sénat qui pour 100 fois moins cher pourrait quand même permettre à son occupant de s’asseoir dessus pour y réfléchir… ou du champagne qui pourrait un peu moins couler à flot dans les palais de la république… ou des avantages et rémunérations des élus, anciens Présidents, anciens ministres… ou des très hauts fonctionnaires hors cadre aux rémunérations parfois stratosphériques et indécentes pour un taux d’efficience assez discutable…
Il ne faut pas se tromper. Le gaspillage financier n’est absolument pas là où il est devenu consensuel de le montrer du doigt. Bien que nécessaires et inévitables, les économies budgétaires dans ce contexte de crises multiples et persistantes ne doivent pas être menées sans réflexions, à la hâte, dans des secteurs ESSENTIELS comme l’éducation, la santé, l’agriculture, l’environnement, la culture et tant d’autres déjà en souffrance totale depuis trop longtemps. Encore une histoire de confiture que les pouvoirs publics étalent, étalent puis étalent encore comme un leurre sucré sur un pain bien acide et insipide.
La culture dans tout ça ?
Le corps médical, les scientifiques, les chercheurs, tous admettent que le sport et l’activité physique sont bénéfiques pour la santé… Toutes les études sont unanimes… Il semblerait qu’afin d’aligner corps et esprit, l’activité cérébrale soit également un bon moyen de lutter contre l’obésité mentale… et qu’il est bien meilleur de remplir sa tête de bonnes choses que de fake-news…
Exactement comme pour l’estomac finalement… Diantre ! La culture, les arts seraient donc utiles pour la santé afin que chacun puisse trouver son équilibre, vivre heureux et en harmonie, le corps, le cœur et l’esprit bien alignés…
Contre bourrasques et tsunamis populistes et destructeurs, continuons de lire et d’être curieux pour éviter de gober la bouche ouverte toutes les immondices déversées chaque jour par l’incomparable lucarne lumineuse qui n’a finalement de lumineux que les lumen qu’elle projette dans nos pièces…
Car, comme le disait un très cher professeur d’improvisation « à force de répéter une fausse note, on finit toujours par la rendre acceptable et elle finit alors par faire partie de l’histoire sans choquer les oreilles les plus chastes » … Dans notre monde de désinformation, cette métaphore musicale est permanente, diffuse, parfois flagrante mais souvent pernicieuse. On prend un mot, on le sort de son contexte, on le fait répéter dans toute la presse, on l’associe à une image parlante, marquante ou choquante et le tour est joué… Plus la ficelle est grosse, plus l’illusion de David Copperfield et de son assistante Marie Gertrude Cunégonde du Cervelet-Anesthésié fonctionne !
« Apprenons donc, apprenons à bien faire. Levons les yeux vers le ciel pour notre honneur ou pour l’amour de la vertu » Etienne de La Boétie.
Sébastien Authemayou
Bandonéoniste,
Compositeur, arrangeur,
Membre de la SACEM
Professeur d'Enseignement Artistique
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Note : pour en savoir plus, vous trouverez ci-dessous les sources principales d'après lesquelles cet article a été réalisé :
RESMUSICA
https://www.resmusica.com/2025/01/27/lorchestre-chronique-dune-mort-annoncee/
TELERAMA
PUBLIC SÉNAT
FRANCE INFO
LA LETTRE DU MUSICIEN
SYNDEAC
https://www.syndeac.org/un-rapport-accablant-sur-le-pass-culture-les-5-chiffres-cles-a-retenir/
FORUM OPERA
https://www.forumopera.com/edito/une-autre-voie-pour-lexception-culturelle-francaise/
OUEST FRANCE
DIAPASON MAG
https://www.diapasonmag.fr/a-la-une/lopera-de-toulon-licencie-son-choeur-53682.html
VAR MATIN
https://www.varmatin.com/culture/un-soutien-unanime-qui-fait-chaud-au-choeur-970207
SUD OUEST
LE FIGARO
http://evene.lefigaro.fr/citation/culture-confiture-moins-etale-671.php
CLASSIQUE NEWS
SCENEWEB
https://sceneweb.fr/spectacle-vivant-tourmente-budgetaire-et-politique/
RADIO FRANCE
BEAUX ARTS
ACTU AUVERGNE
LA MONTAGNE
ORANGE ACTU
LIBERATION
HUFFINGTON POST
DISCOURS DE LA SERVITUDE VOLONTAIRE – ETIENNE DE LA BOETIE
https://www.singulier.eu/textes/reference/texte/pdf/servitude.pdf
LE POINT
LIBERATION
IFRAP
TODO TANGO
https://www.todotango.com/musica/tema/154/cambalache/#google_vignette
https://www.chants-de-lutte.com/cambalache/
LES ECHOS
GEOCONFLUENCES
https://geoconfluences.ens-lyon.fr/glossaire/gafa-gafam
MIDI LIBRE
LA DEPECHE DU MIDI
LE PARISIEN
DENOEL STRAVINSKY
https://paon-record.com/webzine-stravinsky/
https://www.denoel.fr/catalogue/chroniques-de-ma-vie/9782207251775
LA LANGUE FRANCAISE
https://www.lalanguefrancaise.com/expressions/les-moutons-de-panurge-definition-origine
BABELIO
https://www.babelio.com/livres/Papavrami-Fugue-pour-violon-seul/572422
https://www.babelio.com/livres/Xiao-Mei-La-riviere-et-son-secret--Des-camps-de-Mao-a-Jean/41974
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| TEMPS DE LECTURE – Cuisson d’un œuf à la coque (plus ou moins 4 minutes selon les goûts et la taille de l’œuf) + mise en place du coquetier et de la serviette autour du cou… C’est parti !
« Mes chers COMPATRIOTES… Les temps sont DURS (en espérant que cela ne soit pas le cas de l’œuf). ENSEMBLE, soyons à la HAUTEUR de notre AVENIR. Je sais notre PAYS capable de RELEVER les plus grands DÉFIS. Je crois en NOUS et je vous adresse mes meilleurs VOEUX » …
Que diable ! Je divague dès le début… MILLE EXCUSES. Mais quelle peut bien être la raison de cet emportement présidentiel ? Ne serait-il pas le fruit de dommages céphaliques - que j’espère réversibles – ou d’ultimes vapeurs persistantes de ma dernière soirée de l’année passée à subir les indescriptibles vocalises d’une meute alcoolisée de voisins hurlant à tue-tête l’air obsédant des Lacs du Connemara sur leur playlist MP3 Spotify « Hot and magic Saint Sylvestre night » ?
Heureusement que je n’avais pas de cornemuse sous les doigts car je me serais bien volontiers invité à la fête. Une bonne heure de biniou et voilà que les idées auraient été remises en place pour 2025 !
Migraine oblige, je ne savais donc finalement pas comment introduire ce nouveau billet sans reprendre les idées de mon billet #4 ni utiliser les phrases à l’emporte-pièce inlassablement régurgitées chaque année par les différents occupants du trône. D’ailleurs, il semblerait que la science n’ait à ce jour jamais prouvé que les vœux présidentiels nous préservent de tomber systématiquement de Charybde en Scylla une fois le nouveau millésime venu.
Mais CHHUUUUT, c’est un secret !
Alors tout simplement et en toute sincérité « bonne année et bonne santé à vous tous » de même qu’à notre planète qui aurait bien besoin d’un coup de pouce de ses locataires pour s’en refaire une… Et surtout de l’exemple de quelques hommes d’états qui sont normalement là pour ça. À moins que le virus KakiSTo-CratiquE-25 ne soit finalement plus contagieux que le Sars-CoV-2…
[RE CHHUUUT !]
Cependant, nul besoin d’envoyer directement notre moral au dixième sous-sol de la croûte terrestre en parlant de CAC40, de G7, de COP29… Sous le doux soleil d’Aix-en-Provence et les somptueux Acacias Dealbata tout d’or vêtus, musclons ce début d’année en musique et retrouvons Henri Soufflet, notre artiste philosoeuf mimosa lui aussi en pleine floraison !
Après un « E que l'an nouvèu, vous vague forço bèn » de circonstance, j’ouvre tout de suite le débat car le sablier est retourné, la cuisson de mon œuf est à présent lancée :
- Alors Henri, l’industrie du disque et le streaming ? Pourrais-tu nous en dire plus ?
- Allons sans détours à l’essentiel :
• « Le CD est mort, vive le… MP3 ! » Car à l’exception de quelques irréductibles passionnés, qui achète encore des disques compacts aujourd’hui ? Et par un tonitruant effet domino dont on ne connaît finalement pas très clairement le responsable originel, les rayons des magasins spécialisés consacrés aux CDs se réduisent comme une peau de chagrin. Certains exemplaires finissent même en épouvantails 2.5 suspendus dans les arbres fruitiers…
• Tu auras par ailleurs remarqué qu’il n’y a plus de lecteurs de disques dans les voitures, et il en est de même sur les ordinateurs… Pire, il est devenu très difficile de trouver une platine digne de ce nom dans les grandes enseignes.
• D’un autre côté, les casques ventousés sur les oreilles pullulent dans les rues car nos smartphones nous permettent d’écouter toute la production musicale digitale mondiale, n’importe où et n’importe quand. Mais « écouter » est souvent un bien grand mot car les mœurs du moment sont plutôt caractérisées par le phénomène de « zapper » sans réellement connaître les contenus des albums. Quant aux plus jeunes, c’est en masse qu’ils « consomment » la musique gratuitement sur YouTube. Et puis, on fait de plus en plus confiance à l’I.A. qui génère pour nous des suggestions automatiques, quasiment sans aucun effort de recherche, sans même avoir à caresser son écran tactile préféré… Des playlists « Gonfle tes voisins à l’hélium », « Sous les sunlights des tropiques », « Nature après la pluie » ou « Hotdog en terrasse » …
L’heure du TOUT NUMÉRIQUE, des plateformes de streaming et de leurs abonnements mensuels a sonné… « Le CD est mort, vive le MP3 ! »
Seuls rayons lumineux dans ce tsunami digital :
• La musique n’a jamais été aussi accessible. C’est l’aspect le plus positif du streaming. Plus jeune, j’aurais évidemment adoré avoir une telle richesse dans mon Walkman de l’ère Jurassique !
• Paradoxe inattendu ? Pour la première fois depuis les années 80, le chiffre d’affaires généré par les ventes de vinyles dépasse celui des ventes de CD en 2024… La tendance va-t-elle se poursuivre, est-elle viable et justifiée ? De toute façon, le streaming représente déjà la plus grosse part du gâteau ou du moins ce qu’il en reste...
- Et les artistes dans tout ça ?
- Pour l’immense majorité d’entre eux, ils sont victimes du système pervers et injuste mis en place par les industriels… Ce n'est pas vraiment un scoop : les gentilhommes de l’industrie sont plutôt « file à Saint Trop’ » que philanthropes ! D’un côté, il y a donc le consommateur « ROI » bénéficiant d’une proposition commerciale imbattable : pour un abonnement mensuel d’une quinzaine d’euros, il accède à l’offre musicale planétaire au format MP3 compressé ou éventuellement en haute définition pour les amoureux du beau son ! Faut-il encore posséder l’équipement ad hoc.
De l’autre, les revenus du streaming sont évidemment dérisoires et comme les CDs ne se vendent plus, ni dans les magasins ni à la sortie des concerts… Les revenus de la musique enregistrée sont alors quasi inexistants pour la plupart des musiciens qui tournent un peu en rond façon « poisson rouge dans son bocal » sans avoir de leur côté de quoi filer à Saint Trop’…
Comble du comble, les radios – particulièrement françaises – persistent encore à demander aux artistes l’envoi de CDs physiques pour la promotion et la diffusion de leur travail alors qu’elles pourraient finalement se contenter des fichiers numériques. Surtout lorsque les CDs gracieusement envoyés en « service de presse » se retrouvent quelques jours plus tard en vente « d’occasion, neuf sous cellophane » chez les bouquinistes… Je ne te fais pas de dessins !
Les disques physiques sont ainsi devenus de simples cartes de visite pour la presse dont le coût moyen de production peut atteindre 15000€, et bien plus encore dans certains cas. Il faut donc pouvoir assumer et accepter d’investir une pareille somme dans un support de communication à vocation purement publicitaire. Alors oui le streaming est très pratique, il faut vivre avec son temps. Mais enlevons toutefois de notre conscience collective qu’en payant un abonnement mensuel ridicule pour écouter « toutes les musiques de l’univers et au-delà » nous participons - en bons citoyens responsables - au maintien de l’écosystème culturel… Point du tout.
Un mirage, un leurre bien entretenu d’ailleurs…
- Si je comprends bien, le passage par la case streaming est toutefois incontournable.
- S’ils veulent avoir une chance d’être écoutés et visibles, les artistes n’ont pas vraiment le choix. Mais ils rentrent alors dans un cercle vicieux de surproduction, sans cesse obligés d’imaginer de nouveaux projets, produire de nouveaux albums pour tenter de percer le plafond de verre tout en étant noyés dans une offre musicale pléthorique… Le tout à leurs frais bien sûr parce que pendant que certains travaillent leur bronzage à St Trop’ les autres écopent la cale d’un navire culturel qui dérive dangereusement vers le large, chaque jour un peu plus proche du naufrage… Mais comme des contre-feux sont grossièrement allumés à tout va, le message hypnotique qui s’échappe des flammes reste sensiblement le fameux « tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes » !
Rien ne va plus mais SURTOUT… Ne changeons rien.
- Peux-tu alors nous préciser le mode de calcul des redevances générées par le streaming ?
- Le bon vieux Shakespeare aurait dit « That is the question » car c’est précisément sur ce point que le virage du tout numérique est assurément un échec cuisant. Il profite encore et toujours aux mêmes…
Dernier signe en date : il y a quelques jours le distributeur « presque » indépendant PIAS dont UNIVERSAL possédait une part minoritaire du capital vient d’être intégralement englouti par le mastodonte… 100% du capital. Je te laisse donc imaginer la nouvelle définition de l’indépendance qui se trame ! Les dernières miettes du gâteau reviennent donc aux grands gosiers du système, ceux qui terminent les soirées d’après concerts avec les « 3C » : caviar, champagne et cigares…
Pour le calcul ? Un simple exemple me vient à l’esprit.
Imagine que tu manges à la table d’une brasserie avec 14 personnes, 5 boivent et mangent « façon orgie romaine » à se faire exploser la panse de homards, langoustines et autres foies gras. Toi ? Tu prends seulement une salade Caesar et un café. Arrive le moment tant attendu de l’addition et les 5 goulus entonnent en chœur : « on divise en 15 ? » … Vois-tu, la répartition imaginée par les sociétés de streaming n’est pas très éloignée de ce concept inique du partage. Sur ce principe, les plateformes additionnent donc l’ensemble des abonnements mensuels et les divisent par l’ensemble des écoutes pour obtenir un montant moyen par piste écoutée… C’est fou comme l’humain est assez vicieux pour systématiquement détourner ses meilleures inventions du côté obscur. En toute logique, si une personne n’écoute que mes albums en boucle pendant un mois, je devrais ainsi pouvoir récupérer l’intégralité ou presque du montant de son abonnement !
- Oui ce serait effectivement juste et normal…
- Et bien dans notre merveilleux système actuel, ce n’est bien sûr absolument pas le cas alors même que nous ne manquons pas des outils et développements informatiques qui permettraient d’y arriver sans encombre. Le montant de l’abonnement de cette personne est directement versé dans le pot commun de la plateforme. Ce qui donne… 50 centimes pour 200 écoutes environ (hors taxes et frais de gestion bien sûr) ! De quoi acheter un bonbon à ta fille et encore…
S’ajoute à cela la guerre des algorithmes qui font artificiellement monter (ou non) les artistes dans les bases de données et les serveurs selon le nombre d’écoutes… Par un hasardeux ricochet à la surface du côté ténébreux dont seul notre espèce « sapiens pas toujours beaucoup » a le secret, tu te doutes que certains esprits maléfiques avides de gloire achètent des « fausses écoutes » pour gagner en popularité. Je ne te fais encore pas de dessin. Il s’agit du même phénomène rencontré depuis déjà très longtemps sur les réseaux sociaux où l’on peut acheter des « j’aime », des « va te faire cuire un œuf » (ah! ça non, c’est presque fini), des commentaires, des « cœurs » …
C’est toi qui parlais de Charybde et Scylla ?
- Et le retour des disques vinyles alors ?
- Plusieurs lectures… Nous sommes peut-être face à un phénomène de bobos (tu m’as dit de faire court), soit en présence d’une simple mode à l’image de celle des jeans pattes d’éléphants, des chemises Vichy, des sweatshirts à capuches ou des vestes pied-de-poule… Quoiqu’il en soit, ne serait-ce pas là encore un signe distinctif de la pensée cyclique de nos cerveaux de bipèdes pas toujours très éclairés… Qui sait, peut-être que d’ici quelques années, après avoir réinventé l’eau tiède, le fil dentaire et le papier hygiénique, un humain remportera le concours Lépine en proposant un gramophone à pavillon, puis des cassettes à bandes, puis le CD et c’est reparti pour un tour…
« Mesdames, Messieurs, attrapez vite le pompon ! Le prochain tour est gratuit… »
À l’heure où tout le monde veut aller toujours de plus en plus vite, il n’est absolument pas certain que cette vogue se confirme : un disque vinyle demande de l’attention, il faut le tourner, le ranger, ne pas le rayer, le nettoyer, le chouchouter, etc… Et en plus, lorsque j’entends ici ou là qu’un abonnement aux plateformes est onéreux, j’ai quand même énormément de mal à croire que des vinyles qui se vendent en moyenne 25€ pièce s’écoulent par millions… Bien sûr, je serais le premier à encourager ce retour à la lenteur, cet éloge à la pureté, au son analogique… Mais là aussi, ATTENTION, tout dépend de la prise de son gravée sur le vinyle. Si les producteurs décident d’y graver du MP3 pour optimiser l’espace sur le disque ? C’est techniquement tout fait réalisable – puisque déjà proposé sur le marché par certains presseurs - et finalement assez comparable au fait de manger de la nourriture bas de gamme décongelée dans un restaurant au décor soigné qui laisserait croire une seconde à sa clientèle que l’écriteau placardé sur la vitrine « ici on cuisine maison » est authentique et honnête !
Et puis, il faut aussi disposer d’un bon système d’écoute, sinon à quoi bon acheter un enregistrement haute définition pour l’écouter sur une enceinte connectée à 20€ ? Et le paramètre pollution ? Quid de la nouvelle production des vinyles qui puisent dans les dérivés pétrochimiques VS la consommation énergétique des serveurs informatiques mondiaux qui égale celle de la totalité du parc international des véhicules poids lourds de transport ? De quoi donner le vertige…
Tout cela n’est vraiment pas si simple.
- Toutefois, une chose est certaine, il faut toujours chercher l’équilibre, l’équité, le meilleur compromis pour tenter d’insuffler la meilleure dynamique possible à un monde bien tourmenté…
- C’est effectivement un enjeu pédagogique et éducatif planétaire pour demain pour d’innombrables et infinis sujets. Nous parlions ardemment du « monde d’après » pendant les confinements passés mais pour l’instant, notre monde actuel ressemble à s’y méprendre à celui d’avant… Il serait peut-être temps de vraiment nous agiter les méninges. Le sablier s’est écoulé. Ton œuf est à point. Quelques mouillettes au beurre demi-sel de Guérande, un peu de piment d’Espelette et le tour est joué !
- En attendant de nous revoir, je partage ici cette citation du Docteur Suzuki, père du mouvement international de l’Éducation du Talent : « Lorsqu'un enfant entend de la bonne musique dès le jour de sa naissance, et apprend ensuite à la jouer lui-même, il développe sa sensibilité, son sens de la discipline et sa résistance physique. Il acquiert de surcroît une grande noblesse d'âme. Si les pays collaboraient pour bien élever leurs enfants, peut-être n'y aurait-il plus jamais de guerres ».
- Il suffit de le vouloir en haut lieu… Comme le disait à son tour Marcel Pagnol « celui qui est capable de ressentir la passion peut l’inspirer ».
À MÉDITER...
Sébastien Authemayou
Bandonéoniste,
Compositeur, arrangeur,
Membre de la SACEM
Professeur d'Enseignement Artistique
Conseiller artistique principal d'Henri Soufflet
****
Note : pour en savoir plus, vous trouverez ci-dessous les sources principales d'après lesquelles cet article a été réalisé :
SIECLE DIGITAL
FRANCE INFO
LIBERATION
DITTOMUSIC
https://dittomusic.com/fr/blog/how-much-does-spotify-pay-per-stream
JEAN MARC JANCOVICI
LA LETTRE DU MUSICIEN
https://lalettredumusicien.fr/infographie/le-bilan-carbone-de-la-musique-enregistree-38
ISABELLE BART – LA KAKISTOCRATIE OU LE POUVOIR DES PIRES
LA PROVENCE
https://provence-alpes-cotedazur.com/decouvrir/mimosa-en-provence-cotedazur/
SUZUKI
https://www.afpedagogiesuzuki.fr/
MARCEL PAGNOL
https://www.marcel-pagnol.com/
https://www.academie-francaise.fr/les-immortels/marcel-pagnol
01NET
RTBF
https://www.rtbf.be/article/le-retour-en-grace-de-la-cassette-audio-11377293
RADIO FRANCE
Droits réservés - Pixabay
| TEMPS DE DÉTENTE, RÉFLEXION, CUISSON OU LECTURE - 16 minutes
Selon un récent sondage IFOP.ADECCO.NEZ pour « Les Billets d’humeur(s) », il semblerait que la dialectique d’Henri SOUFFLET rencontre un certain succès auprès d’un public attentif et surtout curieux d’en connaître davantage sur les mystères de la musique et de l’art grâce au regard aiguisé de ce bandonéoniste adepte de la gamme pentacomique et apprenti écrivain.
Et oui, Henri nous interpelle, nous interroge. Jumelles au bout du nez, il scrute, fouille, classe, organise, froisse, colle, déchire, recolle, découpe l’actualité tonitruante et irrespirable, la vôtre, la nôtre, la sienne, avec pour seul dessein d’y voir un peu plus clair et de rêver un monde meilleur…
Tout un programme me direz-vous… D’autant qu’il n’est ni Superman, ni Batman ni le docteur Robert Bruce Banner - alias Hulk – quoique… Notre Henri est très souvent vert de rage et n’a jamais aussi bien porté son nom car ses méninges sont – comme le célèbre grain soufflé de la famille des Poacées - elles aussi soumises à une surchauffe sous haute pression * (voir notes en fin d’article pour les botanistes). Mais bon, avec des jumelles, on y voit sans doute quand même un peu mieux !
MARDI 12 NOVEMBRE 2024. HUIT HEURES DU MATIN.
Sans plus attendre, enregistreur, bloc-notes et crayon en poche, ma casquette de conseiller artistique principal du sieur Henri vissée sur la tête, je le retrouve, dans une brasserie parisienne pour un entretien « remue-méninges » commandé par un célèbre quotidien - comprenez « brainstorming » pour les quadras quinquas les plus branchés de la Grande Couronne Valley. Mille excuses par avance, mais ça faisait « cool » de placer ce mot aux effluves de fromage à pâte molle dans le texte !
Non loin de l’Allée des Philosophes (11ème), Henri et sa fidèle pianiste Louna CORDA attendent leurs amis chefs cuisiniers de la table bistronomique La pie voleuse Sophie GATELLI et Lucas CEROLLE, inconditionnels de Rossini, de son tournedos et de ses plus célèbres airs d’opéras. Comme le fameux compositeur réputé « bon vivant » et « fin gourmet », rien n’empêche d’aimer la bonne musique et la gastronomie. Et vice-versa d’ailleurs. Sophie et Lucas arrivent. Les embrassades de coutumes effectuées, nous allons de pied ferme entrer dans le vif du sujet, le cœur de la meule, la tête dans le fourneau et les mains sur le piano.
À peine le temps de passer commande de nos doubles expressos que les discussions débutent : la pluie, le beau-temps, le nouveau gouvernement, la récente fugue (au minimum à quatre voix) de notre Bruno Le Maire national chez nos voisins Suisses en mode furtif « ce n’est pas moi, c’est le chat » car « si nous avons un niveau de dette élevé, c’est parce que j’ai sauvé l’économie française… » Si, si, ces mots sont bien ceux de Bruno Le Maire « himself » comme diraient nos quadras quinquas cités plus haut… Sans oublier NETFLIX, notre Omni-Président et son incommensurable enthousiasme pour la série télévisée Emily in Paris, les stars de la musique, la dernière cotation de la pomme de terre, celle des gambas, du homard, des artistes « bancables » qui passent à la TV, le champagne qui coule à flot dans les ministères pendant que le Titanic semble sombrer une seconde fois…
Bref… La vie de comptoir ! La vraie.
Soudain, Henri électrise fièrement l’atmosphère d’un :
- Eh ! Les cuisiniers ! Savez-vous comment faire cuire un poisson sur un piano ?
Les deux paires d’yeux des virtuoses du poêlon et agitateurs de papilles se figent sur lui. J’appuie sur la touche [REC] de mon dictaphone 2.0. Happé par les sujets foisonnants du matin, je viens juste de réaliser que j’avais omis ce détail… Erreur réparée. Au demeurant très vifs, les esprits de Sophie et Lucas sont encore embrumés par le service de la veille qui s’est terminé tard dans la nuit, et pour l’heure anesthésiés par les parfums de croissants chauds, confitures, brioches et autres chocolats…
- Alors ?? Insiste Henri. Et bien, posez-le dessus et faites DO RÉ LA SOL !
Esquissant un sourire amical un soupçon condescendant, Lucas et Sophie, les deux cuisiniers répliquent en cœur, du tac au tac :
- Et vous les musiciens, savez-vous quelle est la différence entre un altiste et un oignon ?? Alors… ??? Une idée ? C’est pourtant simple, personne ne pleure quand on découpe l’altiste…
Le ton est donné ! Les pianos sont accordés ! Attention, amis de la frange gélifiée, ça va décoiffer.
Aujourd’hui, au menu du jour de leur restaurant**, Sophie et Lucas proposent :
• Ravioles de pomme, oignon, foie gras, servies chaudes, velouté de champignons.
• Maquereau cuit sur la peau, polenta comme une pissaladière, tomates confites, jus d’olives noires.
• Poire pochée au poivre Timut, biscuit fleur d’oranger, espuma chocolat blanc, caramel orange.
- Pour notre prochain concert, nos suggestions sont également très savoureuses, dans un sucré salé dont vous nous direz des nouvelles rétorquent Louna et Henri :
• Suprême de Bill Evans accompagné de son subtil mi-cuit de Duke Ellington, velouté de Brad Mehldau et sa farandole de septièmes majeures.
• Toccata de Jean-Sébastien Bach à basse température, cuisson de sept heures, arrosée de sa réduction Piazzollienne aux baies de Buenos Aires, sauce tanguera.
• Douce mélodie de Fauré, fleur de Brahms et croustillant de Gershwin, chocolat Ravelien au piment d’Espelette.
Et dans tout ça, me direz-vous, LE POINT COMMUN ? La recherche absolue d’excellence, de qualité, mais surtout la transparence, la traçabilité, des produits frais, bio, équitables, sains, digestes, fins et qui font du bien au corps et à l’âme. Et en prime, l’essentiel… Le respect des convives et du public…
De nos assiettes à nos oreilles, il n’y a qu’une bouchée !
Entre le quatrième art - la musique - et celui que nous pourrions qualifier de onzième art - la gastronomie - la liste des points communs est très longue, infiniment longue, alors nul besoin d’aller ici plus loin dans les analogies. En revanche, d’emblée, des différences notables nous sautent aux yeux et aux oreilles. Plusieurs instances de contrôles, de classement et de notations existent pour les métiers de « l’art de la table » mais pas vraiment pour la musique… Nous avons tous acquis l’idée que nous devions faire attention à ce que nous mettions dans nos assiettes…
Mais qu’en est-il de nos oreilles ? Ne dit-on pas : « un esprit sain dans un corps sain » ?
Alors ne serait-il pas l’heure de mettre en place un « NUTRISCORE » de l’art pour nourrir notre esprit avec plus de bienveillance et de discernement ?? Si nous cherchons envers et contre tout l’éviction des maladies chroniques physiques (quoique ça rapporte quand même pas mal d’écus à l’industrie pharmaceutique mais c’est un autre sujet…), il serait cohérent de se pencher un peu plus sur celles de l’esprit.
Les artistes ne sont-ils pas les médecins de l’âme ?
« Pour votre santé, évitez de manger trop gras et trop sucré » pourrait se décliner en « Pour votre santé, évitez d’écouter trop de MP3 ultra compressés et de son transformé » … Il est d’ailleurs prouvé scientifiquement qu’au même titre que le corps et l’organisme s’habituent très facilement au sucre, l’oreille s’habitue quant à elle au son compressé et appauvri du MP3 si bien que lorsque l’on reprend un bon vieux 33 tours pour le mettre sur sa platine, c’est l’explosion de saveurs ! Le nirvana, le paradis ! Marteaux et enclumes ne s’en remettent pas… C’est l’extase. Tout simplement.
Tout va bien chez vous ? Ici, les questions fusent, les cafés coulent, les théières infusent...
Ravi de pouvoir partager ses réflexions en si bonne compagnie, Henri poursuit :
- Le commun des mortels admet quand même aujourd’hui que toutes les tomates ne se valent pas, il y a celles du jardin de Maurice, maraîcher dans le Gers, cultivées avec amour, savoir-faire, professionnalisme, goûteuses, sucrées, succulentes… et celles qui ont la forme de tomates, à peine la couleur, aucunement les saveurs et qui poussent dans des serres hors sol, sans terre, sans lumière, dont les pieds baignent dans de l’eau enrichie d’engrais et d’autres produits issus de l’industrie pétrochimique…
Et je ne parle même pas de la graine… celle sélectionnée avec soin par notre cultivateur Gersois d’une année sur l’autre pour réaliser ses semis, et les graines TERMINATOR génétiquement modifiées… Ce n’est pas tout, et les boulangeries qui se contentent uniquement de cuire du pain déjà prémâché et prédigéré dans d’énormes entrepôts susceptibles à tout moment de rappeler leurs produits en raison de possibles contaminations à la bactérie répondant au doux nom d’Escherichia Coli… Et les « réchauffeurs de plats » … Le Collège Culinaire de France estime qu’actuellement 80% des restaurants en France sont des chaînes, des franchises, ou des établissements qui ne cuisinent rien… Quelques micro-ondes, des bouilloires, des bains-marie et le tour est joué… Et le pire dans tout ça, c’est que ça marche encore, c’est vieux comme le monde.
Avec vigueur, Sophie et Lucas confirment et enfoncent le clou de girofle dans le gigot :
- Et oui, nous nous battons quotidiennement pour faire reconnaitre les produits de qualités, car il y a une énorme différence entre ce que nous pourrions qualifier de simples « professionnels de l’alimentation » (l’industrie agroalimentaire, les chaînes de fast-food…) et les restaurateurs gastronomes au sens noble du terme qui défendent l’art de cuisiner des produits sains pour éduquer les palais, respecter les saisons, mettre fin aux élevages intensifs, aux traitements phytosanitaires excessifs des cultures…
C’est sûr : ce qu’il manque à l’art, particulièrement à la musique, c’est précisément une instance porte-parole d’un esprit de qualité loin du « bling-bling » des plateaux TV qui laissent croire à tout un chacun que se servir d’un ordinateur pour faire « du son » avec des logiciels d’intelligence artificielle c’est être compositeur… Que chanter en public ou en studio avec des logiciels correcteurs de voix, c’est être chanteur, qu’écrire des livres avec ChatGPT, ChienGπC, LamaGCRACHÉ ou CrevetteGVOMI c’est être écrivain, qu’inventer des mots argots ou franglais c’est faire évoluer la langue française…
- Dans ce cas, nous aussi, nous pourrions faire évoluer la gastronomie nationale en mélangeant des huîtres, de la confiture, du fromage à raclette, des salsifis et un soupçon de jus de rôti de porc… façon potion de la sorcière maléfique des contes de Grimm, mais bon, pas certain que cela reste dans les annales des meilleures recettes… Les amis, nous sommes rentrés dans la culture du leurre, du faux et il devient très difficile d’ailleurs de faire le tri. Nous avons lu dans le magazine AZERTY (Google France) du mois de septembre consacré à l’I.A. que d’ici 2030, on estime qu’il y aura plus d’images générées que d’images non générées en circulation sur internet, ce qui pose une question anthropologique majeure sur le statut des images. En voyant une photo, on estimera donc par défaut qu’il y a plus de chances qu’elle soit fausse que vraie.
- Garçon ? Remettez quatre expressos bien serrés s’il vous plaît ! dit Louna.
- Oh que oui ! répondent d’une seule voix Henri et Sophie, nous en avons bien besoin.
Louna rebondit :
- C’est un peu comme l’histoire du « fait maison » chez les marchands de glaces, sur la côte en plein été… Plus l’écriteau « fait maison » clignote, plus les parfums sont nombreux - Malabar, Licorne, Pokémon, Avengers vanille et Catwoman Caramel - moins les glaces sont artisanales… Et on se fait encore avoir… Parce qu’aujourd’hui, malheureusement, « fait maison » ne veut pas toujours dire que la préparation a été remuée avec amour grâce à l’une de vos cuillères en argent préférées, dans le plat de votre grand-mère… Parfois, tous les ingrédients viennent de l’autre bout du monde, à l’exception de l’idée « géniale » de recette qui donne alors le droit à son exquis et aimable géniteur d’apposer un « imaginé en France », « conçu en France » ou « assemblé en France » … C’est sûr qu’il faut se battre.
- Oui fait maison c’est fait maison, de À à Z, un point c’est tout dit Sophie. C’est pour cette cause que le Collège Culinaire de France se bat, pour sélectionner soigneusement ses partenaires, ses membres, ses adhérents. Sinon, sans ça, bientôt nous pourrions voir certains dire que les sandwiches « éponges » des aires d’autoroutes c’est de la gastronomie… Tu sais ceux qui te collent au palais comme une veille ventouse dans un évier… Les « poulet mayonnaise triple épaisseur » ultra résistants… Tellement gluants que tu manques te faire une entorse de la langue pour retrouver ton intimité buccale… Ce n’est pas parce que tout le monde en mange, ou qu’il y a des publicités partout dans le métro et dans les abribus que c’est bon pour notre santé.
Lucas enchaîne :
- Vous devriez mettre en place une sorte de NUTRISCORE de la musique, qui informe les consommateurs sur le contenu, la provenance des produits, si la musique a été enregistrée par de vrais musiciens de chair et d’os, s’ils ont été payés, si les contrats sont en règles, si le son respecte des critères de qualité acoustique, si les paroles n’incitent ni à la violence, ni à la haine… Un Collège Artistique National pour que nos enfants ne rentrent pas de l’école en disant « wesh gros […] ta la pookie dans l’side… C’est trop la kiffance frère. Merci la Zone ! » à la fin de chaque phrase. In fine, il convient de faire tout autant attention à son foie qu’à ses oreilles même si chacun reste bien évidemment maître de ses intestins et de ses tympans.
Le principal dans tout ça, est avant tout d’arrêter de comparer l’incomparable, de stopper cette uniformisation et standardisation systématique vers le plus bas, d’être conscient et informé de ce que l’on mange car la classification et les étiquettes ne sont pas une solution idéale non plus… L’homme aime tant contourner les règles, c’est même son jeu favori depuis la nuit des temps… Lorsque « Société de consommation » rime quand même trop souvent avec « désinformation » ou se faire prendre pour un « mouton de la Réunion » !
Brusquement, rouge de colère, Henri tape du poing sur la table qui manque se renverser.
Mon bloc note vacille. Mon enregistreur fait un triple salto piqué arrière double loops extension avant retournée acrobatique pour finalement s’échouer - sans une égratignure – sur la table, tel un Sumo sur son tatami. Le serveur détale.
- Tout va bien Monsieur ?
D’un air qui lui donnait un petit côté bougon à la Jean-Pierre Bacri dans « Cuisine et dépendances », Henri répond :
- Oui, tout va bien, ça va… ça, ça, ça, ça, ça va, ça va, çaaaaaaaaaaaa, vaaaaaaaaaaaa. Tout va bien. Pffffff. Mais vous comprenez jeune homme, il est devenu urgent que le public puisse faire la part des choses entre une musique de grande consommation, de grande distribution et celle produite par des petits artisans de l’art. Dans notre entourage, la liste est longue comme le bras d’artistes et amis extrêmement talentueux qui triment pour joindre les deux bouts…
Alors que dans la croyance populaire, pianiste = pianiste, chanteur = chanteur, compositeur = compositeur… Du coup, il y a ceux bourrés de talents qui sont désormais obligés de donner des concerts dans de petites salles microscopiques devant une poignée de convives, rentrant chez eux avec à peine de quoi faire un plein d’essence et ceux qui bénéficient toujours des 99/100ème du gâteau, qui se goinfrent d’argent public, façon Gargantua, sans scrupules, aux yeux et aux oreilles de tout le monde, dans une indifférence collective absolue déconcertante…
Et bien non, vous voyez, c’est comme pour les tomates, les salades ou le jambon blanc, il y a celui avec nitrites et celui de la ferme de chez Jeannette dans le Massif Central, celui parfumé à l’air pur des montagnes… Pour la musique, c’est pareil, il y a aussi celle avec nitrites et additifs et celle sans…
Attention, je vous vois déjà me dire que je suis élitiste, snob, coincé et englué dans la naphtaline d’un monde qui n’existe plus. Je vous vois. Vous ne dites rien mais je vous entends. Si si.
Tout le monde doit pouvoir choisir en toute conscience sans que l’on crie à ce supposé élitisme dès lors que l’on essaie de montrer la forêt en jachère qui se cache derrière le seul arbre bodybuildé que l’on nous montre en boucle et en « prime time » sur les chaînes d’information en continue…
Vous comprenez ? Il faut savoir où regarder… La lune ou le doigt… Vous la connaissez celle-ci ? Lorsque le sage montre la lune l’imbécile regarde le doigt… Et rassurez-vous, ça marche pour tous les sujets ! Encore un argument ? Je vous vois dans vos petits souliers. La secrétaire générale du Collège Culinaire de France a dit dans son interview de septembre « Il n'y a rien d'élitiste dans notre démarche ! On peut trouver un chef artisan dans un restaurant pour 10 euros comme pour 1000 euros si on le souhaite. Ces artisans – qu'ils soient producteurs ou cuisiniers – sont ceux qui permettent la diversité de ce que l'on va manger demain, parce que l'industrie a tendance à tout homogénéiser et standardiser ». CQFD
Henri reprend son souffle, une gorgée de café et s’élance à nouveau.
- Jeune homme, attendez, pour clore cette longue tirade digne de Cyrano, je précise car je ne voudrais pas que vous me prêtiez des propos que je n’ai pas dits. On peut écouter du rap, de la musique funk, latino, du tango, de la bossa nova, de la musique des Balkans, de la musique classique, du jazz et de la variété, sans pour autant renier les différences de subtilités de certaines compositions, de structure et l’orfèvrerie musicale que certains styles ou compositeurs ne travaillent pas autant que d’autres. Une manière de dire que, comme le disait Colette « le vrai gourmet est celui qui se délecte d'une tartine de beurre comme d'un homard grillé, si le beurre est fin et le pain bien pétri ». Et c’est justement bien en ce dernier point que réside toute la différence, car peut-on se délecter d’une poussière de pain, réchauffée au micro-onde, fabriquée en usine avec de la farine de blé OGM vaporisée d’insecticide par des drones télécommandés depuis une salle de contrôle depuis laquelle, paisible, les pieds sur son bureau, Charles Gustave Philibert de L’Embrouille fume son cigare type « barreau de chaise » en regardant les cours de ses actions Bitcoin ?
Il s’agit plus largement d’une éducation des papilles à refaire. Savoir détecter le vrai beurre du faux, le vrai steak haché du reconstitué avec 10% de viande, 50% de gras, 20% de sirop de glucose et 20% de sous-produits animaux et perturbateurs endocriniens ou encore la viande de synthèse tout bonnement « cultivée » en laboratoire… Comme dirait Albert, tout est relatif ! Et il ajouterait même : « Celui qui suit la foule n'ira jamais plus loin que la foule qu'il suit. Celui qui marche seul peut parfois atteindre des lieux que personne n'a jamais atteints ! » Il est évident que cela demande un effort quotidien et qu’il faut accepter de ne pas être entendu et compris car c’est tellement plus facile de croire ce que l’on nous montre ou que l’on nous laisse voir - les fameuses ombres de la caverne de Platon - sans chercher à aller voir ce qui se passe à l’extérieur de cette grotte dans laquelle nous sommes tous enfermés. Et puis, il faut bien dire que cela n’arrange pas non plus beaucoup les politiques que les citoyens prennent part trop activement au débat… Vous connaissez Orwell, 1984 : « Le travail physique épuisant, le souci de la maison et des enfants, les querelles mesquines entre voisins, les films, le football, la bière et, surtout, le jeu, formaient tout leur horizon et comblaient leurs esprits. Les garder sous contrôle n'était pas difficile. »
Lucas s’exclame :
- Il faut d’urgence réagir et retrouver l’attrait pour le beau, l’authentique, l’honnête, le vrai, le sincère. Vivre c’est s’adapter, « La folie, c'est de faire toujours la même chose et de s'attendre à un résultat différent » disait encore le génial Einstein.
Sourire en coin, Henri jubile :
- Les amis, il faut que j’y aille. J’ai à faire pour mes élèves du Conservatoire. Mais avant de nous quitter, j’ai encore une idée… Conclusion en forme de sujet pour le Bac Philo 2025 : si à l’image du « mystère » de la poule et de l’œuf, il y avait celui de la guerre et de la culture… Est-ce que la guerre sévit un peu partout dans le monde parce que la culture est réduite à néant ? Ou, est-ce parce que la culture est réduite à néant depuis trop longtemps que la guerre éclate un peu partout dans le monde ? À vos copies. Vous avez 4 heures. Pendant ce temps, j’appelle de ce pas nos ministres pour qu’ils prévoient de remettre la légion d’honneur aux meilleures copies. Qu’en dis-tu Louna ? ».
- Ce que j’en pense… C’est que si la culture et l’éducation revenaient enfin au cœur des préoccupations politiques et sociétales, notre esprit critique collectif s’en trouverait sans doute un peu plus musclé, nous serions moins lyophilisés et nous serions surtout plus disposés à faire un tri sélectif en amont, en toute connaissance de cause, sans besoin d’un balisage NUTRISCORE ou d’un fléchage qui pourrait s’avérer nauséabond entre de mauvaises mains… Alors restons attentifs aux étiquettes, curieux et vigilants. C’est ensemble, dans une prise de conscience collective, que nous pourrons peut-être espérer refaire tourner la planète dans le bon sens. Il faut sortir de cette vision à court terme, celle des chiffres, des bénéfices en dénigrant toujours plus la qualité systématiquement écrasée par l’appât compulsif du gain maximal… Et concernant ton histoire de poule et d’œuf, de guerre et de culture, nous en reparlerons la prochaine fois, moi aussi, j’ai rendez-vous pour une réunion pédacosmique avec mes collègues Ana CRUZ et Axel HERANDO. Au programme : piano, posture instrumentale, histoire, partage, autocritique, poésie, beauté et pureté des sons…
Les voix se posent, les esprits s’apaisent. Le mot de la FIN ?
Mais au moment d’appuyer sur la touche [STOP] de mon enregistreur et de mettre un terme à cette joute à bâtons rompus, philosophes, Louna et Sophie se lèvent en concluant dans un bouquet final dont seules les femmes ont le secret :
- On n’oublie quand même l’essentiel ! Instant culture oblige.
- L’immense Beethoven disait « jouer une fausse note est insignifiant mais jouer sans passion est impardonnable ».
- Le non moins immense Bocuse disait : « il n’y a pas de bonne cuisine si au départ elle n'est pas faite par amitié pour celui ou celle à qui elle est destinée ».
[STOP]
Comme quoi… de l’assiette à l’oreille il n’y a vraiment qu’une bouchée !
Sébastien Authemayou
Bandonéoniste,
Compositeur, arrangeur,
Membre de la SACEM
Professeur d'Enseignement Artistique
Conseiller artistique principal d'Henri Soufflet
****
Note : pour en savoir plus, vous trouverez ci-dessous les sources principales d'après lesquelles cet article a été réalisé :
* RECETTE DU RIZ SOUFFLÉ
https://www.gastronomiac.com/lexique_culinaire/riz-souffle/
https://www.bulle-de-patisserie.fr/riz-souffle-maison
HISTOIRE DU RIZ
https://www.leriz.fr/la-filiere/lhistoire-du-riz/
https://www.camargue-production.com/histoire-du-riz/
** RESTAURANT LE PASTEL TOULON
https://restaurant-lepastel.eatbu.com/?lang=fr
Avec nos remerciements et notre admiration pour cette cuisine authentique, sincère et délicieuse.
Le menu de Sophie et Lucas suggéré plus haut est en réalité proposé par le restaurant LE PASTEL à Toulon dans sa carte d’automne « rentrée 2024 ». Mille mercis également à MC pour l’invitation et la magnifique découverte de cette table que je vous recommande vivement de visiter.
DU BON SENS DANS MES OREILLES
https://www.actes-sud.fr/du-bon-sens-dans-notre-assiette
ROSSINI
https://www.olyrix.com/artistes/9660/gioachino-rossini/biographie
ESCHERICHIA COLI
https://www.pasteur.fr/fr/centre-medical/fiches-maladies/escherichia-coli
GRAINES TERMINATOR, LES ENJEUX D’UNE STERILITE PROGRAMMEE
https://infogm.org/terminator-les-enjeux-dune-sterilite-programmee/
COLLEGE CULINAIRE DE FRANCE
https://college-culinaire-de-france.fr/
MAGAZINE GOOGLE FRANCE AZERTY
https://about.google/intl/ALL_fr/stories/azerty/
https://www.edelman.fr/azerty-google
LE FIGARO / PARIS MATCH
ETIENNE GUEREAU
https://www.pianojazzconcept.com/a-propos/
https://www.youtube.com/@Pianojazzconcept/videos
ESPRIT CRITIQUE
https://www.youtube.com/@lespritcritique/videos
CLASSIFICATION DES ARTS
FRANCE INFO
COURRIER INTERNATIONAL
JEAN-PIERRE BACRI
https://www.youtube.com/watch?v=Jqp2orQYILg
NATIONAL GEOGRAPHIC
GUY SAVOY ELU MEMBRE DE L’ACADEMIE DES BEAUX-ARTS
https://www.academiedesbeauxarts.fr/guy-savoy-elu-lacademie-des-beaux-arts
AUTOUR DE L'INTELLIGENCE ARTIFICIELLE
• https://trustmyscience.com/ia-desormais-capable-modeler-double-numerique-personnalite/
• https://www.lebigdata.fr/lia-peut-creer-une-replique-de-votre-personnalite-les-chercheurs-alertent
FOIE GRAS DE SYNTHESE
https://creapills.com/forged-gras-alternative-foie-gras-ethique-20241125
Droits réservés - Soulcié 1er juillet 2014 - Dessin du jour pour Télérama.
Illustration partagée avec l'aimable autorisation de l'auteur que nous remercions infiniment ici.
Pour consulter son site officiel https://soulcie.fr
| TEMPS DE LECTURE - 12 minutes
Vendredi 25 octobre 2024, Saint Crépin.
Dicton du jour : « à la Saint-Crépin, les mouches voient leur fin »…
Dans un style très imagé dont elle gardait le secret, sourire aux lèvres, l'index de sa main droite posté sur la gachette de son douzième degré, Mamie Guiguite disait « vivement que les mouches changent d’ânes »... On comprend parfaitement ce qu'elle voulait dire mais on passe par contre carrément à côté de la rime !
Le 25 octobre, c’est aussi l’anniversaire de Georges Bizet, de Johannes Strauss II, et surtout la journée internationale des artistes… Alors l’occasion était vraiment trop belle ! Nous devions la saisir pour vous écrire quelques lignes sur le sujet et tenter - ensemble - d'en savoir plus sur les mystères de la vie d'artiste...
MAIS AU JUSTE, C'EST QUOI LA VIE D'ARTISTE ?!
Dans la conscience collective - parfois même dans l’inconscient des âmes les plus ouvertes à la « chose » culturelle – la vie d’artiste reste indissociable d'une vie de « bohème », « de légèreté et de passion », « de poésie », « d’amour et d’eau fraîche », mais aussi de cheveux gras, de transpiration et d'absinthe…
Ce qui induit une infinité de clichés et poncifs extrêmement tenaces à l’image d’un chewing-gum malencontreusement collé sous la chaussure et dont on peine à se défaire.
Dans le désordre et de manière non exhaustive, toujours selon une croyance populaire encore bien partagée, l’artiste est tour à tour « tête en l’air », « fainéant altermondialiste révolutionnaire », « réfractaire », « frondeur », « anarchiste », « poète perché sur son nuage », « désordonné », « loufoque », « complotiste », « peu fortuné mais comme il vit de sa passion, ce n’est pas bien grave, car c'est tellement beau de "vivre" de sa passion »… Bref, poursuivons.
LE BON ET LE MAUVAIS ARTISTE ! QUÈSACO ?
Vous connaissez l’histoire du bon et du mauvais chasseur ? Vous vous souvenez ? Comment oublier ?
Le « mauvais » chasseur est tout autant chasseur que le « bon » mais en un peu moins agile et beaucoup plus dangereux… Pour l’artiste, paraît-il que c’est sensiblement la même chose, voire même un soupçon plus simple. Quoique ! Le « mauvais » artiste (vous comprendrez les critères de qualification un peu plus bas) est majoritairement bon, très bon ou excellent, peu importe mais il présente surtout la caractéristique d'être parfaitement inconnu, délaissé des médias et donc peu recommandable. Alors que le « bon », le « bon » ? Que dire... Il est forcément… « bon » donc obligatoirement estimable, estimé, adulé, célèbre car il peut rapporter gros. Attention, le « mauvais » peut aussi être « mauvais » (toujours méconnu donc on s'en moque) et le « bon » peut être « mauvais » (mais toujours célèbre). Vous suivez ? Pas si simple.
Quoiqu’il advienne lesdits « bons » artistes ou lesdites « bonnes » artistes sont de toute façon très célèbres car ils font la couverture de nombreux magazines, ils monopolisent tous les médias, ils demandent des cachets exhorbitants comprenant tellement de chiffres que l’on pourrait penser que nous parlons de francs guinéens ou de pesos colombiens mais non, nous parlons bien d’euros très souvent payés grâce à la générosité des finances du royaume (royaume peut être remplacé dans le texte par république, principauté ou par le nom de votre pays préféré)...
Et souvent le jeu des 7 différences ne s’arrête pas là, si l’artiste est « bon » et « célèbre », c’est que nous sommes forcément en présence d’un être humain supérieur, indiscutablement bienveillant, bienfaiteur, génial, altruiste, pédagogue, sympathique et « accoucheur » de talents dans la plus pure tradition maïeutique chère à Socrate. Rien que ça !
Tel un super héros des temps modernes, il ne relâche pas ses efforts pour diffuser la bonne parole alors que le « mauvais »... le « mauvais » ? Et bien, de manière triviale, on dira qu'il galère, qu'il pédale « dans la semoule » ou même parfois « à côté de son vélo », tout en mettant un point d'honneur à diffuser - lui aussi - au moyen d'efforts parfois surhumains la bonne parole mais son signe distinctif est surtout d'être détenteur d'un compte bancaire dont les provisions sont inversement proportionnelles aux efforts qu'il fournit car le royaume ne dispose malheureusement plus assez d'écus pour financer ses projets ou ses créations. De toute façon, n'oublions pas qu'il est totalement inconnu et que dans notre société 24.24 du XXIème siècle, le « mauvais » artiste n'intéresse personne. Malgré tout, en toute transparence et objectivité, certains « bons » et VRAIS artistes célèbres méritent bien sûr pleinement leur place tout en haut de l'affiche, c'est incontestable... Tel des Dieux de l'olympe, ils nous guident vers tout ce que l'homme peut espérer de meilleur et de beau. « Mais en même temps » - pour reprendre un tic de langage devenu viral - tout le monde ne s'appelle pas non plus Martha Argerich, Bill Evans, Miles Davis, Claude Nougaro, André Malraux ou Jacques Brel... et l'ascension vers les cimes de la célébrité ou de la reconnaissance populaire n'est malheureusement pas toujours à porter au crédit du mérite ou du talent... Dans la famille des artistes, il y aurait donc le « mauvais », le « bon » mais aussi le « vrai » et donc le « faux », le tout, dans une pléiade de déclinaisons... Ouille... Décidément, cela se complique... Espérons que la situation soit quand même un peu plus claire pour nous tous !
Mais « ne nous égarons pas dans de futiles prolepses qui concomitamment n’apporteraient rien au sujet ». Prudence, cette phrase est protégée par des droits, l’auteur - que nous saluons ici - se reconnaîtra ! Venons-en aux faits.
Toutefois, à partir de ce paragraphe un avertissement s’impose : âmes sensibles attention !
Toute ressemblance avec des faits et des personnages existants serait purement fortuite et ne pourrait être que le fruit d'une pure coïncidence.
IL ÉTAIT UNE FOIS…
« Dépêche de l’Agence France Presse : deux musiciens membres fondateurs du duo Allegretto (le nom de cet ensemble instrumental a été modifié pour garder l’anonymat), Mme Louna CORDA (pianiste) et M. Henri SOUFFLET (bandonéoniste, cousin éloigné de Youri PILAF) sont sur un bateau, M. SOUFFLET tombe à l’eau… ERRATUM
Mme CORDA et M. SOUFFLET recherchent de toute urgence une nouvelle agence artistique susceptible de prendre en charge le développement de leurs activités de concerts.
Musiciens sérieux, expérimentés, récompensés et salués par la presse, Mme CORDA et M. SOUFFLET restent bien sûr disposés à divulguer de plus amples informations par pigeon voyageur ou tout autre moyen de communication moderne ».
Mais voilà, par les temps si sombres que nous traversons, la culture n’est pas le secteur le plus épargné par les différentes crises qui s’accumulent : économique, politique, sociétale, sanitaire, européenne, internationale... La liste est malheureusement bien longue.
Alors nos deux comparses saisissent leur plume, une nouvelle fois, et repartent encore et toujours à la recherche d’une structure sérieuse et professionnelle pouvant les soutenir dans leurs multiples démarches. Le problème ? Se faire entendre et même avant cela, être lus ou écoutés, car bien que nous soyons tous plus que jamais vissés à nos smartphones, le surmenage numérique est aujourd’hui un réel fléau, un enjeu majeur de santé publique, et les nombreux envois de mails ou appels téléphoniques restent paradoxalement très souvent sans réponses malgré un temps journalier passé sur les écrans qui explose… Alors que faire… ???
EURÊKA !
Cette fois, l’accent sera mis sur le style, une réflexion littéraire plus originale et personnelle pour tenter de passer au travers des mailles de la toile numérique, des cerbères digitaux et autres subtiles identifications du type… « veuillez patienter Alexia vérifie que vous n’êtes pas un robot… ». Mais que fait donc Alexia ?? On se demande bien si elle nous fait une prise de sang, une capillaroscopie à travers les touches de l'ordinateur ou un prélèvement de moëlle épinière pour s'assurer qu'il y a bien « quelqu'un là-dedans » !
Alors… roulements de tambour… voici le message de nos deux artistes :
« Madame, Monsieur,
La culture ? L’art ? L’éducation ? La transmission ? Le partage ?
Sujets essentiels ? Bien sûr. Considérés et respectés ? [JOKER].
Pris au sérieux pour relever avec humanisme, sagesse, créativité et intelligence les défis sociétaux de demain ? [Deuxième JOKER]
Passionnants ? Assurément. Fédérateurs ? Evidemment.
Poursuivons.
Unir NOS forces pour un monde meilleur ?
Mon premier est une agence artistique sérieuse, bienveillante et professionnelle [VOUS].
Mon deuxième est un duo passionné dont vous avez forcément entendu parler (enregistrements primés par Radio France et France Musique, livre-disque Prix de l’Académie Charles Cros et sélection FIP, nombreuses chroniques de presse écrite et radiophonique…) [NOUS].
Mon tout est… [il faudra attendre la fin de ces quelques lignes pour en savoir plus]
Continuons.
Vous écrire ? Comment ? Sous quelle forme ?
Trouver le ton, le style, une pointe d’humour, quelques épices, un peu de croquant, remuer le tout avec l’espoir que notre message puisse être ouvert et lu parmi une nuée de mails reçus chaque jour… Faire court pour dire le maximum en utilisant le minimum de mots…
Un numéro de funambule !
Et sur cette corde suspendue à plusieurs mètres du sol ?
Vous savez comme nous qu’un artiste, en admettant qu’il ait déjà pu obtenir la reconnaissance de ses pairs et de son public, ne peut absolument plus gérer seul le développement de sa carrière, à moins qu’il ne soit doté de superpouvoirs, qu’il ne dorme pas, qu’il soit équipé d’un smartphone dernier cri à chaque oreille, de lunettes connectées et d’une assiette à reconnaissance vocale lui permettant de dicter ses mails pendant les repas, e-mails qui seront aussitôt envoyés lors du dessert, juste avant de fermer le lave-vaisselle et de passer à la rédaction de dossiers administratifs, devis, factures, notes de programmes, fiches techniques, demandes de subventions, lettres d’information et Community management... Sans oublier les âpres discussions sur la longueur des robes de Madame ou la taille de la barbe de Monsieur !
« Entendus à la radio », « lus dans la presse », nous possédons un site internet qui paraît-il « est très bien fait », nous sommes présents sur les réseaux sociaux à l’exception de toute plateforme pouvant apparaître et disparaître dans les prochaines 24h et avant que ce courriel ne s’auto-détruise, nos disques sont disponibles sur toutes les plateformes de streaming planétaires et même au-delà…
Notre demande ? Nous arrivons à la fin de cette charade…
L’agence artistique française qui assurait jusqu’alors une partie de notre représentation vient de tirer sa révérence… Alors forts de plus de vingt ans d’expérience(s) et de retours unanimes sur notre travail, nous nous disons que nous pouvons encore, une nouvelle fois, jeter une bouteille à la mer, même très agitée, raison pour laquelle nous vous proposons d’étudier notre demande de collaboration avec votre agence [MON TOUT].
« Un sourire est souvent l’essentiel » disait Saint-Exupéry, alors si vous en avez esquissé un à la lecture de notre message, c’est déjà une première victoire, mais bien sûr, nous serions ravis d’échanger un peu plus avec vous concernant la possibilité pour votre agence d’accompagner notre duo.
« Les mots sont les passants mystérieux de l’âme » (Victor Hugo), espérons que les nôtres puissent venir à vous, de l’autre côté de ce fil tendu sur lequel, nous rêvons encore d’une culture forte, authentique et sincère dans un monde qui en manque cruellement !
Le Duo Allegretto
Mme Louna CORDA et M. Henri SOUFFLET ».
Louable initiative. Notre valeureuse équipe vous tiendra au courant des éventuelles réponses reçues par les deux musiciens avant qu’ils n’envisagent d’autres stratégies… même s’il n’en reste guère…
À moins... À moins que le Duo Allegretto ne bascule peut-être du côté obscur de la force en s’associant aux artistes français les plus écoutés du moment J.. et A.. N……. (nous vous laisserons deviner, le premier qui répond gagne un filet garni de disques et un livre du Duo Allegretto).
Sans doute un quatuor détonnant, un métissage parfait de tango urbain rappé (à la mandoline mais sans Emmental, Comté ou Parmigiano Reggiano car ça fait beaucoup trop « mauvais » artiste et puis l'odeur ne s'associe guère aux paillettes) sur des textes adoubés par la prestigieuse Académie Française, un son électro « vocodé », « samplé » et « kilowatté » (sans doute bientôt dans le dictionnaire) ! Ébouriffant non ?
MORALITÉ
Alors non, finalement, à la lecture de ces quelques lignes, il semblerait que la vie d’artiste ne soit pas un long fleuve tranquille, loin de là même… Il ne suffit ni d’avoir de bonnes idées originales - voire même très bonnes - ni de « traverser la rue pour trouver du travail » (attention, l’expression est également protégée bien que d'un auteur différent de la précédente). Même en se créant les chances de réussir, et en y croyant « dur comme fer », la réalité nous rappelle très vite à l’ordre, mais vous en saurez plus dans un prochain billet ! « Pour être quelque chose, pour être soi-même et toujours un, il faut agir comme on parle : il faut être toujours décidé sur le parti qu’on doit prendre, le prendre hautement et le suivre toujours » (Jean-Jacques Rousseau).
ATTENDEZ, ATTENDEZ, restez encore un peu, les premières réponses arrivent…
1. « Merci de bien vouloir m’enlever de vos listes de diffusion ! Avec mes remerciements anticipés ».
2. « Malgré tout l’intérêt de votre candidature, nous ne pouvons vous répondre favorablement. Cordialement ».
3. « Je suis désolée de vous répondre négativement, et cela malgré la qualité et le talent de votre duo. Je vous souhaite beaucoup de succès dans votre recherche d'accompagnement de carrière, et dans votre carrière elle-même ! Bien cordialement ».
4. « Thank you for your message. I am currently travelling and I have limited access to my emails. I will get back to you whenever possible».
5. « 550 No Such User Here. Votre mail a été bloqué par le serveur ».
6. « Bonjour, Merci pour votre email et votre intérêt. Cependant, je suis au regret de vous informer que nous réduisons nos activités et ne prenons plus d'artistes sur notre liste. En vous souhaitant tout le succès que vous méritez, Bien cordialement à vous ».
7. « L'agence arrête progressivement ses activités. Pour toute nouvelle demande de booking, vous pouvez vous adresser directement aux artistes concernés ».
8. « Je suis actuellement absente pour une durée indéterminée »…
9. « Merci pour cette présentation / proposition poétique et pleine d'humour. Oui vous m'avez fait sourire .... Mais je ne suis malheureusement actuellement pas en mesure de démarrer d'autres collaborations artistiques... Je vous souhaite une belle continuation, bien cordialement ».
Alors en attendant la suite de cette saga romanesque, comme le dit Augustin Trapenard chaque semaine avec panache pour conclure sa « Grande librairie », seule émission littéraire télévisée diffusée sur une chaîne publique française à heure de grande écoute, à très vite « et surtout lisez bien » !
Et oui, « la culture… ce qui a fait de l’homme autre chose qu’un accident de l’univers ». Ces mots d'André Malraux résonnent toujours aujourd’hui avec une puissance infinie et nous confortent malgré tout dans l'idée de tenter par tous les moyens d’apporter notre pierre à un édifice culturel bien mal en point.
Notre monde a tant besoin de CULTURE et nos enfants sans doute encore plus !
« Un enfant ? C'est le dernier poète d'un monde qui s'entête à vouloir devenir grand » (Jacques Brel)
À SUIVRE…
Sébastien Authemayou
Bandonéoniste,
Compositeur, arrangeur,
Membre de la SACEM
Professeur d'Enseignement Artistique
Conseiller artistique principal d'Henri Soufflet
****
Note : pour en savoir plus, vous trouverez ci-dessous les sources principales d'après lesquelles cet article a été réalisé :
SOULCIÉ - DESSINS DE PRESSE
https://www.instagram.com/thesoulce/
https://www.facebook.com/soulcie/
SOULCIÉ - DESSIN DE JOUR TÉLÉRAMA LE 1er JUILLET 2014
https://www.facebook.com/share/12YnEEynn6w8uejS/?mibextid=WC7FNe
JOURNEE INTERNATIONALE DES ARTISTES
https://www.journee-mondiale.com/715/journee-internationale-des-artistes.htm
JOURNEE MONDIALE DE L'OPÉRA
SAINT CRÉPIN
https://www.commedesmots.com/a-la-saint-crepin/
LA BANANE SCOTCHÉE DE MAURICIO CATTELAN
https://www.facebook.com/reel/582198044332204
LOVI - CE QUE PERSONNE N'OSE DIRE SUR LA VIE D'ARTISTE...
https://www.youtube.com/watch?v=GyvB3Ftdtww
EUGENE IONESCO - L'UTILITÉ DE L'INUTILE DANS "NOTES ET CONTRE NOTES"
EUGENE IONESCO - L'IMPORTANCE DE LA CULTURE
https://www.youtube.com/watch?v=T5oy6VNXkcA
Crédit photo : Pixabay / Droits Réservés
| TEMPS DE LECTURE - 15 minutes
Une fois de plus, sur un coup de tête, je décide de saisir « la plume » pour écrire ce billet d’humeur annonciateur du printemps. Les sujets sont toujours très nombreux, la période toujours aussi troublée, les mensonges, les hypocrisies et autres supercheries toujours d’actualité… Alors sans plus attendre, mieux vaut vous prévenir d’emblée… À l’image de toute série télévisée qui se respecte, vous retrouverez ici les aventures de vos protagonistes préférés… Quant à l’intrigue… Il faut quand même savoir maintenir et garder le suspense pour les prochains billets, surtout pour les 20 saisons à venir !
Rassurez-vous, pas de panique, même si vous n’avez pas lu les précédents billets toujours disponibles plus bas sur cette page, vous devriez vous y retrouver.
L’idée maîtresse est aujourd’hui d’être encore plus direct ; d’une part pour traiter les sujets sans trop de circonvolutions imposées par une politesse parfois bien envahissante, et puis, pour vous éviter aussi l’usure de votre pulpe digitale (pouces ou index) sur l’écran tactile de votre smartphone ainsi que pour économiser vos rétines…
Alors dans cette roulette de l’actualité : « Faites vos jeux ! »
Au choix :
1. Le dossier brûlant de la réforme des retraites et son 49.3 ?
2. L’effondrement des services publics, santé, culture, éducation, défense… ?
3. Les conseillers communication du gouvernement qui pédalent à côté de leurs vélos sur les pistes cyclables parisiennes d’Anne Hidalgo ?
4. Olivier Véran et ses prédictions apocalyptiques ? Les bras d'honneur d'Eric Dupond-Moretti ?
5. La culture : toujours dernière roue du carrosse ?
6. La légion d’honneur remise (en cachette) par le Président Macron à Jeff Bezos ?
7. Les opéras qui annulent leurs représentations à la chaîne pour « raisons budgétaires » et les ensembles instrumentaux menacés ?
8. Les salles de concerts vides ? Vous allez me dire, tout dépend lesquelles…
Pour l'instant, effectivement aucune difficulté n'est à signaler concernant une éventuelle baisse de la cote de popularité du rappeur marseillais Jul, toujours paisible dans ses « claquettes chaussettes ».
9. Les victoires de la musique classique ? Erato, Warner & Universal ?
10. Sofiane Pamart et l'annonce toute fraîche de sa tournée internationale en Amérique latine, mais aussi de sa programmation au Festival Jazz in Marciac 23… ?
Déjà proclamé « Roi du piano classique » … Il manque seulement un petit rien, un petit effort de ses attachés de presse, vraiment trois fois rien, pour que la mention « génie de l’improvisation » apparaisse durant les prochaines semaines : LE « nouveau » Thelonious Monk !
11. Le démantèlement annoncé de l'IRSN, Institut de Radioprotection et de Sureté Nucléraire ?
12. .........
« Rien ne va plus ! » On retient son souffle, les paris sont terminés et la roulette tourne…
Alors dans ce spectaculaire « quilombo » ambiant (version familière argentine du capharnaüm) qui semble si souvent inéluctable, DEUX FRERES FONT TOUT POUR SAUVER LA CULTURE. Cela pourrait même être un titre de bande annonce pour la prochaine superproduction hollywoodienne. Vous savez forcément de qui je veux parler. Impossible de passer à côté. Inutile de mentionner leur nom. Ils sont partout. Indices : ils ne sont pas jumeaux ; l’un est violoniste, l’autre est violoncelliste. Ils font toutes les couvertures de magazines, les journaux télévisés, les émissions de divertissement, gèrent de nombreux festivals, dirigent des orchestres, font des centaines de concerts par an... À croire que nous n'avons en France que deux musiciens compétents, version 3.0 de l'arbre qui voulait absolument cacher la forêt par tous les moyens. L’un soutient ouvertement avec altruisme et générosité les talents de demain. L’autre ? Soutient ouvertement avec altruisme et générosité les talents de demain.
Non, non, je me suis bien relu. Ce n’est pas une répétition malencontreusement passée inaperçue. L’un est très largement financé par le CIC. L’autre ? Par la Société Générale !!!! Espérons juste que tous les jeunes talents ainsi « aidés » soient bien rémunérés pour leurs prestations et à la hauteur de leur talent… Je peux vous assurer que ce n’est pas si courant… Ceux qui parmi vous connaissent bien le système dans lequel nous évoluons le savent. Espérons aussi que ces mêmes « jeunes talents » seront vraiment accompagnés comme il se doit et ne seront pas jetés en pâture dès lors qu’ils auront atteint l’âge canonique de 29 ans 11 mois 30 jours 23 heures 59 minutes et 59 secondes.
Donc Ouf ! Grâce à nos vaillants héros de la musique, tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes. Nous voici sauvés... Enfin presque !
Car tout de même, immédiatement, remis de nos émotions, surgissent quand même deux questions existentielles de la plus haute importance :
- Pourquoi ceux qui crient constamment des vérités évidentes et incontestables depuis d’innombrables années ne sont jamais écoutés et entendus ? Vous me direz là que c'était déjà le cas de Socrate né presque 500 ans avant notre ère...
- Pourquoi les plus belles âmes, les personnalités au grand cœur et aux compétences incommensurables ne sont quasiment jamais saluées à leur juste valeur ? Car pour eux, pas de légion d’honneur, ni de médailles, ni de récompenses honorifiques, ni de grandes réceptions sous les ors de la république, ni d'articles de presse…
Trois exemples parlants.
• Je vous en ai déjà parlé dans mes précédents billets. Monique Deschaussées - éminente pianiste et pédagogue dont l’envergure internationale sur le plan pianistique est comparable à celle de Nadia Boulanger pour la composition et l’écriture - est partie rejoindre les étoiles de l’art il y a tout juste un an dans un silence assourdissant. Rappelons quand même qu’elle a formé des pianistes professionnels dans plus de 40 pays… Rien que ça. Pour le premier anniversaire de sa disparition, quelques-uns de ses disciples ont quand même réussi le pari fou d’organiser un concert hommage, à Paris, en l’église Saint-Julien-le-Pauvre, le 7 mars, jour de grève et manifestations nationales… Bien sûr, aucune couverture médiatique digne de ce nom. Là n’est pas la priorité du moment - les équipes de journalistes battent le pavé - mais plus largement, là n’est PLUS DU TOUT la priorité de notre société. Et pourtant, Monique Deschaussées ne disait-elle pas : « Je pense comme les Grecs de l'Antiquité. La musique, l'art, ont une dimension métaphysique essentielle. Ils aident à former le caractère, contribuent à former de meilleurs hommes ». C’est une évidence. Toutefois, on constate sans grande difficulté que la sagesse véhiculée par les plus grands penseurs et philosophes antiques n’a pas encore « infusé » dans tous les esprits. Une chose est sûre, on ne peut pas dire que c’est par manque de temps... En plusieurs millénaires, cela laisse quand même un peu de latitude pour infiltrer les consciences !
• Même constat pour Albert Hamann, bandonéoniste de génie, multi-instrumentiste, compositeur, arrangeur, disparu prématurément il y a 20 ans : pour l’heure, personne ne parle de son héritage musical. Pourtant, il a pu collaborer ou rencontrer tout au long de sa vie artistique riche et foisonnante de nombreux musiciens et artistes prestigieux comme Astor Piazzolla et tant d’autres. Un seul concert semble être là aussi organisé pour honorer sa mémoire dans le cadre de la prochaine édition du Festival des Nuits de Nacre à Tulle (19).
• Enfin, connaissez-vous Shin’ichi Suzuki, né en 1898, décédé en 1998 quelques mois avant d’être centenaire ? Le 26 janvier dernier marquait les 25 ans de sa disparition. À l’exception d’un article paru sur le site internet Asia Nikkei traduit par Courrier International, on ne peut pas dire que le père de la méthode Suzuki, grand maître du violon, considéré et respecté dans le monde entier comme un pédagogue visionnaire ait lui non plus été salué à la hauteur de ce qu’il a donné toute sa vie pour l’art et pour la musique. Son rêve le plus cher : défendre une éducation universelle et égalitaire. Il souhaitait « que chaque enfant puisse se développer dans la musique ou tout autre domaine afin de vivre une vie plus riche, ce qui déboucherait sur une société meilleure ». Là encore, tout cela est évident mais démontre une fois de plus ce que la classe politique s’entête à ne pas voir : l’importance capitale de l’art dans nos vies, d'une part dans un soutien affiché aux plus nobles démarches de créations artistiques et d'ouverture d'esprit bien sûr ; mais d'autre part, dans l’enrichissement plus large et global de nos sociétés, dans leur épanouissement, et dans la recherche d’un équilibre social retrouvé, moins d’anxiété et plus de respect…
Bon sang ! Mais pourquoi sommes-nous toujours séduits par ceux qui aboient le plus ?
D'ailleurs à ce titre et à l’occasion du 102ème anniversaire de la naissance d'Astor Piazzolla célébré le 11 mars, une mise au point qui me tient particulièrement à cœur s'impose. Pourquoi ?
Si vous avez lu notre livre « LIBERTAD, l’étonnant voyage d’un homme libre » (Éditions Parole) co-écrit avec Marielle Gars, vous savez que le compositeur argentin s'est battu toute sa vie pour imposer son oeuvre subissant de nombreuses menaces de la part de ses détracteurs, y compris des menaces de mort. Aujourd'hui, malgré une très large reconnaissance mondiale, il ne faut absolument pas croire que tout est gravé dans le marbre et que son talent est compris et respecté de tous, et ce, malgré un travail conséquent de communication et de médiation effectué ces dernières années par la Fondation Astor Piazzolla de Buenos Aires. En effet, dans certains milieux bien-pensants, sa musique est tour à tour qualifiée de « légère », de « superficielle », de trop « populaire », de « musique d’ambiance ou d’ascenseur » … Et oui, un véritable scandale, mais c’est bien ainsi que certains esprits soi-disant éduqués et cultivés, s'auto-proclamant parfois même « brillants », n’hésitent pas à parler de l’un des plus grands compositeurs du XXème siècle. Parait-il que l’on disait la même chose de la musique du génialissime Bill Evans… Alors !
Et dans le même temps, ces mêmes musicologues, compositeurs, critiques, chefs d'orchestre ou savants des temps modernes n’hésitent pas non plus, à la moindre occasion, de donner ou soutenir des programmes « hommage » au maître argentin car l'avantage de son œuvre est qu'elle reste quand même « accessible » au « grand public »… L'art de savoir retourner sa veste en toute circonstance... S’agit-il alors de jalousie, de manque d’ouverture, de méconnaissance du sujet, d’hypocrisie ou bien de tout cela à la fois ? Donc contrairement à ce que la légende urbaine tend à nous faire croire, défendre cette musique n’est finalement pas toujours de tout repos.
Les conséquences des critiques acerbes mentionnées plus haut ? Tout d’abord, de nombreux ensembles – la plupart montés de toutes pièces par des musiciens et leurs agences parisiennes avides de succès, de visibilité et d'argent pensant faire le « buzz » à l’occasion du centenaire de la naissance du maestro en 2021 - interprètent cette musique en la galvaudant… Ce n’est pas parce qu’elle est très bien écrite et très lisible qu’elle en reste simple à interpréter… Gustav Malher ne disait-il pas : « tout est écrit dans une partition sauf l’essentiel… » ? Et c’est bien malheureusement sur cet « ESSENTIEL » que beaucoup font l’impasse : « Jouons vite et fort et cela fera bien l’affaire »...
Deuxième effet : les programmateurs en ont à présent assez de cette musique de « sauvage » et ne veulent plus programmer « du Piazzolla » car victimes d’une soi-disant overdose en 2021… Dans ce cas, pourquoi proposer chaque année avec persistance une nouvelle version de la Flûte enchantée, de Carmen, de Casse-Noisette… ? Pourquoi la musique d’Astor Piazzolla ne serait-elle pas logée à la même enseigne ? Pourquoi faudrait-il attendre plusieurs années avant de la faire entendre à nouveau ? Pourquoi un récital Piazzolla poserait-il plus de difficultés qu’un récital Chopin ?
D'un autre côté, pas de jaloux : Mozart, Debussy, Ravel, Brahms et tous les autres peuvent aussi faire les frais d’interprétations douteuses. Encore une fois, il ne suffit pas de savoir lire la musique pour en saisir le sens profond… Certains donnent même toute leur vie – ou du moins une grande partie - au service d’un seul compositeur pour essayer de saisir toutes les subtilités de son art. Citons juste pour rapide exemple Glenn Gould, Gustav Leonhardt, Scott Ross, Marie-Claire Alain, André Isoir, ou Nikolaus Harnoncourt pour la musique de Bach. Ainsi, à notre modeste niveau, nous essayons de saisir depuis près de 20 ans avec notre duo Intermezzo les multiples saveurs de la musique de Piazzolla afin de les retranscrire le plus justement possible dans les arrangements personnels que nous défendons humblement dans le plus grand respect des oeuvres originales.
Piazzolla a été soutenu par les plus grands jazzmen : de Dizzy Gillespie à Stan Getz, en passant par Chick Corea, Paquito D’Rivera, Gary Burton, Al Di Meola, Martial Solal, Gerry Mulligan… Sa musique a été ou est interprétée par de prestigieux musiciens classiques et chefs d’orchestre : le Kronos Quartet, Martha Argerich, Daniel Barenboim, Mstislav Rostropovitch, Yo-Yo Ma, Gidon Kremer, Leo Brouwer, Myung-Whun Chung, Lalo Schifrin… Sans doute tous sourds à en croire les détracteurs toujours virulents de Piazzolla !
Alors arrêtons de croire n’importe quoi, ouvrons les oreilles et contentons-nous d’en comprendre le message. Le travail de diffusion entamé par Piazzolla pour défendre son oeuvre est donc bien loin d’être terminé… Nous voilà plongés au coeur même des notions pédagogiques les plus élémentaires : expliquer, expliquer, expliquer… Sensibiliser toujours et encore… Transmettre, faire passer...
C'est aussi le but de ces quelques lignes.
Dans notre monde complètement fou, on nous pousse à croire l’incroyable tout en remettant en cause des faits scientifiques irréfutables. Selon une étude récente, 9% des Français sont toujours persuadés que la terre est plate. D’un autre côté, on a aussi tendance à « faire dire » n’importe quoi à la science. Ou plutôt, on abrite derrière le mot « science » des faits qui ne sont pas du tout scientifiquement avérés mais cela permet de diffuser la « bonne parole », une parole médiatique bien huilée sensée être valorisée de l'autre côté de l'écran par l'étiquette « approuvée par la science ». Il s’agit de leurres. Pas besoin d’embarquer à bord d'une incroyable machine à remonter le temps pour trouver des exemples dans un passé très proche… On le sait. Tout n’est donc qu’un éternel recommencement. Manque de curiosité, de renseignements, de lectures, d’enquêtes minutieuses… C'est aussi pour ces raisons que certains dénigrent la musique de Piazzolla !
NON, Astor Piazzolla n’a pas uniquement composé le célébrissime Libertango, il n’a pas toute sa vie joué vite et fort, il n’a pas non plus rendu sourd son auditoire… Ça c’est le portrait que dressent ceux qui n’ont pu entendre qu’une seule partie des « interprétations » ou « relectures » de son œuvre… Et qui n’ont sans doute pas non plus pris la peine d’écouter quelques enregistrements mythiques du maître.
En fait, à écrire ces lignes, la même constante ressort systématiquement de mes différentes chroniques : nous sommes sans cesse pollués et anéantis par un manque criant de curiosité et d'esprit critique. Alors des voix s’élèvent ces derniers jours pour décrire les dérives de notre secteur, parmi lesquelles on retrouve celles de chefs réputés, de musiciens ou artistes plutôt soutenus médiatiquement.
ENFIN !!!!
Mais pourquoi ne sont-ils pas intervenus plus tôt ? Les problèmes cités ne datent pas d'hier...
Sans doute étaient-ils enfermés dans leur confortable tour d'ivoire ? Préféraient-ils ne rien voir ? Alors si même une prise de conscience de l'état désastreux de notre filière culturelle commence à atteindre les plus hautes sphères, c’est que « rien ne va plus » pour eux… Alors imaginez pour les autres !
Une solution ? Après des années à crier des vérités que personne ne veut entendre ou croire, est-il finalement nécessaire de continuer ? Faut-il s’isoler comme certains philosophes antiques le préconisaient en attendant que « l’orage passe » pour laisser les derniers vautours de la culture grignoter tous les restes ? La question se pose très sérieusement car cette mascarade peut encore durer quelque temps. Les éclairs et l'orage sont violents. Dieu sait que les vautours sont nombreux, qu'ils rôdent un peu partout - pas seulement dans les prestigieux lieux de la capitale - et qu'ils sont surtout incroyablement affamés, attirés par les dernières miettes d'un « gâteau culturel » plus que consommé. Alors faut-il attendre qu'ils n’aient plus rien à se mettre sous la dent pour que résonnent enfin les voix de la sagesse et du bon sens ? Mais que se passerait-il si tout au bout de la chaîne alimentaire les vautours venaient à disparaître eux aussi ?
Alors comme l’anaphore semble être un jeu littéraire très à la mode en ce moment :
• Il devient urgent de nous ressaisir,
• Il devient urgent d’ouvrir nos yeux et nos oreilles,
• Il devient urgent de nous attacher à redonner de l’importance aux plus belles valeurs qui ont fait la grandeur de nos sociétés et aussi de notre espèce « animale »,
• Il devient urgent de nous concentrer sur l’essentiel,
• Il devient urgent d’être sincère,
• Il devient urgent d’être juste et respectueux,
• Il devient urgent de rêver un monde meilleur !
Faisons-le au moins pour nos enfants.
Sébastien Authemayou
Bandonéoniste,
Compositeur, arrangeur,
Membre de la SACEM
Professeur d'Enseignement Artistique
****
Note : pour en savoir plus, vous trouverez ci-dessous les sources principales d'après lesquelles cet article a été réalisé :
LETTRE À ASTOR PIAZZOLLA
https://www.youtube.com/watch?v=y3-0gCWl7cw
LE FIGARO
LA LETTRE DU MUSICIEN
https://lalettredumusicien.fr/article/plus-que-jamais-ce-monde-a-besoin-de-musique-7768
BABELIO
https://www.babelio.com/livres/Lagrange-Regard-Sur-le-Spectacle-Vivant-Francais/938298
FRANCE INFO
LE MONDE
RELIKTO
LE POINT
NATIONAL GEOGRAPHIC
https://www.nationalgeographic.fr/sciences/un-francais-sur-10-pense-que-la-terre-est-plate
COURRIER INTERNATIONAL
ASIA NIKKEI
https://asia.nikkei.com/Life-Arts/Arts/How-Suzuki-Method-conquered-the-music-world
LE PARISIEN
SOCIETE GENERALE
https://www.societegenerale.com/fr/un-ete-en-france
MARIE CLAIRE
https://www.marieclaire.fr/,francoise-sagan-en-10-citations,817773.asp
DIAPASON
JAZZ IN MARCIAC
https://jazzinmarciac.com/concert/sofiane-pamart
LE NOUVEL OBS
Crédit photo : Pixabay / Droits Réservés
| TEMPS DE LECTURE - 22 minutes
(Bip)… Nouvelle année (Ding)... Meilleurs vœux (Dong)…
Santé, joie, bonheur, amour, partage, bienveillance, justice, paix (Tûuut)…
Et humour (Tidit)… « L’humour ne se résigne pas, il défie » (Bip).
Et si en plus c’est Sigmund Freud qui le dit (Ding). Alors ! (Dong)
Dans le marasme ambiant, l’humour est sans doute notre seul salut, « la forme la plus saine de la lucidité » comme l’exprimait déjà Jacques Brel avec tant de clairvoyance.
Alors au moment d’écrire ces quelques lignes, difficile de trouver le bon ton, le bon angle d’approche pour une nouvelle fois vous faire partager dans cette lettre ouverte quelques cris du cœur et réflexions autour de notre secteur culturel mais pas seulement. Mais tout d’abord, venons-en aux faits, et recevez mes plus sincères et chaleureux vœux pour cette nouvelle année 2023, qu’elle vous apporte l’épanouissement, la sérénité et le bien-être que vous souhaitez, qu’elle soit enrichissante et qu’elle vous livre aussi tout le bonheur, l’amour, la tendresse et la joie que vous méritez. Voilà au moins quelques ingrédients que nous ne pourrons pas trouver sur la fameuse plateforme de vente en ligne de Jeff Bezos et qui nous permettront assurément de renouer avec ce que l’homme possède de plus précieux : sa sociabilité, qualité incontournable et essentielle à la réalisation des plus beaux projets, des plus beaux chefs-d’œuvres ou inventions de l’humanité, des plus beaux exploits artistiques et même sportifs, et ce depuis les prémices de la vie sur notre chère planète bleue… Le partage, le collectif, les échanges (à bâtons rompus ou non, virulents ou contrôlés) …
Évidemment que tout cela est ESSENTIEL !
Quelle tristesse d’avoir assisté en ce XXIème siècle à un tel débat, à une telle opposition entre ce qui est INDISPENSABLE et ce qui ne l’est pas, entre ce qui est OBLIGATOIRE et ce qui ne l’est pas… Nul doute qu’indépendamment des dommages psychiques individuellement subits, notre société gardera de graves séquelles de cette période trouble que nous traversons malheureusement toujours depuis 2020, à moins qu’une prise de conscience globale et collective accrue ne permette d’engager la « résilience » de notre système… Et là, c’est le neuropsychiatre Boris Cyrulnik qui le dit ! Mais pour cela, il nous faudrait quand même compter sur l’aide de la sphère politique car ne dit-on pas que l’exemple vient d’en haut ? Mais le moment ne semble pas vraiment opportun, et pour couronner le tout, l’équipe nationale de football vient de s’incliner en finale de la coupe du monde dans la terrible épreuve des tirs au but... Alors là c’est la goutte d’eau qui fait déborder la tasse... Et les fruits d’une éventuelle victoire ne pourront finalement même pas être utilisés à des fins stratégiques malgré une descente présidentielle remarquée sur la pelouse du Lusail Stadium de Doha !
OUI : nous nous enrichissons constamment les uns les autres, nous avançons ensemble pour créer à notre modeste échelle le monde de demain. Nous devons apprendre sans cesse, rester curieux et inventifs, non sur des bases chancelantes ou archaïques trop souvent véhiculées par un système à bout de souffle, non sans arguments, non sur des croyances ancestrales infondées qui se transmettent de générations en générations comme de vieilles reliques auxquelles nous ne devons absolument pas toucher, mais sur des préceptes logiques, scientifiques, réfléchis, raisonnés, étayés, dans un savant équilibre entre analyse sérieuse de notre histoire et de notre passé - dont nous oublions trop souvent de tirer les enseignements - et l’avenir que nous souhaitons offrir à nos enfants.
Le tout avec philosophie et pédagogie, psychologie et spiritualité, art et créativité !
En bref, difficile de dire mieux qu’Albert Einstein : « apprendre d’hier, vivre pour aujourd’hui et espérer pour demain » !
# Résolution n°1 : trouver le bonheur dans une botte de foin !
Dans sa correspondance avec l'Abbé Trublet du 20 avril 1761, Voltaire écrit : « je me suis mis à être un peu gai, parce qu'on m'a dit que cela est bon pour la santé ». À bien y réfléchir, il doit avoir raison car il est primordial de nous concentrer sur le beau, l’authentique, le sincère, le précieux, les petits bonheurs du quotidien que trop souvent nous laissons filer à scruter les écrans de nos smartphones pollués par les acteurs d’un monde factice qui nous poussent à croire en une idée erronée du bonheur ou de la réussite.
Il faut prendre en photo son plat du jour (un fast food fera l’affaire ou même une soupe), le partager sur les réseaux (tous les réseaux même ceux qui n’existent pas encore), faire un film en claquettes chaussettes (les initiés de la cité phocéenne sauront) pour faire le buzz sur la toile, gagner des « followers » et convaincre les programmateurs de croire en la nouvelle étoile montante, propulsée sous les projecteurs à grands coups de communiqués de presse dithyrambiques (aux milliers de superlatifs tous plus « stratosphériques » les uns que les autres), repris ensuite en chœur et sans vérification par une partie de la presse qui n’a bien sûr pas toujours le temps de faire des enquêtes minutieuses sur les nouveaux génies qui émergent ici ou là, produits commerciaux des maisons de disques au bout du rouleau (on parlera ici de rouleau compresseur)… Quand même certains artistes, agences ou labels en viennent à acheter des « streams » pour faire monter les côtes de popularité sur internet… et pour obtenir une « reconnaissance » des algorithmes des moteurs de recherches, c’est que le mur n’est pas bien loin. Tout cela donne alors quand même l’impression de participer à une partie de roulette au casino, sans règles du jeu et avec dés pipés. Mais quel est le but de toute cette mascarade ?
C’est certain, nous avons perdu le sens des valeurs. Il suffit de s’autoproclamer « génie » du piano, du violon, de la trompette, du bandonéon ou de la flûte à coulisse pour que les portes des salles s’ouvrent, que les chaînes de TV fassent des captations et que le musée Grévin réfléchisse sérieusement à la fabrication de nouveaux sosies de cire « actualisés »… Tout le monde a le droit de faire de la musique sans pour autant prétendre rivaliser avec des génies incontestables ou personnalités incontournables que sont par exemple les Martha Argerich, Yo-Yo Ma et autres Christian Tetzlaff, Jeanine Jansen, Chucho Valdès, Keith Jarrett, Wynton Marsalis ou en leurs temps les Mozart, Beethoven, Chopin, Brahms…
Non, comme l’a laissé entendre la ministre de la culture Rima Abdul Malak il y a quelque temps, toutes les musiques ne se valent pas. Chacun peut trouver son bonheur, ça oui (et heureusement), tout le monde est différent, unique, c’est un fait ; mais il est inconcevable de comparer Bach à Booba, Ravel à Jul, et encore moins Clara Schumann ou Barbara à Aya Nakamura…
Sofiane Pamart n’est donc ni le nouvel Alfred Cortot, ni le nouveau Glenn Gould, ni le nouveau Radu Lupu. Maître Gims n’est ni le nouveau Jacques Brel, ni le nouveau Brassens, ni le nouveau Nougaro. Dans le même ordre d’idée les « boys bands » des années 1990 et 2000 n’avaient rien de comparable aux Beatles ou aux Rolling Stones. Au delà de toute considération partisane, Donald Trump ou Boris Johnson ne se situent pas non plus sur la même échelle que Roosevelt ou Churchill. Je ne me risquerais pas ici à trouver une comparaison avec le Général de Gaulle qui avait refusé en son temps son salaire et sa retraite de Président, qui payait personnellement les frais inhérents à l’occupation de ses appartements privés présidentiels et qui invitait systématiquement sa famille sur son budget personnel ne voulant pas faire supporter au contribuable le financement de sa vie privée. Ce fut le seul Président de la cinquième république à procéder ainsi.
De la même façon, il est impossible de comparer un fast food à un restaurant étoilé au guide Michelin (un sandwich aussi bon soit-il ne remplacera jamais un menu bistronomique ou gastronomique), ou encore un agriculteur respectueux de l’environnement avec une multinationale qui fait pousser ses légumes en toutes saisons dans de l’eau et des engrais ou produit de la viande en élevage intensif. Toutes les salades sont différentes même si elles se ressemblent. Tous les pains au chocolat (ou chocolatine selon l’aire géographique choisie) se ressemblent mais n’ont pas tous le même goût en raison des ingrédients avec lesquels ils sont préparés. À partir de là, tout est permis : le « fabriqué en France » est remplacé par « assemblé en France » ou seulement « pensé en France » ; le « fait maison » est remplacé par « réchauffé sur place dans notre micro-ondes dernière génération »… L’art de la communication, ou comment le moindre musicien se filmant dans un hall de gare pour son compte Instagram passe pour le nouveau virtuose. L’homme oublie vite son histoire, d’où il vient et où il va.
La faute à qui ? Aux supposés génies ? Au public qui les écoute ? À la presse qui n’a pas pu fouiller plus loin que le communiqué de presse élaboré par une maison de disque peu scrupuleuse en quête du peu de pouvoir qu’il lui reste, grignotant les dernières miettes d’un marché devenu obsolète… ??? L’industrie musicale serait-elle le baromètre de notre société ?
Les spécialistes autoproclamés inondent les plateaux TV et les ondes radios, l’information est brouillée (Bip)... Et quel que soit le sujet, politique, société, international, environnement, écologie, santé, éducation, culture… la vérité doit être sans cesse cherchée comme une aiguille dans une botte de foin. La botte est énorme et l’aiguille minuscule. Finalement les sophistes qui régnaient du temps de Socrate pour « détourner » les esprits ne sont pas si loin, le célèbre philosophe s’est d’ailleurs retrouvé bien seul dans sa quête de justice 400 ans avant J.-C. (pas Jacques Chirac !), 2373 ans avant C.H. (Cyril Hanouna) et un peu plus avant « Les anges de la télé-réalité ». Les temps changent mais l’homme n’évolue pas. Alors doit-on finalement s’évertuer à convaincre, à ouvrir les yeux à celui qui ne le souhaite pas ? Pourtant il s’agit là des fondements même de la pédagogie. La célèbre pianiste et pédagogue Monique Deschaussées qui nous a quittés il y a presque un an dans un silence assourdissant – et ce malgré la reconnaissance internationale de ses inestimables compétences, de son savoir hors du commun, de ses précieux écrits et de ses innombrables années de recherches - s’est elle aussi attelée à cette lourde tâche durant toute sa vie. Celle de faire gravir l’Everest de l’art pianistique à ses disciples. Mais comme elle le disait, il faut aller chercher les prétendants à l’ascension des plus hauts sommets au « camp de base » pour les amener le plus haut possible. C’est cela la pédagogie. Tous ne pourront pas atteindre la cime, mais la condition sine qua non pour y arriver est déjà d’avoir envie d’y parvenir, en toute humilité, avec sincérité et honnêteté.
C’est alors cette sincérité, celle du Maître, celle de son élève, qui rend unique et précieuse une personne dans ce monde qui déborde de fausses apparences. La pédagogie ne s’apprend pas disait-elle. Et c’est une certitude. L’art de diriger ou de gouverner ne s’apprend pas non plus, même dans les plus grandes écoles...
Mais au fait, qui sont les sophistes ? Ceux contre qui Socrate luttait pour imposer justice et vérité…
Selon le Larousse, le sophiste est « un rhéteur grec (professeur d’art oratoire durant l’antiquité), qui vendait son enseignement philosophique (chose scandaleuse à l'époque), enseignement qui consistait à jouer sur les mots et à manipuler les raisonnements de telle sorte que la persuasion soit obtenue par l'effet charismatique de celui qui sait manier la parole et non par la mise en évidence de la vérité ». Le Robert définit quant à lui le sophisme comme « un argument, un raisonnement faux malgré une apparence de vérité ». Tiens donc… Là encore, les époques changent mais l’homme se distinguerait-il des autres espèces animales par une certaine constance ?
Les sophistes étaient-ils les « influenceurs » d’hier, les manipulateurs des esprits dans une époque où… les tablettes existaient déjà (non connectées au réseau des dieux c’est une évidence, mais en cire et en bois, avec un stylet…) ? Bien sûr, impossible toutefois de compter sur ce dispositif -2.0 pour prendre en photo son meilleur profil lors de la dernière orgie partagée en bonne compagnie !
On se rend compte alors que si l’on décide de porter, partager et défendre les plus belles valeurs, il est très difficile de se faire entendre, il faut se battre, argumenter sans cesse, et l’on se retrouve très souvent isolé, noyé dans une hypocrisie généralisée où le paraître fait légion et où les directives de nos gouvernants ne permettent quasiment jamais de traiter les différentes problématiques sociétales en profondeur. Tout n’est que superficialité. Mais rien de très nouveau finalement même si cela nous exaspère et nous semble anormal. D’ailleurs, où se situe la normalité ? Vaste débat. Est-il normal de devoir s’abaisser à de viles pratiques pour espérer se produire et partager son art avec autrui ? Est-il normal d’être obligé de réfléchir à des campagnes de communication en petites tenues pour espérer se vendre ? Dans ce cas, demandons aussi aux commerçants, aux artisans et à toutes les professions de faire un effort ! Si tout le monde se dénudait pour vendre ou rendre service, au moins cela rétablirait une certaine équité, nous reviendrions alors à de basiques et primitives considérations, bien que là encore, nous ne soyons pas tous logés à la même enseigne ! Certains trouveraient bien le moyen d’utiliser à outrance, encore et toujours, de nombreux superlatifs pour prouver ou du moins convaincre de leur supériorité, non dans les faits et sur du contenu, mais sur des dotations naturelles plus ou moins séduisantes et objectives...
# Résolution n°2 : le lâcher prise !
Sénèque l’écrit en l’an 62 après J-C : « Les stoïciens les plus puristes sont habités par deux régimes de croyance et d’action ; tantôt ils théorisent et supervisent l’action politique idéale, mais lorsqu’il s’agit de se confronter à la décevante médiocrité de la ciuitas, ils se découragent et font marche arrière. »
Tout est dit. Et il ajoute : « Nous sommes à la dérive, nous saisissons un objet à la suite d’un autre ; nous délaissons ce que nous avons recherché, nous recherchons ce que nous avons délaissé : en nous se succèdent alternativement le désir et le repentir. Car nous sommes complètement dépendants du jugement d’autrui, et le meilleur, à l’évidence, c’est ce que cherche et encense le public, non ce qu’on doit encenser et ce qu’on doit chercher. Nous n’estimons pas une route bonne ou mauvaise en elle-même, mais par l’abondance des traces de pas, dont aucune n’appartient à des gens qui revenaient en arrière. » Déroutant non ? Rappelons encore qu’il s’agit de textes écrits il y a environ 1960 ans !
Les incohérences existaient déjà, celles du monde politique, des décideurs, celles imposées par une pensée dominante déconnectée de la réalité. Incroyable mais pourtant vrai.
Le temps passe mais l’homme ne change pas.
On nous demande d’acheter des voitures électriques et « en même temps » la plupart de nos centrales sont à l’arrêt pour « travaux ou maintenance »… Nous vivons avec l’angoisse de coupures d’électricité alors même que la part des voitures électriques dans le parc automobile français n’est que de 1% en octobre 2022… Quelle serait la situation si ce même parc était pourvu à 100% de véhicules électriques ?
On nous promet plus de respirateurs artificiels en 2020 pour gérer la crise COVID… et « en même temps »… les services hospitaliers restent saturés, sous-équipés, le personnel est au bord de la rupture… On nous promet la transparence pour les vaccins et « en même temps » le plus haut sommet de la pyramide diplomatique européenne est mis en cause dans de sombres affaires de corruptions avec le principal laboratoire fournisseur de vaccins… On nous promet un soutien à la culture et « en même temps » seuls quelques privilégiés se goinfrent pendant que les autres espèrent pouvoir remonter sur scène ou sont contraints, pour exister ou pour tenter de résister, de jouer pour une poignée d'euros… On nous promet une amélioration du système éducatif et « en même temps » la France figure toujours parmi les plus mauvais élèves des classements PISA, le ministre de l’éducation venant même d’annoncer il y a quelques jours des mesures de soutien pour les élèves de 6ème au regard des résultats préoccupants en mathématique et en français lors des dernières évaluations nationales…. On nous promet l’irréprochabilité de nos institutions et « en même temps »… On fait appel à McKinsey & Company, cabinet de conseil privé, pour sauver notre économie moyennant des sommes colossales... alors même que nous disposons de très nombreux hauts fonctionnaires censés être rompus à la gestion de crise(s) et capables de résoudre les plus insolubles équations de notre administration grâce à leur expertise acquise dans nos plus prestigieuses grandes écoles...
On nous promet du dialogue et de la concertation à l’assemblée nationale et « en même temps »… 49.3 49.3 49.3 49.3… On nous indique que personne n’aurait pu prédire la crise climatique, la crise sanitaire… alors que de nombreux scientifiques, chercheurs, ingénieurs, climatologues et journalistes alertent depuis des décennies comme Haroun Tazieff ou plus récemment Jean-Marc Jancovici… On nous promet de prendre en charge la situation des plus précaires et « en même temps » les « Restaurants du Cœur » et autres associations caritatives n’ont jamais été tant sollicités… Et que dire des stades climatisés au Qatar ou des prochains Jeux Asiatiques d’hiver 2029 organisés dans le désert en Arabie Saoudite ???
Et il en est de même pour l’art et la culture… Les différents rapports du regretté Didier Lockwood sur l’enseignement de la musique qui malgré leur pertinence restent encore dans quelques tiroirs bien gardés de la rue de Valois…
Si tous les musiciens célèbres ou assimilés se prêtent actuellement au jeu d'interpréter des programmes « saucissons » à moitié dénudés pour « faire le buzz », on ne fait alors qu’alimenter la situation de virtualité dans laquelle nous nous trouvons. Les mêmes devraient défendre la Musique, l’art et ses plus belles valeurs, ils en ont le pouvoir, ils ont « l’oreille » des médias, mais au-delà de ça, l’appel du porte-monnaie est tellement grand que, peu importe, mieux vaut jouer une adaptation symphonique de Frère Jacques plutôt que de défendre les plus belles pages de la musique. Et si en plus, la plupart des festivals 2024 français étaient annulés en raison de l’organisation des Jeux Olympiques à Paris…
La crise COVID et le terrible conflit en Ukraine ont bon(s) dos. Tout cela ne date pas d’hier.
L’exemple vient d’en haut !
La politique doit d’urgence retrouver son essence première afin de servir avec noblesse et justesse, le tout dans l’intérêt général et le plus grand respect des missions de service public qui lui sont conférées. Selon le Larousse, « Platon, dans les deux dialogues où il se préoccupe de l'essence de la politique, la République et le Politique, présente une conception de la politique où la cité juste est une totalité organisée, soumise à l'autorité d'un roi philosophe, détenteur du pouvoir parce qu'il est détenteur du savoir. Mais Aristote reproche à cette théorie de trop privilégier l'unité de la cité et d'oublier que celle-ci doit être une multiplicité, de la même façon qu'il faut plusieurs notes, et non une seule, pour écrire de la musique ». Le Robert présente un homme politique comme « celui qui sait gouverner autrui ».
Il y aurait bien sûr matière à écrire beaucoup plus sur le sujet tant il peut être clivant et surtout immensément complexe. Toujours est-il que lorsque depuis de nombreuses années, d’éminents spécialistes qui ne sont malheureusement quasiment jamais appelés à s’exprimer en public dénoncent certaines dérives ou prévoient même avec une anticipation déconcertante les travers dans lesquels la société est en train de plonger, personne ne les entend, personne ne les écoute...
Alors pour obtenir un changement de paradigme et ainsi déclencher une évolution positive de nos sociétés dans un cercle enfin vertueux, des choix politiques doivent être réalisés et assumés, quels que soient les domaines ou les secteurs concernés. Les orientations sociétales peuvent être influencées par les désirs d’un peuple, c’est évident, mais c’est au politique que revient le choix final en laissant de côté les considérations personnelles pour se concentrer sur une démarche collective de cohésion et non sur la satisfaction individuelle de petits pouvoirs. Pour le moment, on peut seulement se consoler d’une prise de conscience collective mais les orientations choisies ne sont que trop rarement à la hauteur des enjeux et des défis à relever.
Il est clair que dans un tel contexte, il convient donc de trouver un savant équilibre entre le lâcher prise (indispensable à la recherche d’un certain bien-être psychique vital) et la poursuite de luttes pour imposer des revendications louables, justifiées et par ailleurs primordiales à l’évolution vertueuse de nos sociétés.
« On ne suit pas toujours ses aïeux ni son père : le peu de soin, le temps, tout fait qu’on dégénère ; Faute de cultiver la nature et ses dons, Ô combien de Césars deviendront Laridons ! » Jean de La Fontaine.
# Résolution n°3 : vers toujours plus de curiosité, d’analyse(s) et de réflexion(s)...
Tout d’abord, vu l’ampleur des dysfonctionnements constatés, il convient de choisir ses batailles.
À l’évidence, il serait incontournable de nous rassembler pour lutter ensemble, faire entendre une autre musique (sans mauvais jeu de mots) mais les sirènes médiatiques illuminant de nouveaux génies qui n’ont souvent du génie que le nom, ne nous le permettent visiblement pas. Elles nous divisent toujours et encore, nous laissant croire que la vérité artistique est proportionnelle à la fréquence d’apparition dans les tabloïds et autres émissions TV. Ainsi nous perdons le sens des choses, celui des valeurs, celui des réflexions profondes, et je ne parle même pas là de spiritualité, tant cette notion semble être le cadet des soucis de notre civilisation. Et pourtant, le physique est intimement lié au psychique, le mécanique au cérébral, le corps à l’esprit. Ne dit-on pas que l’estomac est notre deuxième cerveau ?
Il convient donc comme le disent si bien les philosophes antiques d’essayer de renouer avec une recherche de l’unification de l’être humain, celle du corps et de l'esprit. Aujourd’hui l’esprit n’est plus là. Il est devenu secondaire et surtout très souvent déconnecté de son enveloppe charnelle ce qui pousse l’homme à prendre des décisions, à faire des choix ou à véhiculer des idées qui ne sont absolument pas à la hauteur des attentes du moment. Esprit ? Esprit !? Esprit es-tu là ?
Il faut alors espérer que cette société du paraitre qui tend à faire passer quelque chose de banal pour exceptionnel refasse surface et où la sincérité reprenne le dessus qu’elle soit culturelle, artistique, politique, écologique, éducative ou sanitaire…
Ce n’est qu’une goutte d’eau dans un océan bien tourmenté mais espérons que beaucoup de gouttes d’eau se rejoignent pour permettre à nos enfants de vivre dans un monde plus sain.
Dans son livre La musique et la vie (Edition Buchet Chastel), Monique Deschaussées cite le célèbre pianiste et pédagogue Edwin Ficher en préambule : « l’art reflète la Vie sur un plan supérieur… Ainsi l’Art et la Vie ne sont pas choses séparées mais unies… » C’est sur cette base - à laquelle je persiste de croire - que nous devons fonder la société de demain. L’art nous rend curieux, sensible, créatif, riche, sain, solide. Il nous apporte du rêve, de l’espoir, nous questionne, nous ouvre les yeux, nous illumine, nous rassemble, nous rend plus fort… L’art pariétal préhistorique prouve - s’il en était toujours besoin - le lien étroit qui unit la vie et l'art. Ce dernier a permis à l’homme de réaliser des exploits ou prouesses que personne ne conteste aujourd’hui, les pyramides d’Égypte, le Colisée de Rome, le Taj Mahal, la cité jordanienne de Pétra ou encore le Machu Picchu, le Louvre, le Château de Versailles, la Sagrada Familia pour n’en donner qu’un infime aperçu…
Tout cela est ART, CULTURE, et patrimoine UNIVERSEL !
L’art a permis l’éclosion d’authentiques et reconnus génies dans tous les domaines – les véritables : Antonio Gaudi, Léonard de Vinci, Ludwig Van Beethoven, Pablo Picasso, Paul Cézanne, Auguste Rodin, Robert Doisneau, Le Corbusier, Victor Hugo, Louis Aragon, William Shakespeare, Marie-Claude Pietragalla, Simone de Beauvoir, Camille Claudel, Simone Signoret, Françoise Sagan, Jacqueline du Pré et tant d’autres… Notre époque permet-elle l’émergence de telles personnalités ? Au regard du constat évoqué plus haut, on peut en douter ou du moins rester perplexe tant le talent, le travail et les valeurs ne sont plus soutenus et valorisés. Il nous appartient donc de prouver le contraire en nous concentrant sur la jeunesse, et donc, en éduquant, conseillant, guidant sur les chemins de la connaissance et du savoir dans un esprit de bienveillance, avec philosophie et pédagogie. Nous devons nous inonder des plus belles ondes positives, tenter les plus belles idées et suivre les plus belles initiatives.
Que répondre à une enfant de 8 ans qui vous dit : « mais s’il n’y avait plus de frontières, les hommes ne se feraient plus la guerre ? »... C’est sûr, le monde pourrait être tellement plus beau avec plus de sincérité et beaucoup moins de mauvaise foi. Pour autant, les hommes ne se battaient-ils déjà pas pour inventer toujours plus de frontières lorsqu'il n'y en avait pas !?
Il faut donc partir en quête du beau dans cette société qui perd la boussole. Alors, on peut inviter la population à accepter une 60ème dose de vaccin à grand renfort de communiqués mais est-ce que l’hôpital sera en meilleure forme pour autant ? Pas certain... La situation a-t-elle réellement évolué depuis plus de deux années de pandémie ? On peut couper le wifi, manger à la bougie, dormir avec des bouillottes, envoyer des messages par pigeons voyageurs, se déplacer en ballon dirigeable ou en cerf-volant 3.0… mais dans ce cas arrêtons de gaspiller le textile, le papier, les emballages ; arrêtons de surproduire, de jeter pour acheter toujours plus, réparons, réutilisons, réinventons, réfléchissons à des solutions pérennes, pour une société juste, équilibrée et respectueuse ! Mais l’exemple vient d’en haut ! (Ding)
Au fait, Issac Newton formule en 1687 sa loi de gravitation universelle, assis sous un pommier et recevant un fruit sur sa tête ! Mais finalement, malgré la découverte de cette loi de la gravité, il semble que nous prenions malheureusement toujours les plus importants sujets à la légère ! Alors gardons à l’esprit, comme le précisait Albert Camus, que « la musique est l’expression parfaite d’un monde idéal qui s’exprimerait à nous par le moyen de l’harmonie ». (Dong)
Sébastien Authemayou
Bandonéoniste,
Compositeur, arrangeur,
Membre de la SACEM
Professeur d'Enseignement Artistique
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Note : pour en savoir plus, vous trouverez ci-dessous les sources principales d'après lesquelles cet article a été réalisé :
FRANCE INFO
LES ECHOS
FRANCE INTER
Jean-Marc JANCOVICI et Christophe BLAIN
• « Le monde sans fin » (Dargaud)
• https://youtu.be/FMGb4Wb0gO0?list=UUNovJemYKcdKt7PDdptJZfQ
Yuval Noah HARARI, David VANDERMEULEN, Daniel CASANAVE
• « Sapiens, la naissance de l’humanité » et « Les piliers de la civilisation » (Albin Michel)
• https://www.ynharari.com/fr/
Monique DESCHAUSSÉES
• « La musique et la vie » (Buchet/Chastel)
• « Musique et spiritualité » (Dervy)
PLATON
« Apologie de Socrate », « Criton » et « Euthyphron » (Librio)
SENEQUE
• « De la vie heureuse », « De la tranquillité de l’âme » (Librio)
• « Le temps à soi » (Rivages poche petite bibliothèque)
Boris CYRULNIK
Boris CYRULNIK et Edgard MORIN
• « Dialogue sur notre nature humaine » (Marabout)
• https://www.philomag.com/articles/boris-cyrulnik-edgar-morin-dialogue-sur-notre-nature-humaine
LE FIGARO
CAPITAL
CHARLES DE GAULLE
• https://www.up-tex.fr/salaire-retraite-presidents/
• https://enseigner.charles-de-gaulle.org/memoires-de-guerre-du-general-de-gaulle/
• https://hitek.fr/bonasavoir/general-gaulle-retraite_147
• http://palimpsestes.fr/textes_divers/g/degaulle/memoires2.pdf
DIVERS LAROUSSE ET DICTIONNAIRES
• https://dictionnaire.orthodidacte.com/article/etymologie-politique
• http://kotsanas.com/fr/exh.php?exhibit=1202003
• Jean de La Fontaine, Fables de La Fontaine, L'Éducation, texte établi par Jean-Pierre Collinet, Fables, contes et nouvelles, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 1991, p. 335
• https://dictionnaire.lerobert.com/definition/sophisme
• https://dictionnaire.lerobert.com/definition/politique
LE MONDE
LA DEPECHE
LE POINT
BANQUE DES TERRITOIRES
MINISTERE DE LA CULTURE
https://www.culture.gouv.fr/Media/Missions/Rapport-Lockwood.pdf
COURRIER INTERNATIONAL
https://www.courrierinternational.com/magazine/2019/69-hors-serie
GALLICA BNF
https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k9613538n/f20.item.texteImage
INA
• https://www.instagram.com/reel/Cm9hDMBooIq/?igshid=MDJmNzVkMjYD
• https://www.youtube.com/watch?v=tPjHLRYZiHM
Crédit photo : Pixabay / Droits Réservés
| TEMPS DE LECTURE - 4 minutes
Besoin de parler ? Besoin de partager ? Besoin d'échanger sur l'état des lieux d'un secteur culturel déjà mis à mal par la pandémie et dont les crises géopolitiques et sociétales que nous vivons en ce moment ne font qu'affaiblir chaque jour un peu plus son essentialité ? Besoin de communiquer sur la réalité du terrain ?
Il y a sans doute un peu de tout cela dans le désir d'écrire quelques réflexions, idées, questionnements, mots (ou maux) qui occupent nos esprits de musiciens, artistes, enseignants, pédagogues et fervents défenseurs d'une idée artistique pourtant semble-t-il partagée par beaucoup, celle d'un art considéré comme pilier absolument fondamental de nos sociétés.
Car malgré la surmédiatisation de certains artistes laissant penser à une reprise des activités culturelles et à un engouement artistique retrouvé, les voyants sont plutôt au rouge qu'au vert. Tout dépend bien entendu aussi de ce que l'on nomme culture et art.
Cette année encore, la fréquentation des festivals reste très chaotique, très hétérogène sur le territoire, en moyenne plutôt très en baisse, exception faite de certains événements « mastodontes » dont les budgets alloués à la communication sont tellement stratosphériques qu'ils affichent évidemment « complet » (heureusement), ce qui ne gage pas en revanche toujours d'une correcte rémunération pour les artistes qui s'y produisent…
Alors à la phrase désormais entendue quotidiennement « vous devez être contents, les concerts reprennent », il faut souvent faire preuve de persévérance, de foi et de beaucoup de pédagogie pour y répondre. En fait, cela dépend où et surtout de qui nous parlons. Car nous assistons toujours et encore à l'uniformisation d'une pensée culturelle massive et normée qui ne laisse malheureusement pas la place à tous les courants artistiques. C'est la culture du « buzz », de l'image provocante, du paraître, du vernis, des paillettes, de la photo ou des paroles qui choquent, de la couverture de disque qui interpelle, du titre « bancable »... Pour résumer très simplement, le contenant était déjà depuis longtemps devenu plus important que son contenu, mais à présent, aussi vendeur soit l'emballage, sa coquille est souvent vidée de sa substantifique moelle.
Par ailleurs, l'accès aux principales scènes nationales est aujourd'hui réservé à une très petite minorité d'artistes triés sur le volet. Seuls les projets « vus à la TV » paraissent dignes d'être soutenus et programmés, avec des budgets souvent tellement démesurés qu'ils permettraient à eux seuls de faire vivre plusieurs centaines d'artistes ou d'organiser des dizaines de concerts avec la même enveloppe budgétaire. Les sommes allant jusqu'à six chiffres pour des artistes ayant participé à un radio crochet TV alors que les autres se battent dans le même temps pour récolter dans le meilleur des cas un minimum syndical à trois chiffres, et encore - ne vous méprenez pas - plus proche de 100 que de 999.
En ce qui concerne les programmations de plus petite taille, l'équation est quasiment insoluble pour elles, entre baisse des dotations - certaines salles fonctionnant essentiellement sur des fonds propres, sans subventions ni aides - surcoûts liés aux différentes contraintes économiques actuelles, difficultés de report des concerts annulés à plusieurs reprises pendant les deux dernières années, propositions surabondantes de projets rendant leur sélection de plus en plus complexe à effectuer...
Et l'on peut ajouter aussi à ce cocktail déjà explosif, un public qui peine à se déplacer car les confinements successifs ont mis à mal nos habitudes, ouvrant la voie royale à une culture digitale, à distance, depuis chez soi, sans contraintes ou presque, et très souvent gratuite.
Le monde ne tourne vraiment plus très rond...
Toutefois, tentons quand même de nous rassurer : il subsiste encore bien évidemment des exceptions à tout cela, de belles rencontres, de beaux projets enthousiasmants, des collaborations riches et passionnantes... C'est alors que l'on se rend encore plus compte que rien ne vaut l'échange in situ, rien ne vaut le lien méticuleusement tissé entre artistes et public, cette sincérité inestimable, ce lien social indispensable à nos vies.
Sortons tous azimuts : concerts, musées, expositions, salons littéraires, théâtres, cirques, opéras, ballets, spectacles, bibliothèques, médiathèques, librairies, regardons autour de nous, émerveillons-nous des plus belles architectures et monuments de notre patrimoine...
Évadons-nous, découvrons, apprenons, échangeons, transmettons, éduquons les esprits critiques de demain, sensibilisons-les, imaginons ensemble, et surtout, tâchons de rester vifs, curieux et créatifs pour réussir le défi de redonner à l'ART la place qu'il mérite.
Picasso ne disait-il pas « l'art lave notre âme de la poussière du quotidien ».
Et ce n'est pas rien.
Sébastien Authemayou
Bandonéoniste,
Compositeur, arrangeur,
Membre de la SACEM,
Professeur d'Enseignement Artistique
Alors n'hésitez pas à nous faire partager vos points de vue, vos regards, vos analyses via le formulaire de contact de ce site !
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Note : pour en savoir plus, vous trouverez ci-dessous une liste non exhaustive de liens et articles consacrés à l’état des lieux du secteur culturel français, analyses venant étayer le point de vue partagé dans mon article. Certains articles répertoriés dans cette note ont été rédigés il y a déjà quelques mois, d’autres sont plus récents, certains proviennent de sources gouvernementales, d’autres d’associations qui partagent leurs expertises et analyses du terrain, certains accessibles directement depuis différents sites de presse ou journaux.
Le Petit Carnet des Éditions Parole
ARTIS Bourgogne Franche Comté
https://www.artis-bfc.fr/vos-ressources/les-impacts-de-la-crise-sanitaire-sur-le-secteur-culturel
ARTCENA
LE FIGARO
LE MONDE
La Gazette des Communes
https://www.lagazettedescommunes.com/688248/scenarios-noirs-pour-la-culture-jusquen-2021-2022/
Conseil d’Analyse Économique
https://www.cae-eco.fr/staticfiles/pdf/CAE070_Culture.pdf
L’ADN
L’Avant-Garde
https://www.lavantgarde.fr/entre-bilan-et-remise-en-question-le-secteur-culturel-en-difficulte/
Ministère de la Culture
Association Intercommunalités de France
https://www.adcf.org/contenu-article?num_article=6481&num_thematique=3
Libération
Banque des Territoires
Atelier Parisien d’Urbanisme
Crédit photo : Pixabay / Droits Réservés
| TEMPS DE LECTURE - 4 minutes
Comme une bouteille à la mer, voici quelques mots pour faire suite à l’article que j’avais signé il y a plus de dix-huit mois pour le petit carnet hors série "On décide quoi pour demain ?" des Éditions Parole…
Aujourd’hui, la massification culturelle fait légion. Nous assistons pour l’heure au développement toujours plus exponentiel d’une « fast culture » qu’il est possible de consommer à des prix toujours plus dérisoires, depuis son canapé, et que l’on choisit de mettre au rebut aussi vite qu’un éclair. De nombreuses campagnes publicitaires ciblent depuis des années la « malbouffe » mais il pourrait en être de même pour de nombreux domaines et en particulier celui de la culture. Aujourd’hui, l’effort, le travail minutieux, les recherches poussées et étayées ne sont pas récompensés. Seule l’immédiateté compte, peu importe la qualité du contenu pourvu que l’emballage soit beau, bien présenté et vendeur… un monde qui verse toujours plus dans l’illusion et le paraître, dans la forme et non le fond.
On fait croire ou on soutient l’idée depuis trop longtemps que se cultiver, être curieux, apprendre ne sont que des efforts à fournir. Mais il en va de la construction mentale de chacun de nous, de notre épanouissement personnel mais aussi du developpement de notre relation à l’autre et donc de la stabilité du « vivre ensemble ».
Le célèbre neuropsychiatre Boris Cyrulnik assimile la période que nous traversons tous à une catastrophe et précise : « il y aura forcément, à l’issue de cette période, un conflit entre ceux qui voudront en revenir à l’ancien mode de vie - car ils en étaient les gagnants - et ceux qui voudront en changer. » Différents chemins vont pour autant s’offrir à nous à l’issue de cette pandémie. Comme il le dit avec beaucoup de justesse, si le monde d’après ressemble à s’y méprendre au monde d’avant, les enjeux majeurs de nos sociétés ne pourront absolument pas être appréhendés. On voit d’ailleurs malheureusement déjà, que différents réseaux - occultes ou non - s’affairent pour maintenir le plus possible les bases de fonctionnement « du monde d’avant », privilégiant « la sécurité immédiate d’un entre soi » à une réflexion d’ouverture philosophique et sociétale. C’est le monde du « sauve qui peut », celui du « chacun sa route », modèle qui existe déjà depuis de nombreuses années mais qui semble-t-il trouve son paroxysme dans la crise que nous vivons.
Les gouvernements, dirigeants ne devraient pas traiter les problèmes au jour le jour mais devraient faire preuve d’une capacité d’anticipation accrue pour prévenir les crises, à la manière d’un médecin qui ne va pas seulement chercher à « soigner » un patient lorsqu’il est en détresse mais qui va aussi tout mettre en œuvre pour que ce même patient ne développe pas de pathologies plus graves. Comme le dit également Boris Cyrulnik, d’après ses nombreuses recherches, nous savons par exemple maintenant que les fonds investis dans la petite enfance permettent aux plus jeunes en difficultés psychologiques, sociales ou familiales de ne pas développer de troubles irréversibles qui seraient par la suite beaucoup plus coûteux à traiter. On pourrait appliquer ce raisonnement à tellement de domaines et en conséquence assainir notre modèle économique et social. S’appuyant sur des recherches précises et sur des comptes rendus d’imagerie médicale, Boris Cyrulnik nous alerte aussi sur les atrophies réelles et vérifiées de certaines zones du cortex cérébral provoquées par le manque d’interactions sociales, par l’isolement, par le manque de repères rassurants et constructifs, et une fermeture au monde qui nous entoure, à ses richesses.
Nos sociétés semblent alors s’enliser par manque d’anticipation, peut-être aussi par un déni structurel : le virus ne devait-il pas rester en Chine initialement ? l’hypothèse probable d’une pandémie n’est-elle finalement pas annoncée depuis longtemps en raison de notre mode de vie ? Notre civilisation se construit ainsi dans une immédiateté chronique qui entraine forcément des directives incompréhensibles et inadaptées, toujours basées sur des calculs financiers à court terme et non sur un modèle de société durable, serein et apaisé : crise hospitalière, crise éducative, crise culturelle, crise sociale…
Il faut donc absolument retrouver la raison, la foi en la réflexion, en l’esprit critique, car à l’inverse de simples machines, nous sommes quand même dotés de capacités intellectuelles qui nous ont permis de développer, pérenniser et faire fructifier de nombreuses richesses au fil des siècles. Sachons donc être à la hauteur de nos illustres ancêtres, de tous continents, de toutes confessions, de toutes couleurs, pour laisser à nos enfants une civilisation où apprendre et réfléchir ne sont pas des gros mots.
Les mots d’Albert Einstein résonnent alors toujours avec force et bon sens : « On ne résout pas les problèmes avec les modes de pensée qui les ont engendrés. »
Sébastien Authemayou
Bandonéoniste,
Compositeur, arrangeur,
Membre de la SACEM,
Professeur d'Enseignement Artistique
Crédit photo : Editions Parole / Droits Réservés
| TEMPS DE LECTURE - 21 minutes
On décide quoi pour demain ?
Éducation, pédagogie, curiosité, l'indispensable trio pour une société heureuse, créative et ambitieuse.
Regarder la « vérité sous la grande lumière du soleil ».
C'est une évidence. L'épreuve collective que nous traversons nous oblige à repenser les fondements de la société dans laquelle nous évoluons, nous rappelant d'ailleurs à chaque instant que nous sommes tous de petits êtres fragiles, acteurs et responsables d'un écosystème que nous nous devons de protéger, pour nous-mêmes mais surtout pour les générations futures. Réchauffement climatique, pandémie, crises économiques, pollutions diverses, désorganisations systémiques sont autant d'indicateurs qui doivent absolument nous alarmer et nous faire réagir, quel que soit notre domaine d'intervention, nos compétences, notre spécialité, notre pays ou notre continent. Nous le constatons chaque jour. Comme me l'évoquait récemment l'acteur, chanteur et écrivain Guy Marchand dans un entretien téléphonique : « Pourquoi sommes-nous sur terre ? » sinon pour y vivre notre passage dans les meilleures conditions en essayant de développer collectivement un cercle vertueux. Et pour cela, pourquoi ne pas sortir de nos ornières pour regarder d'un peu plus près la nature ? Notre nature. Notre bien collectif. Intéressons-nous juste un instant aux abeilles. Elles se coordonnent et fonctionnent sur la base d'une société qui échange ses compétences et ses services. Et c’est parce qu’elles sont capables de communiquer entre elles que les abeilles parviennent à vivre en véritables sociétés organisées. Là réside donc l'élément peut-être à l'origine de tous les dysfonctionnements que nous traversons aujourd'hui dans nos sociétés : la communication. Et en élargissant un peu plus loin la réflexion, il s'agit d'ouvrir nos yeux pour accepter de discerner un mal-être beaucoup plus général, structurel et profond : celui qui affecte simultanément la pédagogie, l'éducation et bien sûr la culture.
Certaines pratiques sont aujourd'hui insoutenables. Notre société est littéralement asphyxiée par un manque cruel de créativité, de réflexion, et la perte de nombreuses valeurs qui pourtant sont fondatrices d'un épanouissement personnel et collectif : l'écoute, le partage, le dialogue, la persévérance, la bienveillance, le don de soi, l'honnêteté, la rigueur, la reconnaissance, l'éducation à la satisfaction que procure l'effort accompli et la récompense qui en découle... Grâce à elles, chacun peut trouver sa place, progresser, à son rythme, en valorisant ses aptitudes et en transformant d'éventuels échecs en force créatrice. C'est la base de la pédagogie. Il doit en être de même pour une société, pour que celle-ci soit productive, heureuse, dynamique et efficace. C'est alors que deux regards s'affrontent. Dans son ouvrage Rousseau Juge de Jean-Jacques, Jean-Jacques Rousseau disait : « La nature a fait l'homme heureux et bon, mais [...] la société le déprave et le rend misérable ». Préférons alors la vision d'Émile Zola qui en 1871 écrivait : « Une société n'est forte que lorsqu'elle met la vérité sous la grande lumière du soleil ».
Une fracture culturelle incontestable.
Dans notre milieu de l'art, de la culture et plus précisément de la musique, le marketing a comme dans de nombreux autres domaines fait des ravages. Le vrai, le beau, le poétique, le créatif disparaissent toujours un peu plus au bénéfice du standardisé, du formaté, d'un certain "prêt-à-écouter" qui inonde nos vies. Les diverses plateformes en ligne proposent une quantité infinie de musique quasiment gratuite, nous laissant croire que parce que nous avons accès à tout, nous serons plus heureux car nous saurons tout sur tout. Mais la connaissance vient avec la patience. Ce n'est pas parce que l'on a accès à toutes les intégrales de la musique de Bach ou de Mozart que l'on comprend forcément leur discours. Comme beaucoup de choses, la culture se mérite. Un minimum d'effort doit être consenti pour obtenir un résultat probant. Il faut arrêter de croire que parce que l’on a accès à tout, on intègre toutes ces informations et on les digère. Il faut que notre cerveau puisse ordonner, classer, ranger pour mieux mémoriser, et ce, tel que nous le faisons pour l’apprentissage d’une nouvelle œuvre musicale par exemple. Pour cela il faut prendre le temps d'analyser, prendre le temps de comparer, de se questionner. Autrement, la superficialité prend le pas sur l'authentique : course au “j'aime” sur les différents réseaux sociaux pour une “reconnaissance digitale”, diffusions de fichiers musicaux ultra compressés dépouillés de la plus grande partie du spectre sonore pouvant procurer chez celui qui l'écoute toute une palette émotionnelle, mauvaise adaptation de l'industrie du disque au virage digital favorisant toujours plus la domination d'une poignée de multinationales aseptisées aux règles dictées par les lois de la mondialisation et du marketing...
Aujourd'hui, un artiste, pour qu'il puisse survivre, a les mêmes contraintes qu'un chef d'une petite entreprise. Le travail artistique ne représente réellement que quinze à vingt pour cent maximum des nombreuses heures passées à démarcher, communiquer, se faire connaître, administrer sa structure, et trouver des solutions pour exister sur la toile grâce à des mécanismes toujours plus artisanaux et inventifs, parfois pervers et contre-productifs.
L'industrie du disque refuse-t-elle de voir la vérité en face ?
Par ailleurs, il est triste de constater que l'industrie du disque ne réussit pas sa mutation. Les anciennes règles du jeu continuent à vouloir être appliquées dans un nouveau modèle qui ne peut absolument pas prétendre fonctionner sur les mêmes bases. Aujourd'hui, l'écrasante majorité des artistes présents sur les différentes plateformes ne sont quasiment pas rémunérés de leur travail. Pourtant, si autant de musique est disponible en ligne pour des abonnements mensuels très modérés, c'est bien grâce aux artistes et au fruit de leur labeur. Mais nous le savons. Dans leur domaine, les producteurs locaux et les agriculteurs produisent aussi à des prix qui ne leur permettent plus de survivre alors que dans le même temps, l'industrie agroalimentaire s'enrichit de manière exponentielle. La mondialisation de l'économie affole constamment tous les indicateurs. Les prix ne veulent quasiment plus rien dire. Rendez-vous compte : pour produire un disque - et je parle d'une petite production - il faut en moyenne prévoir un budget entre 15 000 et 20 000€ pour couvrir les frais incompressibles permettant de donner vie au projet. Pourtant, à l'issue des concerts, les ventes sont de moins en moins importantes car les albums sont disponibles sur les plateformes de streaming et l'intérêt d'acheter un disque en devient de plus en plus réduit. Les lecteurs de disques ne se fabriquent presque plus, les voitures n'en sont plus équipées. Le disque est toutefois indispensable pour des besoins de démarchages et de promotion. Il se transforme alors en une carte de visite dont la rentabilité est tellement dissuasive qu'elle tue l'œuf dans sa coquille. Alors pourquoi ne pas utiliser les nombreux atouts du numérique, mais avec intelligence et équité, en repensant les modèles économiques et les répartitions avec beaucoup plus de justesse ? Il existe aujourd'hui des ingénieurs suffisamment qualifiés, brillants et compétents pour proposer aux plateformes une meilleure répartition des droits perçus. C'est une simple question de choix, de stratégie, d'orientation et de volonté. L'appel est donc lancé. Il est insoutenable de laisser le maillon le plus créatif de la chaîne aux abois. Il faut le soutenir et l'encourager.
Les valeurs intrinsèques des arts me semblent donc profondément incompatibles avec la course contre la montre imposée par nos sociétés depuis des années. Il en découle alors un appauvrissement qualitatif indéniable. Un retour aux sources est indispensable pour que nous puissions redevenir maîtres de notre réalité. Et à ce titre, la télé-réalité porte bien mal son nom. Au-delà du divertissement et de l'évasion qu'elle peut sans doute procurer, ne nous fait-elle par perdre pied avec le chemin de nos vies ? Là encore, il s'agit d'un puissant leurre que nous avons créé de toute pièce. Ne pouvons-nous pas nous évader autant en écoutant une symphonie, un concerto, en lisant un livre, un poème, une pièce de théâtre, en regardant un chef d'œuvre du cinéma, un tableau, une photo, une sculpture, une magnifique architecture ? L'art ne doit-il pas permettre de révéler ce que l'homme a de meilleur ?
On avance souvent le prix de l'accès à la culture. Cet argument est-il vraiment recevable dans notre pays ? Est-il nécessaire de comparer ici le prix d'un concert dans une saison culturelle municipale, l'inscription dans une bibliothèque ou une école de musique avec un abonnement à une saison de Ligue 1 de football ou à des concerts des stars de la musique pop ou de variété ? On avance aussi le coût de la culture. Sur le plan économique, c'est tout d'abord une hérésie car le PIB de l'ensemble du secteur culturel crée autant de richesse que la filière agroalimentaire et sept fois plus que l'industrie automobile. Le débat n'est pas là car nous voyons bien qu'avec la crise sanitaire que nous traversons, les secteurs où l'investissement économique national doit être effectué sans compter pour le bien-être des générations futures sont ceux qui ont été délaissés depuis plusieurs années : la santé, la recherche, les sciences, mais aussi l'éducation et la culture. Notre pays bénéficie à ce jour d'un tissu culturel important et magistralement insufflé par André Malraux alors nommé par Charles de Gaulle, Ministre d'État chargé des Affaires culturelles. Rendez-vous compte ! Ministre d'État ! Mais nous étions en 1959 et Malraux définissait sa mission de la sorte : « rendre accessibles les œuvres capitales de l’humanité, et d’abord de la France, au plus grand nombre possible de Français, d'assurer la plus vaste audience à notre patrimoine culturel et de favoriser la création de l'art et de l'esprit qui l'enrichissent ». Un peu plus tôt, lorsqu'on lui proposa de réduire le budget de la culture pour aider l'effort de guerre, Winston Churchill n'a-t-il pas répondu : « Mais alors, pourquoi nous battons-nous ? ».
Alors que s'est-il passé ?
Après tous ces questionnements et ces constats, arrive ainsi le moment où l'on a l'impression de se retrouver face à une montagne infranchissable. Pourquoi avons-nous autant perdu les repères et les piliers fondamentaux qui font la richesse de l'humanité ?
Finalement, l'accès à la culture n'a jamais été aussi aisé. On se connecte à la toile et en deux ou trois clics on peut visiter un musée, écouter un concert, regarder un film, visiter une exposition, lire un livre... Mais c'est un leurre... Je crois que les mots du Docteur José Antonio Abreu, pianiste, éducateur, économiste vénézuélien, fondateur du dispositif El Sistema, prix Nobel alternatif en 2002, trouvent aujourd'hui toutes leurs résonances : « Souvent, dans les pays plus avancés, l’excès d’abondance peut produire une sorte d’ennui, de lassitude. La vie perd son sens, son intérêt. (…) La surabondance peut souvent être aussi terrible que la plus extrême pauvreté. (…) Pour moi, la racine du problème social réside dans l’exclusion. Dans le monde, on voit partout que l’explosion de tel ou tel problème social est dû à telle ou telle forme d’exclusion. Alors il faut lutter pour inclure le plus de gens possible, tous, si on peut dans ce magnifique univers : celui de la musique, de l’orchestre, du chant et de l’art. » Et il rajoute : « La musique sublime et développe l'esprit humain ». Comme je l'écrivais plus haut, la surconsommation n'est donc pas synonyme de l'appropriation culturelle. Il faut changer les modes opératoires, les canaux de réflexions, pour que la curiosité sincère retrouve une place centrale dans nos vies. C'est à mon sens l'un des principaux déclencheurs d'un prochain changement. Happés par un déferlement d'informations qui nous empêchent de réfléchir, nous avons perdu la curiosité. La lenteur, la beauté, la poésie ne vont pas avec l’acharnement compulsif de certains à publier toujours plus de vidéos quotidiennement sur internet. À force, les gens n’apprécient plus. Il y a overdose d'informations et cela devient une nouvelle fois contre-productif.
Nous ne sommes pas plus heureux pour cela et nous ne rêvons plus. Alors comme l'écrivait Jacques Brel dans ses vœux du 1er janvier 1968, « Souhaitons-nous des rêves à n'en plus finir et l'envie furieuse d'en réaliser quelques-uns ». « Je vous souhaite d’aimer ce qu’il faut aimer et d’oublier ce qu’il faut oublier. Je vous souhaite des passions, je vous souhaite des silences. Je vous souhaite des chants d’oiseaux au réveil et des rires d’enfants. Je vous souhaite de respecter les différences des autres, parce que le mérite et la valeur de chacun sont souvent à découvrir. Je vous souhaite de résister à l’enlisement, à l’indifférence et aux vertus négatives de notre époque. Je vous souhaite enfin de ne jamais renoncer à la recherche, à l’aventure, à la vie, à l’amour, car la vie est une magnifique aventure et nul de raisonnable ne doit y renoncer sans livrer une rude bataille. Je vous souhaite surtout d’être vous, fier de l’être et heureux, car le bonheur est notre destin véritable ».
Vers quoi souhaitons-nous réellement aller ?
Brel nous indique en quelques lignes que le rêve, la curiosité, la créativité, l'émerveillement, les passions, sont à l'origine du bonheur. Ces notions doivent absolument être centrales. C'est là que la notion de pédagogie prend tout son sens. D'ailleurs, est-elle vraiment éloignée de ce que l'on appelle aujourd'hui vulgairement la “communication” ? Sur certains points, les deux termes trouvent bien sûr de nombreuses similitudes. Pour transmettre un art, il faut communiquer et donc savoir s'exprimer pour faire passer un message. Évidemment, il faut bien avouer que tout cela ne s'apprend pas seulement dans des livres mais se pratique sur le terrain. La pédagogie n'est pas une discipline statique, figée et non évolutive. Bien au contraire. Elle doit constamment se réinventer pour s'adapter au mieux au profil de chacun, dans le but, comme le soulignait Einstein, de donner une « personnalité harmonieuse » aux apprenants. L'autre principe fondateur de la pédagogie dans notre domaine musical - mais il est applicable à bien d'autres - c'est la triangularité de la relation : il y a généralement un parent, un enfant et un professeur. Les trois acteurs doivent communiquer et s'investir à parts égales pour que le résultat de cette collaboration sincère soit le plus efficace possible et adapté à l'élève. Il faut donc que le professeur ait vraiment envie de transmettre, que l'enfant ait vraiment envie d'apprendre et que le parent ait vraiment envie de l'accompagner. C'est la seule condition à la mise en place d'une dynamique positive et à la création d'un cercle vertueux qui à lui seul peut soulever des montagnes. Churchill ne disait-il pas très justement : « On vit de ce que l'on obtient. On construit sa vie sur ce que l'on donne ».
Si nous nous replaçons dans le contexte de la crise sanitaire que nous traversons, nous nous rendons bien compte qu'il y a eu de nombreux dysfonctionnements passés dans la relation triangulaire entre l'État, les services hospitaliers et les patients. Ces dysfonctionnements sont à peu de choses similaires dans d'autres secteurs comme l'éducation nationale ou la culture. Nous devons en tant qu'artistes et pédagogues déployer tous les efforts possibles pour transmettre notre art avec la plus grande passion et sincérité, ainsi l'élève se sentira reconnu, encouragé, soutenu et le parent capable de grimper la montagne avec nous. Et pour cela, quoi de mieux qu'une pédagogie collective ? Apprendre la musique dans un ensemble instrumental, un petit orchestre, une petite formation ? C'était le pari du Dr José Antonio Abreu au Venezuela et on peut dire qu'il a été remporté haut la main. L'élève se sent alors considéré au cœur même d'un projet commun porteur de satisfaction auprès des parents, du public et des institutions. La boucle est bouclée.
Chaque acteur d'un dispositif doit donc prendre sa part. L'État doit absolument mesurer tout l'enjeu et l'importance d'un investissement culturel mais au-delà pédagogique et éducatif afin d'insuffler une dynamique créative chez les prochaines générations. Le monde politique est aujourd'hui beaucoup trop morcelé par un calendrier électoral toujours plus complexe qui ne permet pas d'obtenir une visibilité à moyen et long terme. Mais avant ces contraintes temporelles et organisationnelles, il s'agit surtout d'une question de volonté. D'un choix. Le monde de la culture est très inventif. C'est vrai. Mais ce n'est pas le seul. Il peut se réinventer, trouver des solutions pour changer, avancer, évoluer. Mais cela ne sera envisageable que dans cette fameuse relation triangulaire entre l'État, le milieu culturel artistique éducatif et les usagers. Pour réussir les mutations inévitables de notre société, il faut assurément être beaucoup plus volontariste. Il faut être beaucoup plus volontariste et je ne résiste pas à citer une nouvelle fois Churchill, homme d'État respecté mais également Prix Nobel de littérature : « Plus vous saurez regarder loin dans le passé, plus vous verrez loin dans le futur ».
Que pouvons-nous faire ?
Bien sûr certains dispositifs existent déjà mais ne sont pas suffisamment généralisés. Nous devons éduquer, passionner, faire rêver le public ou nos élèves. Il faut donc allumer en eux le plus d'étincelles possibles. Les salles de concerts manquent cruellement de jeunes générations car tout le système les pousse à croire que la musique classique ou bien plus largement tout ce qui n'est pas diffusé à la télévision à heure de grande écoute n'est pas fait pour eux. C'est faux. Il faut d'urgence que les responsables de saisons culturelles, les directeurs de théâtre subventionnés multiplient leurs interventions auprès des plus jeunes en les sensibilisant à la culture. Les jauges des plus grandes salles de spectacles ne sont pas toujours pleines. Avec l'expérience de gestion, un théâtre ou une salle de spectacle peut approximativement savoir combien de places vont rester inoccupées quelques jours avant les représentations. Il faut quelles soient redistribuées dans les écoles, collèges, lycées, à tour de rôle et selon les contraintes logistiques territoriales. C'est faisable et cela ne coûte presque rien. Tout au plus quelques échanges et réunions. Je parle ici de situations vécues et bien sûr des théâtres subventionnés qui perçoivent des financements publics. Une fois que le concert est programmé et que le budget prévisionnel est validé, si l'on se rend compte que le remplissage de la salle n'est pas à la hauteur de ce qui était escompté, plutôt que de faire jouer un artiste devant une salle à moitié pleine... Il y a urgence à sensibiliser d'autres publics. Je parle ici de situations vécues en tant que spectateur dans les plus grandes institutions. Il en va de même pour celles vécues en tant que musicien. Il nous arrive très souvent d'entendre que « toute la communication a été faite » mais que le public tarde à se manifester. Là encore, quelles solutions ? C'est malheureusement très souvent synonyme d'un angle d'approche perfectible, d'une mauvaise anticipation des calendriers mais surtout de cette fameuse relation triangulaire. Dans tous les lieux où nous nous sommes produits, lorsque la salle est pleine à craquer, c'est que le programmateur a su depuis des années établir une relation de confiance avec son public, en le fidélisant grâce à ses choix, ses audaces, et la curiosité avec laquelle il confectionne sa programmation. Le travail de l'artiste peut alors être valorisé et... la boucle est bouclée !
Une nouvelle fois, la passion du programmateur, l'engagement des artistes et la curiosité du public permettent alors de donner tous les ingrédients d'un moment culturel épanoui, positif et fructueux. Bien sûr la période que nous traversons ne permet pas encore de déployer ces dispositifs mais il faut pouvoir les anticiper pour qu'ils soient efficaces le moment venu. L'homme a su au fil des siècles se réinventer parce qu'il a formé et transmis aux jeunes générations ses compétences et son savoir. Nous allons donc réussir nous aussi. Mais une fois la prise de conscience faite, il faut se retrousser les manches et agir. C'est d'ailleurs tout le sens de l'incroyable et magnifique dynamique proposée par les Éditions Parole durant le confinement.
Du côté pédagogique, les conservatoires ou institutions de l'enseignement musical en France doivent absolument se réinventer pour optimiser leur réseau et pérenniser leurs actions. Une réflexion en ce sens a déjà été engagée par la Direction Générale de la Création Artistique et de nombreux débats ont eu lieu ou sont en cours. Nos établissements doivent pouvoir former l'élite artistique de demain tout en sensibilisant le plus grand nombre à l'Art. Là encore, ce n'est pas forcément un problème de tarification mais surtout un problème de communication, de choix et de positionnement. Les actions engagées auprès du public ne sont pas toujours visibles ou comprises, les programmes ou pédagogies utilisées pas systématiquement optimisées notamment auprès des plus jeunes. Il faut encore une fois tout mettre en œuvre pour amener les jeunes artistes musiciens en herbe à vivre une expérience positive et épanouissante de la musique par l'imprégnation, l'écoute, le partage. Aujourd'hui, nous avons trop tendance à fonctionner à l'envers sur le plan éducatif. Les données théoriques arrivent bien trop tôt chez les plus jeunes ne leur laissant pas le temps de s'immerger, de goûter, de déguster. Obnubilés par les objectifs à atteindre, les moyens pour y arriver ne sont pas toujours les bons faute de temps, faute de communication aussi. La pédagogie doit favoriser la découverte positive et l'expérience constructive. Les données théoriques doivent arriver dans un second temps. C'est une évidence. On parle souvent de la musique comme d'un langage universel. Lorsqu'un enfant apprend à parler, il le fait par mimétisme, parce qu'il écoute le chant de la langue maternelle. Il ne le fait pas parce qu'il connaît les règles grammaticales du passé du subjonctif. Cela ne lui sert à rien. Il en va de même pour l'initiation aux mathématiques, à la géométrie. Les japonais l'ont très bien compris, et depuis très longtemps avec leur méthode Suzuki. Pour l'apprentissage de la lecture, c'est la même chose. Un enfant aura envie de lire si la lecture a été valorisée par son entourage et non parce que l'on va lui dire “il faut que tu lises ce livre”. Mais dans tous les cas, il ne lira qu'après avoir appris à parler et non en même temps... C'est tout l'enjeu qui attend la refonte d'une pédagogie musicale toujours plus performante et adaptée aux enjeux de notre société. Il faut passionner, intéresser, rendre curieux.
Le déluge de données théoriques est là encore contre-productif mais pour vaincre cela, le système dans son ensemble doit être repensé, les cours réorganisés et les modalités aménagées. C'est l'une des seules conditions pour que l'enfant ait ensuite envie de découvrir de nouvelles choses : la curiosité. Et la boucle est bouclée !
Vers la musique du bonheur.
Le défi face auquel nous nous trouvons n'a peut-être que rarement été aussi grand, aussi vertigineux, mais ô combien essentiel et urgent. Ainsi, toutes les bonnes volontés doivent absolument être encouragées, soutenues et valorisées pour que dans un élan collectif nous puissions tous ensemble ressortir plus forts de la période que nous traversons.
« Il n'y a point de bonheur sans courage, ni de vertu sans combat » écrivait Jean-Jacques Rousseau. Essayons ensemble d'entrer dans un tourbillon positif qui fourmille d'idées et qui nous permettra assurément d'enclencher la musique du bonheur.
Sébastien Authemayou
Bandonéoniste,
Compositeur, arrangeur,
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| TEMPS DE DÉTENTE, RÉFLEXION, CUISSON OU LECTURE - 16 minutes
Selon un récent sondage IFOP.ADECCO.NEZ pour « Les Billets d’humeur(s) », il semblerait que la dialectique d’Henri SOUFFLET rencontre un certain succès auprès d’un public attentif et surtout curieux d’en connaître davantage sur les mystères de la musique et de l’art grâce au regard aiguisé de ce bandonéoniste adepte de la gamme pentacomique et apprenti écrivain.
Et oui, Henri nous interpelle, nous interroge. Jumelles au bout du nez, il scrute, fouille, classe, organise, froisse, colle, déchire, recolle, découpe l’actualité tonitruante et irrespirable, la vôtre, la nôtre, la sienne, avec pour seul dessein d’y voir un peu plus clair et de rêver un monde meilleur…
Tout un programme me direz-vous… D’autant qu’il n’est ni Superman, ni Batman ni le docteur Robert Bruce Banner - alias Hulk – quoique… Notre Henri est très souvent vert de rage et n’a jamais aussi bien porté son nom car ses méninges sont – comme le célèbre grain soufflé de la famille des Poacées - elles aussi soumises à une surchauffe sous haute pression * (voir notes en fin d’article pour les botanistes). Mais bon, avec des jumelles, on y voit sans doute quand même un peu mieux !
MARDI 12 NOVEMBRE 2024. HUIT HEURES DU MATIN.
Sans plus attendre, enregistreur, bloc-notes et crayon en poche, ma casquette de conseiller artistique principal du sieur Henri vissée sur la tête, je le retrouve, dans une brasserie parisienne pour un entretien « remue-méninges » commandé par un célèbre quotidien - comprenez « brainstorming » pour les quadras quinquas les plus branchés de la Grande Couronne Valley. Mille excuses par avance, mais ça faisait « cool » de placer ce mot aux effluves de fromage à pâte molle dans le texte !
Non loin de l’Allée des Philosophes (11ème), Henri et sa fidèle pianiste Louna CORDA attendent leurs amis chefs cuisiniers de la table bistronomique La pie voleuse Sophie GATELLI et Lucas CEROLLE, inconditionnels de Rossini, de son tournedos et de ses plus célèbres airs d’opéras. Comme le fameux compositeur réputé « bon vivant » et « fin gourmet », rien n’empêche d’aimer la bonne musique et la gastronomie. Et vice-versa d’ailleurs. Sophie et Lucas arrivent. Les embrassades de coutumes effectuées, nous allons de pied ferme entrer dans le vif du sujet, le cœur de la meule, la tête dans le fourneau et les mains sur le piano.
À peine le temps de passer commande de nos doubles expressos que les discussions débutent : la pluie, le beau-temps, le nouveau gouvernement, la récente fugue (au minimum à quatre voix) de notre Bruno Le Maire national chez nos voisins Suisses en mode furtif « ce n’est pas moi, c’est le chat » car « si nous avons un niveau de dette élevé, c’est parce que j’ai sauvé l’économie française… » Si, si, ces mots sont bien ceux de Bruno Le Maire « himself » comme diraient nos quadras quinquas cités plus haut… Sans oublier NETFLIX, notre Omni-Président et son incommensurable enthousiasme pour la série télévisée Emily in Paris, les stars de la musique, la dernière cotation de la pomme de terre, celle des gambas, du homard, des artistes « bancables » qui passent à la TV, le champagne qui coule à flot dans les ministères pendant que le Titanic semble sombrer une seconde fois…
Bref… La vie de comptoir ! La vraie.
Soudain, Henri électrise fièrement l’atmosphère d’un :
- Eh ! Les cuisiniers ! Savez-vous comment faire cuire un poisson sur un piano ?
Les deux paires d’yeux des virtuoses du poêlon et agitateurs de papilles se figent sur lui. J’appuie sur la touche [REC] de mon dictaphone 2.0. Happé par les sujets foisonnants du matin, je viens juste de réaliser que j’avais omis ce détail… Erreur réparée. Au demeurant très vifs, les esprits de Sophie et Lucas sont encore embrumés par le service de la veille qui s’est terminé tard dans la nuit, et pour l’heure anesthésiés par les parfums de croissants chauds, confitures, brioches et autres chocolats…
- Alors ?? Insiste Henri. Et bien, posez-le dessus et faites DO RÉ LA SOL !
Esquissant un sourire amical un soupçon condescendant, Lucas et Sophie, les deux cuisiniers répliquent en cœur, du tac au tac :
- Et vous les musiciens, savez-vous quelle est la différence entre un altiste et un oignon ?? Alors… ??? Une idée ? C’est pourtant simple, personne ne pleure quand on découpe l’altiste…
Le ton est donné ! Les pianos sont accordés ! Attention, amis de la frange gélifiée, ça va décoiffer.
Aujourd’hui, au menu du jour de leur restaurant**, Sophie et Lucas proposent :
• Ravioles de pomme, oignon, foie gras, servies chaudes, velouté de champignons.
• Maquereau cuit sur la peau, polenta comme une pissaladière, tomates confites, jus d’olives noires.
• Poire pochée au poivre Timut, biscuit fleur d’oranger, espuma chocolat blanc, caramel orange.
- Pour notre prochain concert, nos suggestions sont également très savoureuses, dans un sucré salé dont vous nous direz des nouvelles rétorquent Louna et Henri :
• Suprême de Bill Evans accompagné de son subtil mi-cuit de Duke Ellington, velouté de Brad Mehldau et sa farandole de septièmes majeures.
• Toccata de Jean-Sébastien Bach à basse température, cuisson de sept heures, arrosée de sa réduction Piazzollienne aux baies de Buenos Aires, sauce tanguera.
• Douce mélodie de Fauré, fleur de Brahms et croustillant de Gershwin, chocolat Ravelien au piment d’Espelette.
Et dans tout ça, me direz-vous, LE POINT COMMUN ? La recherche absolue d’excellence, de qualité, mais surtout la transparence, la traçabilité, des produits frais, bio, équitables, sains, digestes, fins et qui font du bien au corps et à l’âme. Et en prime, l’essentiel… Le respect des convives et du public…
De nos assiettes à nos oreilles, il n’y a qu’une bouchée !
Entre le quatrième art - la musique - et celui que nous pourrions qualifier de onzième art - la gastronomie - la liste des points communs est très longue, infiniment longue, alors nul besoin d’aller ici plus loin dans les analogies. En revanche, d’emblée, des différences notables nous sautent aux yeux et aux oreilles. Plusieurs instances de contrôles, de classement et de notations existent pour les métiers de « l’art de la table » mais pas vraiment pour la musique… Nous avons tous acquis l’idée que nous devions faire attention à ce que nous mettions dans nos assiettes…
Mais qu’en est-il de nos oreilles ? Ne dit-on pas : « un esprit sain dans un corps sain » ?
Alors ne serait-il pas l’heure de mettre en place un « NUTRISCORE » de l’art pour nourrir notre esprit avec plus de bienveillance et de discernement ?? Si nous cherchons envers et contre tout l’éviction des maladies chroniques physiques (quoique ça rapporte quand même pas mal d’écus à l’industrie pharmaceutique mais c’est un autre sujet…), il serait cohérent de se pencher un peu plus sur celles de l’esprit.
Les artistes ne sont-ils pas les médecins de l’âme ?
« Pour votre santé, évitez de manger trop gras et trop sucré » pourrait se décliner en « Pour votre santé, évitez d’écouter trop de MP3 ultra compressés et de son transformé » … Il est d’ailleurs prouvé scientifiquement qu’au même titre que le corps et l’organisme s’habituent très facilement au sucre, l’oreille s’habitue quant à elle au son compressé et appauvri du MP3 si bien que lorsque l’on reprend un bon vieux 33 tours pour le mettre sur sa platine, c’est l’explosion de saveurs ! Le nirvana, le paradis ! Marteaux et enclumes ne s’en remettent pas… C’est l’extase. Tout simplement.
Tout va bien chez vous ? Ici, les questions fusent, les cafés coulent, les théières infusent...
Ravi de pouvoir partager ses réflexions en si bonne compagnie, Henri poursuit :
- Le commun des mortels admet quand même aujourd’hui que toutes les tomates ne se valent pas, il y a celles du jardin de Maurice, maraîcher dans le Gers, cultivées avec amour, savoir-faire, professionnalisme, goûteuses, sucrées, succulentes… et celles qui ont la forme de tomates, à peine la couleur, aucunement les saveurs et qui poussent dans des serres hors sol, sans terre, sans lumière, dont les pieds baignent dans de l’eau enrichie d’engrais et d’autres produits issus de l’industrie pétrochimique…
Et je ne parle même pas de la graine… celle sélectionnée avec soin par notre cultivateur Gersois d’une année sur l’autre pour réaliser ses semis, et les graines TERMINATOR génétiquement modifiées… Ce n’est pas tout, et les boulangeries qui se contentent uniquement de cuire du pain déjà prémâché et prédigéré dans d’énormes entrepôts susceptibles à tout moment de rappeler leurs produits en raison de possibles contaminations à la bactérie répondant au doux nom d’Escherichia Coli… Et les « réchauffeurs de plats » … Le Collège Culinaire de France estime qu’actuellement 80% des restaurants en France sont des chaînes, des franchises, ou des établissements qui ne cuisinent rien… Quelques micro-ondes, des bouilloires, des bains-marie et le tour est joué… Et le pire dans tout ça, c’est que ça marche encore, c’est vieux comme le monde.
Avec vigueur, Sophie et Lucas confirment et enfoncent le clou de girofle dans le gigot :
- Et oui, nous nous battons quotidiennement pour faire reconnaitre les produits de qualités, car il y a une énorme différence entre ce que nous pourrions qualifier de simples « professionnels de l’alimentation » (l’industrie agroalimentaire, les chaînes de fast-food…) et les restaurateurs gastronomes au sens noble du terme qui défendent l’art de cuisiner des produits sains pour éduquer les palais, respecter les saisons, mettre fin aux élevages intensifs, aux traitements phytosanitaires excessifs des cultures…
C’est sûr : ce qu’il manque à l’art, particulièrement à la musique, c’est précisément une instance porte-parole d’un esprit de qualité loin du « bling-bling » des plateaux TV qui laissent croire à tout un chacun que se servir d’un ordinateur pour faire « du son » avec des logiciels d’intelligence artificielle c’est être compositeur… Que chanter en public ou en studio avec des logiciels correcteurs de voix, c’est être chanteur, qu’écrire des livres avec ChatGPT, ChienGπC, LamaGCRACHÉ ou CrevetteGVOMI c’est être écrivain, qu’inventer des mots argots ou franglais c’est faire évoluer la langue française…
- Dans ce cas, nous aussi, nous pourrions faire évoluer la gastronomie nationale en mélangeant des huîtres, de la confiture, du fromage à raclette, des salsifis et un soupçon de jus de rôti de porc… façon potion de la sorcière maléfique des contes de Grimm, mais bon, pas certain que cela reste dans les annales des meilleures recettes… Les amis, nous sommes rentrés dans la culture du leurre, du faux et il devient très difficile d’ailleurs de faire le tri. Nous avons lu dans le magazine AZERTY (Google France) du mois de septembre consacré à l’I.A. que d’ici 2030, on estime qu’il y aura plus d’images générées que d’images non générées en circulation sur internet, ce qui pose une question anthropologique majeure sur le statut des images. En voyant une photo, on estimera donc par défaut qu’il y a plus de chances qu’elle soit fausse que vraie.
- Garçon ? Remettez quatre expressos bien serrés s’il vous plaît ! dit Louna.
- Oh que oui ! répondent d’une seule voix Henri et Sophie, nous en avons bien besoin.
Louna rebondit :
- C’est un peu comme l’histoire du « fait maison » chez les marchands de glaces, sur la côte en plein été… Plus l’écriteau « fait maison » clignote, plus les parfums sont nombreux - Malabar, Licorne, Pokémon, Avengers vanille et Catwoman Caramel - moins les glaces sont artisanales… Et on se fait encore avoir… Parce qu’aujourd’hui, malheureusement, « fait maison » ne veut pas toujours dire que la préparation a été remuée avec amour grâce à l’une de vos cuillères en argent préférées, dans le plat de votre grand-mère… Parfois, tous les ingrédients viennent de l’autre bout du monde, à l’exception de l’idée « géniale » de recette qui donne alors le droit à son exquis et aimable géniteur d’apposer un « imaginé en France », « conçu en France » ou « assemblé en France » … C’est sûr qu’il faut se battre.
- Oui fait maison c’est fait maison, de À à Z, un point c’est tout dit Sophie. C’est pour cette cause que le Collège Culinaire de France se bat, pour sélectionner soigneusement ses partenaires, ses membres, ses adhérents. Sinon, sans ça, bientôt nous pourrions voir certains dire que les sandwiches « éponges » des aires d’autoroutes c’est de la gastronomie… Tu sais ceux qui te collent au palais comme une veille ventouse dans un évier… Les « poulet mayonnaise triple épaisseur » ultra résistants… Tellement gluants que tu manques te faire une entorse de la langue pour retrouver ton intimité buccale… Ce n’est pas parce que tout le monde en mange, ou qu’il y a des publicités partout dans le métro et dans les abribus que c’est bon pour notre santé.
Lucas enchaîne :
- Vous devriez mettre en place une sorte de NUTRISCORE de la musique, qui informe les consommateurs sur le contenu, la provenance des produits, si la musique a été enregistrée par de vrais musiciens de chair et d’os, s’ils ont été payés, si les contrats sont en règles, si le son respecte des critères de qualité acoustique, si les paroles n’incitent ni à la violence, ni à la haine… Un Collège Artistique National pour que nos enfants ne rentrent pas de l’école en disant « wesh gros […] ta la pookie dans l’side… C’est trop la kiffance frère. Merci la Zone ! » à la fin de chaque phrase. In fine, il convient de faire tout autant attention à son foie qu’à ses oreilles même si chacun reste bien évidemment maître de ses intestins et de ses tympans.
Le principal dans tout ça, est avant tout d’arrêter de comparer l’incomparable, de stopper cette uniformisation et standardisation systématique vers le plus bas, d’être conscient et informé de ce que l’on mange car la classification et les étiquettes ne sont pas une solution idéale non plus… L’homme aime tant contourner les règles, c’est même son jeu favori depuis la nuit des temps… Lorsque « Société de consommation » rime quand même trop souvent avec « désinformation » ou se faire prendre pour un « mouton de la Réunion » !
Brusquement, rouge de colère, Henri tape du poing sur la table qui manque se renverser.
Mon bloc note vacille. Mon enregistreur fait un triple salto piqué arrière double loops extension avant retournée acrobatique pour finalement s’échouer - sans une égratignure – sur la table, tel un Sumo sur son tatami. Le serveur détale.
- Tout va bien Monsieur ?
D’un air qui lui donnait un petit côté bougon à la Jean-Pierre Bacri dans « Cuisine et dépendances », Henri répond :
- Oui, tout va bien, ça va… ça, ça, ça, ça, ça va, ça va, çaaaaaaaaaaaa, vaaaaaaaaaaaa. Tout va bien. Pffffff. Mais vous comprenez jeune homme, il est devenu urgent que le public puisse faire la part des choses entre une musique de grande consommation, de grande distribution et celle produite par des petits artisans de l’art. Dans notre entourage, la liste est longue comme le bras d’artistes et amis extrêmement talentueux qui triment pour joindre les deux bouts…
Alors que dans la croyance populaire, pianiste = pianiste, chanteur = chanteur, compositeur = compositeur… Du coup, il y a ceux bourrés de talents qui sont désormais obligés de donner des concerts dans de petites salles microscopiques devant une poignée de convives, rentrant chez eux avec à peine de quoi faire un plein d’essence et ceux qui bénéficient toujours des 99/100ème du gâteau, qui se goinfrent d’argent public, façon Gargantua, sans scrupules, aux yeux et aux oreilles de tout le monde, dans une indifférence collective absolue déconcertante…
Et bien non, vous voyez, c’est comme pour les tomates, les salades ou le jambon blanc, il y a celui avec nitrites et celui de la ferme de chez Jeannette dans le Massif Central, celui parfumé à l’air pur des montagnes… Pour la musique, c’est pareil, il y a aussi celle avec nitrites et additifs et celle sans…
Attention, je vous vois déjà me dire que je suis élitiste, snob, coincé et englué dans la naphtaline d’un monde qui n’existe plus. Je vous vois. Vous ne dites rien mais je vous entends. Si si.
Tout le monde doit pouvoir choisir en toute conscience sans que l’on crie à ce supposé élitisme dès lors que l’on essaie de montrer la forêt en jachère qui se cache derrière le seul arbre bodybuildé que l’on nous montre en boucle et en « prime time » sur les chaînes d’information en continue…
Vous comprenez ? Il faut savoir où regarder… La lune ou le doigt… Vous la connaissez celle-ci ? Lorsque le sage montre la lune l’imbécile regarde le doigt… Et rassurez-vous, ça marche pour tous les sujets ! Encore un argument ? Je vous vois dans vos petits souliers. La secrétaire générale du Collège Culinaire de France a dit dans son interview de septembre « Il n'y a rien d'élitiste dans notre démarche ! On peut trouver un chef artisan dans un restaurant pour 10 euros comme pour 1000 euros si on le souhaite. Ces artisans – qu'ils soient producteurs ou cuisiniers – sont ceux qui permettent la diversité de ce que l'on va manger demain, parce que l'industrie a tendance à tout homogénéiser et standardiser ». CQFD
Henri reprend son souffle, une gorgée de café et s’élance à nouveau.
- Jeune homme, attendez, pour clore cette longue tirade digne de Cyrano, je précise car je ne voudrais pas que vous me prêtiez des propos que je n’ai pas dits. On peut écouter du rap, de la musique funk, latino, du tango, de la bossa nova, de la musique des Balkans, de la musique classique, du jazz et de la variété, sans pour autant renier les différences de subtilités de certaines compositions, de structure et l’orfèvrerie musicale que certains styles ou compositeurs ne travaillent pas autant que d’autres. Une manière de dire que, comme le disait Colette « le vrai gourmet est celui qui se délecte d'une tartine de beurre comme d'un homard grillé, si le beurre est fin et le pain bien pétri ». Et c’est justement bien en ce dernier point que réside toute la différence, car peut-on se délecter d’une poussière de pain, réchauffée au micro-onde, fabriquée en usine avec de la farine de blé OGM vaporisée d’insecticide par des drones télécommandés depuis une salle de contrôle depuis laquelle, paisible, les pieds sur son bureau, Charles Gustave Philibert de L’Embrouille fume son cigare type « barreau de chaise » en regardant les cours de ses actions Bitcoin ?
Il s’agit plus largement d’une éducation des papilles à refaire. Savoir détecter le vrai beurre du faux, le vrai steak haché du reconstitué avec 10% de viande, 50% de gras, 20% de sirop de glucose et 20% de sous-produits animaux et perturbateurs endocriniens ou encore la viande de synthèse tout bonnement « cultivée » en laboratoire… Comme dirait Albert, tout est relatif ! Et il ajouterait même : « Celui qui suit la foule n'ira jamais plus loin que la foule qu'il suit. Celui qui marche seul peut parfois atteindre des lieux que personne n'a jamais atteints ! » Il est évident que cela demande un effort quotidien et qu’il faut accepter de ne pas être entendu et compris car c’est tellement plus facile de croire ce que l’on nous montre ou que l’on nous laisse voir - les fameuses ombres de la caverne de Platon - sans chercher à aller voir ce qui se passe à l’extérieur de cette grotte dans laquelle nous sommes tous enfermés. Et puis, il faut bien dire que cela n’arrange pas non plus beaucoup les politiques que les citoyens prennent part trop activement au débat… Vous connaissez Orwell, 1984 : « Le travail physique épuisant, le souci de la maison et des enfants, les querelles mesquines entre voisins, les films, le football, la bière et, surtout, le jeu, formaient tout leur horizon et comblaient leurs esprits. Les garder sous contrôle n'était pas difficile. »
Lucas s’exclame :
- Il faut d’urgence réagir et retrouver l’attrait pour le beau, l’authentique, l’honnête, le vrai, le sincère. Vivre c’est s’adapter, « La folie, c'est de faire toujours la même chose et de s'attendre à un résultat différent » disait encore le génial Einstein.
Sourire en coin, Henri jubile :
- Les amis, il faut que j’y aille. J’ai à faire pour mes élèves du Conservatoire. Mais avant de nous quitter, j’ai encore une idée… Conclusion en forme de sujet pour le Bac Philo 2025 : si à l’image du « mystère » de la poule et de l’œuf, il y avait celui de la guerre et de la culture… Est-ce que la guerre sévit un peu partout dans le monde parce que la culture est réduite à néant ? Ou, est-ce parce que la culture est réduite à néant depuis trop longtemps que la guerre éclate un peu partout dans le monde ? À vos copies. Vous avez 4 heures. Pendant ce temps, j’appelle de ce pas nos ministres pour qu’ils prévoient de remettre la légion d’honneur aux meilleures copies. Qu’en dis-tu Louna ? ».
- Ce que j’en pense… C’est que si la culture et l’éducation revenaient enfin au cœur des préoccupations politiques et sociétales, notre esprit critique collectif s’en trouverait sans doute un peu plus musclé, nous serions moins lyophilisés et nous serions surtout plus disposés à faire un tri sélectif en amont, en toute connaissance de cause, sans besoin d’un balisage NUTRISCORE ou d’un fléchage qui pourrait s’avérer nauséabond entre de mauvaises mains… Alors restons attentifs aux étiquettes, curieux et vigilants. C’est ensemble, dans une prise de conscience collective, que nous pourrons peut-être espérer refaire tourner la planète dans le bon sens. Il faut sortir de cette vision à court terme, celle des chiffres, des bénéfices en dénigrant toujours plus la qualité systématiquement écrasée par l’appât compulsif du gain maximal… Et concernant ton histoire de poule et d’œuf, de guerre et de culture, nous en reparlerons la prochaine fois, moi aussi, j’ai rendez-vous pour une réunion pédacosmique avec mes collègues Ana CRUZ et Axel HERANDO. Au programme : piano, posture instrumentale, histoire, partage, autocritique, poésie, beauté et pureté des sons…
Les voix se posent, les esprits s’apaisent. Le mot de la FIN ?
Mais au moment d’appuyer sur la touche [STOP] de mon enregistreur et de mettre un terme à cette joute à bâtons rompus, philosophes, Louna et Sophie se lèvent en concluant dans un bouquet final dont seules les femmes ont le secret :
- On n’oublie quand même l’essentiel ! Instant culture oblige.
- L’immense Beethoven disait « jouer une fausse note est insignifiant mais jouer sans passion est impardonnable ».
- Le non moins immense Bocuse disait : « il n’y a pas de bonne cuisine si au départ elle n'est pas faite par amitié pour celui ou celle à qui elle est destinée ».
[STOP]
Comme quoi… de l’assiette à l’oreille il n’y a vraiment qu’une bouchée !
Sébastien Authemayou
Bandonéoniste,
Compositeur, arrangeur,
Membre de la SACEM
Professeur d'Enseignement Artistique
Conseiller artistique principal d'Henri Soufflet
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Note : pour en savoir plus, vous trouverez ci-dessous les sources principales d'après lesquelles cet article a été réalisé :
* RECETTE DU RIZ SOUFFLÉ
https://www.gastronomiac.com/lexique_culinaire/riz-souffle/
https://www.bulle-de-patisserie.fr/riz-souffle-maison
HISTOIRE DU RIZ
https://www.leriz.fr/la-filiere/lhistoire-du-riz/
https://www.camargue-production.com/histoire-du-riz/
** RESTAURANT LE PASTEL TOULON
https://restaurant-lepastel.eatbu.com/?lang=fr
Avec nos remerciements et notre admiration pour cette cuisine authentique, sincère et délicieuse.
Le menu de Sophie et Lucas suggéré plus haut est en réalité proposé par le restaurant LE PASTEL à Toulon dans sa carte d’automne « rentrée 2024 ». Mille mercis également à MC pour l’invitation et la magnifique découverte de cette table que je vous recommande vivement de visiter.
DU BON SENS DANS MES OREILLES
https://www.actes-sud.fr/du-bon-sens-dans-notre-assiette
ROSSINI
https://www.olyrix.com/artistes/9660/gioachino-rossini/biographie
ESCHERICHIA COLI
https://www.pasteur.fr/fr/centre-medical/fiches-maladies/escherichia-coli
GRAINES TERMINATOR, LES ENJEUX D’UNE STERILITE PROGRAMMEE
https://infogm.org/terminator-les-enjeux-dune-sterilite-programmee/
COLLEGE CULINAIRE DE FRANCE
https://college-culinaire-de-france.fr/
MAGAZINE GOOGLE FRANCE AZERTY
https://about.google/intl/ALL_fr/stories/azerty/
https://www.edelman.fr/azerty-google
LE FIGARO / PARIS MATCH
ETIENNE GUEREAU
https://www.pianojazzconcept.com/a-propos/
https://www.youtube.com/@Pianojazzconcept/videos
ESPRIT CRITIQUE
https://www.youtube.com/@lespritcritique/videos
CLASSIFICATION DES ARTS
FRANCE INFO
COURRIER INTERNATIONAL
JEAN-PIERRE BACRI
https://www.youtube.com/watch?v=Jqp2orQYILg
NATIONAL GEOGRAPHIC
GUY SAVOY ELU MEMBRE DE L’ACADEMIE DES BEAUX-ARTS
https://www.academiedesbeauxarts.fr/guy-savoy-elu-lacademie-des-beaux-arts